Vos relevés d’exploration servent aussi aux autres plongeurs qui préparent leurs explorations afin de savoir quelles pourraient être leurs futures rencontres sur les sites répertoriés, et vous contribuez à documenter la biodiversité car les données sont transmises à l’INPN (Inventaire national du Patrimoine naturel) dans le cadre de notre convention avec PatriNat (MNHN-CNRS-OFB, Muséum national d’Histoire naturelle, Centre national de la recherche scientifique, Office français de la biodiversité). Sachez aussi que vos photos peuvent parfois être liées à des rencontres rares, exceptionnelles, de premières observations… En moins de deux ans, plus de 65 000 observations et 5 700 photos ont été déposées avec identification validée sur notre site. Parmi celles-ci, nous mettrons régulièrement à l’honneur vos clichés les plus rares dans les pages de Subaqua. Notre première sélection a été naturellement guidée vers ceux d’un excellent photographe et formateur de biologie, Pascal Girard, qui est aussi président de la commission régionale environnement et biologie subaquatiques Occitanie. Voyons plutôt…
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« Cela faisait un moment que l’idée d’aller explorer, de nuit, les fonds sableux des Saintes-Maries-de-la-Mer me trottait dans la tête. Et lorsque Cyril Girard m’a raconté qu’il avait vu là-bas, deux mois plus tôt, une raie étoilée, cette idée s’est très vite concrétisée et avec succès ! Depuis, ce sont au total dix individus que j’ai pu rencontrer, répartis entre les quatre sites. Les observations qui seront enregistrées dans CROMIS permettront d’en savoir davantage sur son aire de répartition. »
Pascal nous régale de somptueuses photos de raies étoilées (Raja asterias), réalisées sur quatre sites différents des Saintes-Maries-de-la-Mer, du Grau-du-Roi, de la Grande-Motte et de Carnon. Cette élégante raie, qui compte parmi la quinzaine d’espèces endémiques de Méditerranée, est peu connue, espèce menacée comme on pourrait s’y attendre dès lors que sa croissance est lente, sa maturité sexuelle tardive et son taux de fécondité faible. Crevettes, bivalves, crabes et vers qu’elle recherche sur les fonds sableux constituent son régime alimentaire, ainsi que des petits poissons pour les adultes. C’est une espèce de petite taille, 60 cm de long sur 70 cm de large en moyenne, que l’on reconnaît à son museau pointu, sa forme en losange aux ailes anguleuses et aux bords sinueux, avec une queue fine surmontée de deux nageoires et surtout ses taches « étoilées » plus claires ressortant de sa livrée brune. De petites épines ornent le long d’un axe qui démarre derrière les yeux et qui se termine au bout de la queue, soit 50-60 épines. Placée sur la liste rouge de l’UICN, elle est signalée comme espèce pour laquelle les données sont insuffisantes pour l’évaluer. Cela signifie très souvent que l’espèce est peu observée dans les pêcheries, ou pas identifiée comme telle, et qu’elle pourrait être largement menacée du fait de faibles populations sans qu’il soit possible de le dire.
Comme vous le savez peut-être la liste des espèces observables pour votre carnet CROMIS s’appuie sur la base des fiches espèces DORIS, toutes deux étant des missions complémentaires de la commission nationale environnement et biologie subaquatiques. L’espèce n’étant pas préalablement dans DORIS, la fiche espèce a été créée à cette occasion grâce au signalement validé par un scientifique qui n’est autre que Pierre Noël du MNHN à qui nous devons de très nombreuses vérifications et identifications.
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« Avec ses très longues antennes, j’ai vite compris qu’il s’agissait de quelque chose d’inhabituel. C’est Pierre Noël (MNHN et grand contributeur de DORIS) qui m’a confirmé l’espèce et ainsi permis la création d’une fiche DORIS. »
Plus exceptionnel encore, Pascal a croisé une espèce de crevette qui vit habituellement en grande profondeur sur les fonds accessibles aux plongeurs des Saintes-Maries-de-la-Mer. Cette crevette nommée communément salicoque des vases (Solenocera membranacea) vit sur les substrats mous de l’Atlantique Est et de Méditerranée mais, du fait de la profondeur préférée de 50 à 450 mètres, les plongeurs ont peu d’occasions de l’observer même s’il est écrit qu’elle vit parfois en deçà à partir de 3 mètres. Elle s’enfouit dans la vase le jour dont elle sort la nuit pour se nourrir. Sa taille maximum serait de 11 cm. Guère plus d’informations sur la toile. À l’occasion de cette observation, une fiche DORIS est en création.
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« L’identification des différentes espèces d’arnoglosses est très difficile et cette espèce était recherchée, espérée et a donné lieu à quelques déceptions. D’où cette phrase « j’ai cru voir un gros minet » (de grohmanni, c’est un peu tiré par les cheveux, je l’avoue) et du nom « arnoglosse gros minet » adopté par un petit groupe de plongeurs férus de plongée de nuit sur le sable. On a finalement pu lui mettre la main dessus à deux reprises. Cela va permettre de préciser les critères d’identification visuels et de créer la fiche DORIS correspondante. »
La troisième observation remarquable concerne un petit poisson plat d’une dizaine de centimètres, l’arnoglosse de Kessler (Arnoglossus grohmani ou kessleri) à Carnon. Cet animal, dont l’identification a été confirmée par un chercheur du CEFE-CNRS Julien Renoult, fait l’objet d’une fiche DORIS à créer. Comme tous les arnoglosses, c’est ce qu’on appelle un poisson gaucher (voir article de Vincent Maran sur les poissons plats paru dans le Subaqua numéro 291, juillet-août 2020), avec donc des yeux très rapprochés sur la face gauche. Il fait ainsi partie de la famille des bothidés aussi caractérisés par une nageoire pelvienne vers l’avant. Son leurre sur le dessus doit lui servir à attirer ses proies constituées de petites crevettes et pagures. C’est notre première observation CROMIS en Méditerranée de l’arnoglosse de Kessler, même s’il y a déjà été observé, notamment dans le Var et jusqu’en Corse selon les données INPN.