Le nez collé au cockpit du Robinson R66, nous admirons fascinés, les camaïeux de bleu, d’indigo, de turquoise et de vert qui défilent sur un océan infini. Nous nous dirigeons vers Heron Island, une petite île corallienne située au large du Queensland. À 80 km au nord-est de Gladstone, loin des constructions et de l’agitation de la côte, Heron Island est un petit paradis de 17 hectares classé parc national. Sanctuaire pour une faune et une flore protégées, c’est l’endroit idéal pour les amoureux de la nature. Le pilote nous fait signe et pointe son doigt vers le bas : à droite de l’appareil, une baleine à bosse et son petit font route vers le nord. Il commente : on les rencontre dans cette zone de juin à octobre, lorsqu’elles viennent ou repartent vers l’Antarctique…
Posée sur son écrin de sable blanc, une perle verte se précise dans l’immensité bleue. Heron Island nous apparaît bordée d’un magnifique lagon turquoise et recouverte d’une végétation luxuriante de pisonia et d’héliotropium. En approche de l’île, nous survolons l’épave du HMS Protector. Cet ancien navire de la Marine australienne a été volontairement échoué en 1943, comme brise-lames à une centaine de mètres du ponton. Le resort est dissimulé dans la verdure et n’occupe qu’un tiers de l’île afin de minimiser l’impact sur l’écosystème local.
C’est dans un mouchoir de poche que nous nous posons à quelques mètres de la plage. Dès notre arrivée, nous sommes pris en charge par une charmante hôtesse qui nous expose la philosophie de vie sur l’île. Elle nous donne quelques informations sur les infrastructures ainsi que les « règles » à observer pour préserver une nature intacte : ne pas déranger les oiseaux qui nichent sur toute l’île, ne pas les nourrir, ne pas marcher sur le corail, ne pas ramasser de coquillages… Puis nous guide vers nos bungalows situés en bord de mer. Nous prenons possession de nos « Reef rooms », simples, spacieuses mais confortables et préparons notre matériel photo pour l’immersion de l’après-midi.
Après être passé par le centre pour nous équiper, nous voilà sur le Hussard, un des bateaux de plongée du club. Autour du ponton, dans deux mètres d’eau, raies pastenagues, raies guitares, requins et tortues évoluent tranquillement. Une invitation à visiter leur royaume. Après le rapide briefing du moniteur et 10 minutes de navigation plus tard, nous rejoignons le site de Coral Canyon barbotant dans les eaux chaudes du Pacifique. Le courant est inexistant. Quinze mètres plus bas, d’exubérants massifs de coraux s’étendent à perte de vue : acropora, porites, tubirania, corail cerveau sont en parfaite santé. Ces structures géantes de calcaire façonnées par des milliers de petits polypes bâtisseurs, ont ici apparemment été épargnées du blanchiment qui affecte le nord de la Grande barrière de corail.
La vie foisonne à cet endroit dans un ballet incessant de lutjans, fusiliers, chirurgiens. À travers les méandres coralliens, nous suivons notre guide. Il s’arrête, pour nous montrer, bien calée entre deux branches de corail, une tortue verte qui dort d’un profond sommeil.
Les éclairs de nos flashs ne la dérangeront même pas. Un peu plus loin, c’est un requin corail posé sur le fond, qui a l’air assoupi : c’est effectivement l’heure de la sieste. Mais pas pour tout le monde ! Nous croisons une plongeuse bizarrement équipée, s’affairant autour du récif. Elle est munie d’une longue tige acérée reliée à un réservoir par un tuyau souple. Il s’agit d’une scientifique de la station de recherche de l’île, qui explore méthodiquement chaque massif de corail pour éradiquer l’étoile de mer Acanthaster. Cette terrible dévoreuse de corail qui sévit sur la Grande Barrière depuis plusieurs années, produit chaque saison 65 millions d’œufs. Pour contrer sa prolifération, une simple injection d’une dose de vinaigre dans les tissus lui sera administrée. Cette technique testée avec succès depuis 2 ans, provoque la mort de l’animal sous 48 heures, sans aucun risque pour le reste de la faune et la flore…