Dans l'intimité des baleines

Portrait Olivier Clot-Faybesse
Olivier Clot-Faybesse
Publié le 26 avr. 2019, modifié le 18 sept. 2024
Soutenu par la FFESSM et par l’île de La Réunion Tourisme (IRT), le projet « Dans l’intimité des baleines » est arrivé à maturité. Il prend la forme d’un ouvrage photographique, tout juste publié, dédié aux baleines à bosse fréquentant les eaux réunionnaises lors de leur migration annuelle. Ce livre rassemble une sélection d’images réalisées sur une période de quinze années. Cependant, à la vue de ces remarquables clichés, il ne fait pas de doute qu’il dépasse le cadre d’une simple compilation de photos de cétacés. Ce que nous expliquent, entre autres, les deux auteurs, Guillaume Boeye et Éric Lamblin, lors d’un entretien croisé. Propos recueillis par Olivier Clot-Faybesse.

Subaqua Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Éric Lamblin Je suis âgé de 44 ans et je vis à La Réunion depuis 1998. Je suis un amoureux de la mer tant en surface, à travers la pratique du surf, que sous l’eau puisque je suis plongeur N4.

Guillaume Boeye Quant à moi, j’ai 47 ans et suis venu m’installer à La Réunion il y a une vingtaine d’années. J’ai quitté le monde de la finance pour devenir moniteur de parapente. Un coup de cœur car l’île de La Réunion représente un formidable terrain naturel d’exploration, que je glisse dans les airs depuis le haut d’une montagne ou dans le bleu de l’océan en plongée. Toutefois, je dois préciser que mes compétences de plongeur découlent en fait de mon amour de la photographie. On m’a offert un caisson étanche et pour pouvoir l’utiliser à toutes les profondeurs, j’ai passé mes brevets jusqu’au N3.

Subaqua Comment vous êtes vous rencontrés ?

Éric Lamblin Dans l’eau tout naturellement. Plus précisément, au centre de la baie de Saint-Leu. J’approchais une baleine par le flanc quand, de l’autre côté, j’ai vu Guillaume. Lui aussi avec un caisson photographique à la main. Nos regards se sont croisés et nous nous sommes instantanément compris.

Guillaume Boeye Devenus amis depuis ce jour, nous partons régulièrement ensemble en mer pour photographier les baleines. Même si nos motivations diffèrent parfois, nous nous inspirons l’un l’autre de nos sensibilités respectives.

Subaqua Justement, en feuilletant ce livre, on a vraiment l’impression de rentrer dans l’intimité des baleines comme l’indique si bien son titre. À l’image de cette mère qui soutient ou pousse vers la surface, pour l’aider à respirer, son petit. C’est précisément ce que vous désiriez montrer ?

Éric Lamblin Ce livre révèle le meilleur des centaines d’heures passées dans l’eau à observer et photographier les baleines sur une période de 15 ans. Sur les milliers de prises de vue que nous avons tous les deux réalisés lors de toutes ces sorties en mer, nous avons effectué une sélection drastique, soit une soixantaine de clichés. Avec comme fil conducteur, effectivement, de mettre en avant des instants de vie, des moments particuliers, atypiques, à la fois originaux et photogéniques. L’apprentissage des baleineaux en fait partie, tout comme les interactions que les baleines ont avec d’autres mammifères, comme les dauphins.

Guillaume Boeye Il ne faut pas oublier que les baleines à bosse que nous observons ont parcouru des milliers de kilomètres depuis l’Antarctique pour rejoindre les eaux chaudes de l’océan Indien. C’est ici qu’elles mettent bas et s’occupent de faire grandir leurs baleineaux. Nous sommes les spectateurs d’une période cruciale et privilégiée de leurs vies que nous dévoilons, en partie, à travers nos images. À travers ce livre, nous souhaitons transmettre et partager notre passion commune. Si nos images sont numériques, notre livre est tout ce qu’il y a de plus solide et concret. Un support imprimé, un objet durable dans un monde où tout est de plus en plus dématérialisé…

Subaqua Comment avez-vous procédé pour réaliser ces images ?

Guillaume Boeye Au début, je partais à la rencontre des baleines en kayak. Maintenant, je possède, tout comme Éric, ma propre embarcation, un semi-rigide. Un moyen de transport nettement plus pratique lorsque l’on est équipé d’un caisson photographique et de longues palmes. Et évidemment plus rapide, ce qui permet de multiplier les distances de déplacements pour aller à la rencontre des baleines. Une fois le ou les animaux repérés, on se glisse dans l’eau. Si l’on est ensemble, cela se fait à tour de rôle. Mais si le spectacle est vraiment remarquable, et l’alizé pas trop fort, on se retrouve vite à nager tous les deux. C’est pourquoi, on essaye de convier à nos sorties un copain. Histoire d’avoir un pilote à bord en permanence. Pour ce qui est de photographier les baleines, la manière la plus naturelle est sans conteste l’apnée. Cela permet de nous mouvoir avec aisance et discrétion. Les rencontres peuvent se faire à faible profondeur, au-dessus de la barrière récifale ou en pleine eau. Dans ce dernier cas, le bleu est dense, dépourvu de repères. Il nous arrive ainsi de progresser à l’oreille à la recherche du mâle chanteur. Photographiquement parlant, nous travaillons sans artifice. Pas de flash, juste un objectif au grand-angle pour capter au mieux la lumière naturelle. J’avoue d’ailleurs que depuis que je plonge en apnée avec ces animaux, mon matériel de plongée prend la poussière et que mes dernières images macro, de nudibranches notamment, datent quelque peu.

Éric Lamblin Je préciserai qu’au-delà de l’engagement physique il est capital, pour favoriser et optimiser les rencontres, d’apprendre à se déplacer avec souplesse et détente. Car je suis persuadé que les baleines, comme nombre d’animaux marins, ressentent selon notre manière de nager nos intentions, voire nos émotions. Enfin, j’ajouterai qu’il faut s’armer de patience. Les rencontres ne sont pas systématiques. Parfois l’animal nous ignore entièrement, d’autres fois il fait preuve de curiosité à notre égard. Cela nécessite de passer de longues journées en mer, sans compter bien sûr le facteur chance.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher