Le plongeur débutant est soit terrorisé par les légendes urbaines générées sur grand écran et la presse à sensation, soit fasciné par ces animaux et ne rêve que de les approcher. Pour le frisson, la curiosité, se faire son opinion, essayer de comprendre, admirer ces poissons magnifiques, aux formes pures et sculptées pour glisser au travers des flots…
Je pourrais vous raconter ma rencontre avec mon premier requin comme un conte mettant en avant ma témérité afin de repousser les attaques d’un squale terrifiant, aux dents gigantesques, et assoiffé de sang… mais ce serait mentir… Certes, dès mes premières plongées en mer chaude (plus précisément en mer Rouge), je m’en souviens comme si c’était hier, les plongeurs aguerris nous préparaient à cette confrontation. Exploit tellement dangereux qu’un débordoir à requins et les recommandations d’attitudes dans tel ou tel cas s’imposaient. Très vite il fallut me rendre à l’évidence : les, nombreux à l’époque, requins nourrices (ou dormeurs), tapis sous les plates de corail, ne souhaitaient que se reposer tranquillement, même si quelques petits malins leur secouaient la caudale afin qu’ils daignent nager un peu vers un endroit plus tranquille. Les terribles requins-tigres pour lesquels nous n’hésitions pas à descendre profond, 50, 60 voire 70 mètres, ne semblaient pas nous accorder leur intérêt. Idem des requins gris, citrons et autres qui tournoyaient autour de nous en Polynésie ou Nouvelle-Calédonie, ne semblant pas vouloir s’intéresser à nous comme proies potentielles mais plutôt éventuellement comme nourrisseurs (merci les effets du feeding…).
Partout où j’ai pu côtoyer les grands prédateurs marins, jamais je n’ai ressenti la moindre agressivité et pour les approcher, c’est plutôt « courir » après qu’il nous fallait le plus souvent. Et le jour où je descendis sur un grand blanc perdu dans les eaux des îles Vanuatu, le face-à-face qui suivit n’eut qu’un effet de surprise partagé, sans grand intérêt pour le squale car, après un tour à distance de sécurité ou d’évaluation du danger que je pouvais représenter, il s’éloigna rapidement. Je qualifierais la plupart du temps leur comportement de méfiant, désintéressé, et occasionnellement de curieux. Certes, je ne me suis jamais amusé à plonger en plein nourrissage au milieu de requins affamés et excités par le sang, pas plus que l’idée ne me serait venue de faire une balade au beau milieu d’un groupe de fauves en train de se partager une antilope… Laurent Ballesta l’a fait pour nous, en pleine nuit, aux Tuamotu parmi des centaines de requins gris qui chassaient, sans qu’aucun d’eux n’ait daigné lui accorder le moindre intérêt… Il remarqua aussi leur maladresse pour capturer leurs proies.
Plutôt que de livrer mon unique avis basé sur mes quelques rencontres, j’ai lancé un appel à témoignages de plongeurs dans le but de partager avec vous quelques récits et les impressions qui se dégagent de l’ensemble des témoignages. Qu’ont ressenti les plongeurs, quel a été le comportement des requins ? Première importante constatation, jamais aucun des récits que j’ai pu recevoir n’a fait état de comportement agressif, alors qu’il suffirait d’un coup de dents… plus de la moitié des témoignages concernent des plongeurs qui avouent avoir été conditionnés par le film « Les Dents de la mer» et les médias, pour avoir très peur… Jugez vous-mêmes avec ces extraits qui nous viennent de plongeurs qui ont bien voulu s’exprimer sur leurs expériences un peu partout autour du globe.
Jacques Dumas nous livre ici quelques témoignages de rencontres.