Subaqua Comment un garçon né en 1966, à Longwy, se retrouve-t-il scaphandrier sur les plates-formes au large des côtes africaines ?
Christian Marschal C’est une histoire qui occupe une grande partie de ma vie ! Disons pour résumer que comme beaucoup d’enfants de ma génération, j’ai rêvé devant l’Odyssée du commandant Cousteau. Tout comme mes balades dans les collines, ces émissions hebdomadaires étaient pour moi un moyen de m’échapper de la grisaille. Inadapté au système scolaire à cause d’une sévère dyslexie, j’ai quitté le collège en cinquième pour passer un BEP de paysagiste commencé à Lambesc et achevé en Guadeloupe où j’avais suivi mes parents. C’est là que j’ai découvert la plongée dans un centre sur la plage de Bouillante. C’était le bonheur ! Très vite pourtant mes parents sont partis s’installer en Guyane et, comme je me tournais un peu les pouces, ma mère m’a trouvé un travail de plongeur à mi-temps… Pour laver la vaisselle ! Il faut croire que c’était un signe du destin car il s’agissait de l’Orstom, l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer devenu aujourd’hui l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement. Comme je ne travaillais pas l’après-midi, je restais avec les chercheurs. J’étais curieux et attentif. Depuis toujours, la biologie était ma passion et je les regardais plein d’envie tout en me disant que ce travail ne serait jamais pour moi… Mais j’apprenais les techniques de base. Les scientifiques étaient très ouverts, bienveillants. Je crois qu’ils ont détecté en moi ce que l’école n’avait pas su voir. Très vite l’un d’eux a obtenu un petit budget pour me sortir de la vaisselle et je suis devenu technicien. J’ai eu beaucoup de chance et je ne sais pas si ce serait encore possible aujourd’hui. J’ai ainsi passé cinq années à l’Orstom et beaucoup travaillé sur la papillonite qui sévissait dans les environs de Kourou…
Subaqua De quoi s’agit-il ?
Christian Marschal C’est une affection cutanée provoquée par les poils urticants de certains papillons nocturnes tropicaux du genre Hylesia. Pour empêcher leur prolifération, il fallait gérer les excédants de population avec des pièges pour récolter les femelles. J’ai passé mon temps à perfectionner ces pièges puis à les mettre en place en forêt. La Guyane est un vrai paradis quand on aime la nature, les animaux en général, les serpents ou les insectes en particulier…
Subaqua On est loin de la plongée pro…
Christian Marschal C’est vrai mais le labo a fermé ce qui m’a contraint à trouver un autre emploi. Pendant six mois j’ai ainsi travaillé comme photographeet cela m’a bien servi plus tard. Mais sans l’ORSTOM, la Guyane m’était devenue trop petite. Une sorte d’île où j’avais l’impression de tourner en rond. Alors je suis rentré en France, à Rognac, près de Marseille. Là, j’ai enchaîné tous les petits boulots possibles : traiteur en supermarché, récolteur de fruits… Cela peut paraître simplement alimentaire et pourtant, chaque fois, j’y ai trouvé un intérêt qui allait bien au-delà du salaire. Il suffit de savoir observer, écouter, mettre les situations en perspectives. Même dans la banalité, la vie se révèle d’une richesse inouïe. Et puis Rognac, c’est près de la mer… Au club Le Poulpe de Carry-le-Rouet, je me suis remis à la plongée en réalisant combien elle m’avait manqué depuis la Guadeloupe. J’ai finalement passé mon niveau 4 à Niolon. Dans le même temps, curieux, je suis allé faire un tour à la Station marine d’Endoume où j’ai rencontré Bernard Thomassin… qui m’a proposé un travail de granulométrie sur des sédiments de Mayotte ! Pendant une année, j’ai donc trié et classé tous ces échantillons. Et puis le travail s’est achevé et le monde de la science m’a semblé définitivement mort. Alors j’ai décidé de passer mon classe II mention B à l’INPP pour, au moins, construire ma vie avec une de mes passions. Faute de bio, ce serait au moins la plongée ! C’est comme ça que je me suis retrouvé scaphandrier, d’abord sur un chantier archéologique à Chalon-sur-Saône puis au Nigeria, sur les plates-formes pétrolières en intégrant la COMEX grâce, une fois encore, à Bernard Thomassin…
Subaqua C’était dur ?