Dans le sillage du sous-marin Méduse

Pierre Pierre Larue
Publié le 2 mai 2013
En octobre 1942, au cours des opérations du débarquement américain sur la côte atlantique marocaine, le sous-marin français Méduse, t raqué puis endommagé par les forces aéronavales alliées est échoué, volontairement, au pied des falaises du cap Blanc. Voici 60 ans, Pierre Larue, alors adolescent, côtoya l’équipe qui espérait le renflouer. Récit.

La construction

Le sous-marin Méduse, construit au Havre, appartenait à la classe Diane 2. Il fut mis en service en 1932. Long de 64 m, large de 6 m pour un poids de 630 tonnes, il était propulsé en surface par deux moteurs diesel de 650 CV. Il pouvait naviguer en complète autonomie sur 4 600 km à 13 nœuds.

En plongée, deux moteurs électriques de 550 CV lui permettaient de se déplacer à une vitesse maximale de 9 nœuds, avec un rayon d’action de 160 km. Pour se protéger, il pouvait descendre jusqu’à 80 mètres. 

Son armement principal se composait de 6 tubes lance-torpilles de 550 mm, d’un canon de 75 mm fixé sur le pont devant le kiosque, d’une mitrailleuse de 13,2 mm et deux de 8 mm. 

Basé successivement à Brest, puis Oran et enfin Casablanca, l’équipage de ce submersible obéissait depuis le 25 juin 1940 à l’amiral Darlan du gouvernement de Vichy.

À la fin du mois d’octobre 1942, un corps expéditionnaire américain, composé de 34 500 hommes et 250 chars, embarqué à bord d’une centaine de navires, appareilla dans le plus grand secret de différents ports de la côte Est des États-Unis.

Arrivée le 8 novembre à l’aube en vue des côtes marocaines, l’armada poursuivait un objectif majeur : permettre un débarquement de soldats par péniches, puis d’un matériel considérable et poursuivre la guerre à partir de l’Afrique du Nord, jusqu’à obtenir une capitulation sans condition des puissances de l’Axe.

L’impressionnante Western Task Force se déploya de Port-Lyautey à Safi. L’opération Torch commença. Avec son artillerie de marine et son aviation embarquée, elle attaqua principalement les batteries de Pont-Blondin et d’El Hank ainsi que la flotte française piégée dans le port de Casablanca.

Le lieutenant de vaisseau Roy commandait la dernière mission du sous-marin Méduse, assisté des trois officiers, les enseignes de vaisseau Dischamps, Salmon et Hautière ; 38 marins complétaient le dernier équipage. 

David contre Goliath

Le sous-marin Méduse, appareilla à 5 h 50 sur ordre. Il se positionna au large du port de Casablanca en immersion périscopique pour attendre l’arrivée de l’escadre ”ennemie”. Une cible de choix se présenta : l’imposant cuirassé USS Massachusetts.

Comme dans un remake de David contre Goliath, le petit sous-marin bénéficiait seulement de l’effet de surprise. Il prit une route d’attaque et se positionna à 3 800 mètres de sa cible.

À 10 h 12, il lança successivement quatre torpilles sans faire mouche. Immédiatement pris en chasse et grenadé par les destroyers, il se déroba en plongeant à 25 mètres. Le commandant décida de faire surface pour revenir dans l’avant-port de Casablanca vers 13 h 20.

Deux groupes de trois chasseurs catapultés d’un porte-avions en profitèrent pour frapper et endommager gravement le submersible. Les ballasts arrière crevés par les rafales de mitrailleuses de 12.7 diminuaient considérablement la mobilité du navire. Trois marins furent blessés sur le pont : l’EV Salmon touché au ventre et à la cuisse et les QM Fichet, poignet brisé, et Quemard, biceps gauche arraché.

Pendant 36 heures, le LV Roy tenta de sauver son bateau et s’approcha du cap Cantin. L’officier en second Jean Dischamps et deux marins prirent place à bord d’un canot pour essayer de reconnaître la côte afin d’aborder.

En raison de la forte houle de fond, l’ordre fut donné aux hommes de l’embarcation de rejoindre le port de Safi à la rame. Ils furent capturés et internés par les soldats américains occupant la ville.

L’agonie

Devenu presque ingouvernable avec une faible pression d’air et le peu d’électricité disponible, le navire aux abois se dirigea en surface vers Mazagan (aujourd’hui El Jadida). Le 11 novembre, pour éviter de couler au-dessus de grands fonds et risquer la vie de ses hommes, le commandant décida de saborder son bâtiment en l’échouant volontairement contre les falaises du cap Blanc (aujourd’hui Jorf Lasfar).

Le dernier homme sorti, toutes les ouvertures furent libérées pour couler le bâtiment. Les hommes nagèrent jusqu’au rivage. Ils furent secourus dans un premier temps par l’aubergiste du cap Blanc, Monsieur Tabone. Les blessés, restés à bord sans soins depuis l’attaque du 8 novembre, furent évacués vers l’hôpital de Mazagan distant de 17 km.

Le 24 avril 1943, le conseil de guerre de Casablanca félicita le commandant et son équipage pour avoir fait plus que leur devoir. Le sous-marin Méduse, les officiers, cinq officiers mariniers et quartiers-maîtres reçurent la Croix de guerre avec palmes. Le reste de l’équipage fut décoré de la Croix de guerre.

Lourd bilan

Au total, le bilan de ces 3 jours de combat fit 1 825 morts et 2 717 blessés. 170 de nos aéronefs et la totalité de nos navires furent détruits, dont l’un des fleurons de notre Marine nationale : le cuirassé de 33 000 tonnes Jean Bart. Sept autres sous-marins : Sidi Ferruch, Conquérant, Sybille, Psyché, Oréade, Amphitrite et Tonnant partis de Casablanca le 8 novembre, sont morts au champ d’honneur et avec eux 247 sous-mariniers tués et 265 blessés au cours des combats des 8, 9 et 10 novembre.

Renflouez le SM Méduse !

Selon le HMS TTY 768, le 18 novembre 1942, une semaine après son sabordage, une mission se rendit au cap Blanc pour tenter de sauver le sous-marin Méduse.

Un scaphandrier s’immergea pour fermer les prises d’eau et les panneaux. Cette première tentative de renflouement échoua.

En 1947, une entreprise civile obtint auprès des Domaines une concession de 10 ans, pour le ferrailler. Trois tentatives échouèrent et l’entreprise fit faillite.

Été 1956, Lucien Marchal entrepreneur tangérois, racheta la concession. Il recruta une équipe composée de deux scaphandriers, Jules Manganelli, Lucien Mazella et deux manœuvres.

Pendant deux mois, il organisa un bivouac à terre. Lorsque la météo le permettait, les plongeurs se rendaient sur l’épave à bord de deux gros canots pneumatiques achetés lors de la vente de saisie.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher