Autant vous l’écrire de suite : sous l’eau, je n’ai pas vu grand-chose de Santo Antão !
Première semaine du mois de juin, les alizés auraient dû s’essouffler, les clubs de kitesurf avaient baissé le rideau depuis déjà deux semaines ; il n’en fut rien ! Et rejoindre les sites en semi-rigide plutôt qu’en pirogue n’aurait rien changé à notre affaire.
S’ils n’avaient accusé un retard de livraison, les bateaux de plongée flambant neufs auraient eu comme effet certain d’augmenter notre vitesse de déplacement, mais sûrement pas celui d’atténuer la force des éléments : nous avons pris le jus, navigué par force 5, pour ma part, j’ai bien cru chavirer une fois ou deux ; je remercie encore notre pilote, pêcheur de son état, pour sa souplesse à manier la barre lorsqu’il s’est agi de négocier des vagues de deux à trois mètres ! Et son collègue pour son endurance à écoper.
Dans ces moments-là, on se dit qu’on a bien fait de ne pas emmener sa petite sœur de huit ans ; ce n’était pas jour de baptême pour les enfants.
Nous sommes restés deux jours à Santo Antão. C’était la fin de notre « combiné deux îles », impossible donc de reporter notre visite en attendant l’accalmie. Dommage, car le programme plongée avait l’air intéressant et l’île est finalement surprenante ; l’impression première que l’on peut avoir en débarquant à Santo Antão d’une terre brûlée, triste et monotone, s’estompe rapidement dès lors que l’on chemine vers le nord sur l’Estrada Corda.
Nous avons tenté « Shark point », au sud-ouest de l’île. Pedro, notre guide de plongée, était sûr de lui ; il avait repéré le site avec son marin et croisé de beaux petits squales à plusieurs de ses visites. Il s’en réjouissait d’avance, et nous avec lui. Le jeune homme, moniteur depuis deux ans chez Dive Tribe, avait toute la semaine déployé son énergie à contrer les aléas pour nous offrir de belles plongées. Mais point de requin.
Difficile, il faut dire, de retrouver un site à vue depuis le bateau quand la visibilité est médiocre, qu’il y a du courant… et bien malin celui qui prendra des amers dans un paysage désert, sans maison apparente, sans phare, sans pylône, sans arbre. Nous avons plongé mais n’avons pas retrouvé l’endroit ; au fond l’épaisse couche de sable en suspension enlevait toute visibilité à plus d’un mètre. À défaut de requin, de gros rougets frétillaient partout des barbillons. Je vous passe le retour, mouvementé.
Le lendemain, nouvelle course contre le vent. En vain. La plongée semblait prometteuse - 45 m, belles structures rocheuses, grande arche et moult grottes à pénétrer -, mais après une demi-heure de navigation, face aux conditions de mer de plus en plus difficiles, Pedro a choisi un autre site au débotté, pourtant davantage exposé au large.
Ce fut une belle plongée ! Avec une surprise sous le bateau dès la mise à l’eau : deux grandes sérioles d’un bon mètre cinquante chacune qui déboulent devant nous, nous toisent, et filent aussi vite qu’elles sont apparues ! Nous n’avons même pas eu le temps d’allumer caméra et appareil photo.
La plongée s’est poursuivie dans un joli dédale de roches colorées d’éponges et d’anémones encroûtantes, investi par la petite faune. Et en fin de la plongée, alors que nous étions comme des drapeaux flottants accrochés fermement au bout de mouillage, prêts à crapahuter dans la barque, les deux sérioles ont réapparu comme par magie ; une pause de quelques secondes et pffff, plus rien.