Cartographier le plancton pour mieux protéger les espaces marins

Portrait Olivier Clot-Faybesse
Olivier Clot-Faybesse
Publié le 8 sept. 2024
Des scientifiques à l'arrière d'un bateau remontent un filet avec du plancton
À bord du Côtes de la Manche, les scientifiques ont effectué à la fois des mesures en continu et des échantillonnages ponctuels de plancton dans toute la zone du Parc marin. Crédit : Ifremer, Valérie Lefebvre
Fin avril 2024, les scientifiques de la mission CARPARC ont parcouru le parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale. Leur objectif : établir une carte des différents types de planctons, y compris les œufs et larves de poissons. Ces données, qui permettent de mieux comprendre les efflorescences d’algues et d’identifier les zones de frayères et de dérive larvaire, sont indispensables aux agents du parc marin pour établir un plan de gestion efficace pour la protection du patrimoine naturel, de la qualité de l’eau et des populations de poissons. D’après le service de presse de l’Ifremer.

Pendant dix jours, des halieutes et des spécialistes de l’hydrologie et du phytoplancton ont parcouru le littoral d’Ambleteuse au Tréport à bord du Côtes de la Manche, navire côtier de la flotte océanographique française opérée par l’Ifremer. Leur mission ? Observer à la loupe les écosystèmes planctoniques, des microalgues aux larves de poissons.

La cartographie des planctons, une étape clé pour définir les mesures de protection des espaces marins

Réalisée dans la cadre du projet CARPARC financé par le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale, cette campagne océanographique alimente les connaissances sur ces écosystèmes afin de proposer des mesures de gestion adaptées du patrimoine naturel, de la qualité de l’eau et des ressources halieutiques du parc marin. Elle s’intègre également dans les projets français RIOMar et FutureObs, lauréats du programme prioritaire de recherche « Océan & Climat », qui visent à étudier et à prédire les évolutions des socio-écosystèmes et des zones côtières placées sous l’influence de fleuves en France métropolitaine.

« Les échantillons prélevés lors de la campagne vont nous permettre d’identifier les zones de frayères où l’on retrouve les œufs et les larves de poissons, et qui sont donc importantes à protéger, explique Christophe Loots, chercheur au Laboratoire Ressources halieutiques de Boulogne-sur-Mer de l’Ifremer. C’est la première fois qu’une campagne est mise en place pour établir cette cartographie spécifique de la zone du parc marin. »

L’analyse des données collectées lors de la campagne permettra aux scientifiques de préciser les zones de ponte et d’éclosion des poissons, et de mieux comprendre la dérive des larves jusqu’aux zones de nourriceries, où les juvéniles se développent jusqu’à l’âge adulte. L’identification de ces zones est l’une des clés essentielles pour mettre en place un plan de gestion adapté pour améliorer les taux de survie des larves, alors qu’environ un œuf sur 100 000 survit jusqu’à devenir un poisson adulte. Ces mesures permettent d’assurer le bon renouvellement des populations de poissons d’intérêt commercial, comme la sole, le hareng ou le merlan, mais aussi d’espèces importantes pour l’écosystème.



plage à marée basse, mer d'Opale
Marée basse dans la mer d'Oplale © Parc marin epmo-Lhe Hardelot.jpeg

Des microalgues particulièrement abondantes dans les estuaires

Les scientifiques se sont également concentrés sur le phytoplancton, et en particulier sur la microalgue Phaeocystis globosa. Cette espèce unicellulaire, très présente entre mars et mai, s’agrège en colonies et produit un mucus qui rend l’eau visqueuse et provoque l’accumulation de mousses nauséabondes sur le littoral. Au-delà du seuil de 1 million de cellules par litre, la présence de cette microalgue provoque des dysfonctionnements au sein des écosystèmes, sur l’ensemble de la chaîne trophique.

Dans la zone étudiée, les concentrations de Phaeocystis peuvent atteindre aisément 10 à 20 millions de cellules par litre certaines années. Les conséquences directes sur la vie marine sont multiples. D’une part, le zooplancton évite et déserte les zones chargées en Phaeocystis (ce qui prive la faune marine présente de la source de nourriture qu’est ce plancton). D’autre part, Phaeocystis peut aussi s’associer à une autre microalgue toxique (Pseudo-nitzschia spp.), ce qui favorise l’accumulation de toxines dans les coquillages et les rend impropres à la consommation humaine.

« Nous avons observé une abondance particulièrement forte du phytoplancton le long de la côte, avec une biomasse 5 à 10 fois plus importante au niveau de l’estuaire de la Somme ou la baie d’Authie par rapport au large, annonce Alain Lefebvre, chercheur en biologie marine au Laboratoire Ressources Environnement Boulogne-sur-Mer de l'Ifremer et chef de la mission CARPARC. Cette forte présence confirme nos hypothèses sur le rôle des apports de nutriments, via les fleuves, sur la prolifération de Phaeocystis globosa. »

Les prélèvements effectués lors de la campagne viennent ainsi compléter les données des programmes de surveillance et d’observation, notamment les services nationaux de l’infrastructure de recherche ILICO, et fournissent les connaissances scientifiques pour identifier et mettre en place des stratégies pour préserver la santé des écosystèmes, mais aussi pour alerter et prédire leurs évolutions.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher