Cas cliniques en direct de Bordeaux

le 02/05/2013 publié dans le N°248 de Subaqua
N248_Cas-cliniques-Bordeaux
Philippe Caliot
par Philippe Caliot

Voici pour information quatre cas cliniques otologiques récents, qui illustrent que parfois les choses ne sont pas toujours simples, et les diagnostics pas toujours faciles. Par Ph Caliot, ORL, Pt CMPR interrégion ALPC – juillet 2012.

  • Cas clinique 1

    Homme 65 ans MF1. Encadre un stage de plongée début mai en Espagne. À la fin de son stage, éprouve de plus en plus de difficultés tubaires gauches à la remontée. Reste prudent, et pour éviter le barotraumatisme, le dernier jour, limite ses activités à l’encadrement en surface. Trois jours après son retour, se réveille avec une impression d’oreille gauche (=OG) bouchée, s’auto médique avec Ibuprofène-pseudoéphédrine et comme les choses ne s’arrangent pas, consulte son médecin qui prescrit un traitement à visée tubaire pour 5 jours : corticoïdes et vasoconstricteurs dans le nez.

    Trois semaines après, l’impression d’oreille bouchée reste inchangée. Il consulte donc l’ORL : examen ORL normal, tympans normaux, mais on constate une surdité de perception en plateau à gauche aux environs de 60 dB, qui, 3 semaines après l’accident, est au-dessus de toute ressource thérapeutique : la surdité est fixée.

    Le mode de survenue ne plaide pas bien sûr en faveur d’un ADD cochléaire.

    Le bilan est poursuivi : les potentiels évoqués auditifs sont normaux à droite, très altérés à gauche. La VNG ne montre pas d’anomalie particulière. L’IRM met en évidence un méningiome de l’angle ponto cérébelleux gauche.

    Conclusion : surdité sans rapport direct avec la plongée (?), mais survenue au décours de la plongée. Les difficultés tubaires invoquées ont fait occulter un problème radiculaire sous-jacent.

  • Cas clinique 2

    Jeune homme 20 ans. Circuit de plongée à Malte. À l’issue d’une plongée sans problème particulier, sans notion de barotraumatisme, plongée peu profonde dans la courbe de sécurité, sort de l’eau avec une impression d’oreille gauche (=OG) bouchée. Consulte un médecin sur place qui met en place un traitement à visée tubaire pour 5 jours (corticothérapie per os et vasoconstricteur dans le nez). Dix jours plus tard, la situation de cette OG restant inchangée et de retour en France, notre plongeur consulte un ORL qui constate une subcophose G., tympans et le reste de l’examen ORL est normal. Il y a un discret acouphène G, pas de syndrome vestibulaire. Un ADD cochléaire G est évoqué. Bien que le délai depuis l’accident soit un peu long, le plongeur est immédiatement adressé au caisson hyperbare où on réalise un ”protocole type surdité brusque”, classique à Bordeaux avec 10 séances d’OHB : pas de récupération significative immédiate. Un mois plus tard, le plongeur trouve qu’il entend un peu mieux, ”depuis 3 semaines” précise-t-il. L’audiométrie confirme en effet une petite récupération sur les graves et les médiums, mais l’OG garde des troubles de discrimination majeurs et reste peu efficace.

    Le reste du bilan est négatif : VNG, potentiels évoqués auditifs, IRM endocrâne et recherche de FOP. La surdité G sévère est définitive, son mécanisme physiopathologique reste indéterminé.

  • Cas clinique 3

    Plongeur N3, 40 ans. Vu pour avis à la demande de son médecin fédéral et de son ORL. A fait un barotraumatisme apparemment bénin de son oreille droite (= OD) il y a 2 ans, qui a régressé sans séquelle après une simple contre-indication à la plongée de 15 J. Depuis, il présente souvent (environ une plongée sur deux précise-t-il) des vertiges parfois violents au fond et qui persistent après la remontée, parfois accompagnés d’acouphènes de son OD et parfois aussi de sensation d’OD bouchée dans les heures ou jours qui suivent. L’examen ORL et vestibulaire est normal, audio-tympanogramme, PEO (potentiels évoqués otolithiques) et Vng sont normaux. Le diagnostic de fistule périlymphatique a été évoqué par son ORL, mais l’imagerie ne l’objective pas.

    Discussion : en effet, il existe probablement une petite fistule périlymphatique qui ne pose pas de problème dans la vie courante mais qui est sans doute rendue perméable en hyperbarie. Il est souvent très difficile d’infirmer ou d’affirmer formellement ce diagnostic qui repose sur un faisceau d’arguments cliniques. Il ne paraît pas raisonnable d’envisager une exploration chirurgicale de l’oreille dans ce cas où les signes sont simplement liés à la plongée et pour permettre de pratiquer ce sport.

    Il a donc été donné un avis défavorable à la poursuite de la plongée, au motif que celle-ci risque un jour ou l’autre de léser sévèrement (ou de détruire complètement) et de façon définitive, l’oreille en cause.

  • Cas clinique 4

    Plongeur 25 ans N2, 40 plongées environ. Consulte pour vertiges apparaissant au fond, qu’il décrit comme intenses et très désagréables, lors de certaines plongées seulement. Il n’a pas de difficulté tubaire pour descendre. Dans ses antécédents, on note une tympanoplastie de type 1 oreille droite (=OD) il y a 6 ans, aux suites simples. L’examen ORL est normal, tympans normaux, (le greffon tympanique D reste à peine visible), pas de syndrome vestibulaire, audio-tympanogramme normal. Allongé et sous microscope, on remplit son conduit auditif de sérum et on lui demande de faire un Valsalva. Aussitôt quelques bulles sortent de la caisse au niveau de l’angle antérieur.

    Conclusion : cicatrisation défectueuse de la partie antérieure de sa greffe tympanique. Le greffon et le reste de tympan sont simplement accolés et non soudés en avant, au niveau de l’angle antérieur qui est ici très aigu et difficilement contrôlable même sous microscope. Seule l’hyperpression dans la caisse révèle le manque d’étanchéité de cette sorte de valve qui s’est ainsi créée. Il n’y a jamais eu de problème après les baignades. Il n’y a pas non plus de sensation de fuite d’air au Valsalva au moment de l’examen. Faut-il réopérer alors que tout est normal dans les circonstances habituelles de la vie ? Il n’y a pas d’indication chirurgicale dans le seul but de permettre une activité ludique ou sportive.

Conclusion

  • L’impression d’oreille bouchée ne signifie pas forcément que c’est un problème tubaire.
  • Si le diagnostic d’un problème d’oreille en plongée n’est pas évident, il faut faire très rapidement un audiogramme. La cochlée tout comme le vestibule, est très fragile, et tout retard dans une prise en charge adaptée se traduira par un déficit total ou partiel définitif.
  • Plongée devenue contre-indiquée dans les 4 cas.

 

Nouvelles chambres hyperbares au Chru de Lille

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Le CHRU de Lille a mis en service en décembre un nouveau centre hyperbare situé au niveau des urgences du CHRU (Unité d’accueil et de déchoquage médical – UADM) aile Est de l’hôpital Salengro, rue du Pr-Émile-Laine à Lille. Les numéros de téléphone : 03 20 44 56 70 ou 03 20 44 59 62 poste 31 483.

Ce tout nouvel équipement comprend plusieurs chambres (et oui, on n’est plus dans un bocal mais dans de vraies chambres !), et peut accueillir jusqu’à 32 personnes en hyperbarie et 12 en hospitalisation de jour. Par ailleurs, il permet des compressions jusqu’à 7 bars. Ceci permet de continuer à faire profiter les plongeurs de la FFESSM de plongées fictives à 60 mètres, dans un but de sensibilisation à la narcose.

Rappelons que le Pr Mathieu insiste sur le caractère ”éducatif” de ces plongées.

Autre rappel : si l’adresse du caisson est précisée, n’oubliez pas qu’en cas d’accident, il existe un protocole qui consiste à mettre les accidentés sous O2 et à passer par la régulation médicale du Samu (15) ou du Cross (canal 16) pour l’évacuation, un accidenté (et sa palanquée) ne se transportant pas en véhicule privé.

Dr Cocqueel, Cmpr Nord Pas de Calais

 

Questions & Réponses

 

  • Diabète type 2

    Bonjour. Je suis MF1/BEES1 plongée et j’ai été sollicité pas un plongeur N1 préparant le N2 de plongeur. En effet, celui-ci a ”bénéficié” durant la saison, de la découverte d’un diabète type 2 (DNID) avec mise sous traitement suivant: Metformide 850, 1 comprimé matin et soir, Glaméride 1 comprimé le matin uniquement. Ses questions sont :

    • La commission médicale nationale a-t-elle publié des recommandations sur ce type de pathologie et de traitements?
    • Y a-t-il des précautions particulières à prendre?
    • Existe-t-il des publications médicales sur ce thème en France ou à l’étranger?

    ———

    Votre question est pertinente. La CMPN a mis au point il y a quelques années un protocole pour permettre aux diabétiques insulinodépendants (type I) de plonger ; toutefois rien n’a été écrit pour les pratiquants diabétiques de type II (non insulinodépendants). Toutefois, par extension, on peut autoriser sans risques les pratiquants traités par des médicaments non-pourvoyeurs d’hypoglycémie et dans la liste, seuls les Biguanides telle la Metformine ont cette qualité. Donc concernant le cas présenté le Glimépiride (Amarel) qui est un sulfamide a des risques potentiels de générer des hypoglycémies notamment à l’effort, au froid, etc. Ce qui rend ce plongeur inapte actuellement (la CMPN va revoir très prochainement le protocole des diabétiques plongeurs) à poursuivre sa formation.

    Dr Elias Amiouni, secrétaire de la CMPN

  • Baptême, handicap mental et certificat médical

    On demande à mon club de faire des baptêmes en piscine pour des personnes handicapées mentales. Ces personnes sont dans des centres et viennent avec leurs éducateurs. Je sais que pour ce genre de handicap il faut des moniteurs EH2. Faut-il obligatoirement un certificat médical d’un médecin fédéral ou un certificat médical du médecin qui les suit est-il suffisant?

    ———

    Le règlement médical fédéral, onglet synopsis, répond à votre question : ”tout plongeur en situation de handicap doit bénéficier, pour un baptême, d’un certificat médical de non-contre-indication, délivré exclusivement par un médecin fédéral.”

    Dr Elias Amiouni, secrétaire de la CMPN

  • Matériel d’oxygénothérapie

     

    La législation nous impose d’avoir à disposition sur les sites de plongée du matériel d’oxygénothérapie. Est-ce que ce matériel d’oxygénothérapie pourrait être une bouteille de plongée ”oxy-clean”, remplie d’oxygène à 100%, sur laquelle serait monté un manomètre débilitre? Le coût de la location d’un bloc d’oxygène type ”médical” est important pour une petite structure à but non lucratif, et ce serait un moyen pour nous de faire des économies, tout en conservant le même niveau de sécurité (voir en l’augmentant si la bouteille de plongée a une contenance supérieure à la bouteille type médical). Merci d’avance de vos éclaircissements. Le bureau du Club subaquatique fécampois.

    ———

    L’oxygène utilisé dans le milieu subaquatique est de trois sortes :

    • celui utilisé pour les travaux hyperbares (soudure…) c’est un oxygène purement industriel ;
    • celui utilisé pour le gonflage des blocs de plongée (nitrox…), un gaz à usage humain mais sans but thérapeutique ;
    • celui utilisé dans la sphère médicale dit oxygène médical et qui sert à la fois en prévention d’ADP ou en thérapie d’ADP ; cet oxygène-là est celui préconisé pour nos pratiquants car sa qualité et son conditionnement assurent une fiabilité d’usage ; enfin médico-légalement c’est le seul qui puisse mettre à l’abri les responsables d’une structure associative ou commerciale fédérale d’un manquement aux premiers secours.

    Dr Elias Amiouni, secrétaire de la CMPN

  • Foramen ovale perméable et certificat médical

     

    Lors d’un ADD, on découvre chez un plongeur un FOP (Foramen ovale perméable). Ce plongeur présente un certificat de non-contre-indication rédigé par un médecin fédéral, pour sa reprise de la plongée en scaphandre. Mais depuis quelques années, ce même plongeur nous présente tous les ans un certificat médical d’un médecin généraliste (médecin du sport). Ce certificat médical est-il recevable ou faut-il tous les ans un certificat d’un médecin fédéral? Cordialement. Sophie L.

    ———

    Un plongeur porteur d’un FOP autorisé à pratiquer les activités subaquatiques rentre dans le cadre des contre-indications à évaluer. Et, dans ce cadre, le certificat médical de non-contre-indication annuel doit impérativement être rédigé par un médecin fédéral.

    Dr Elias Amiouni, secrétaire de la CMPN

  • Plongée et stimulateur cardiaque

    J’ai subi il y a un mois environ, après constat d’une asthénie, l’installation d’un stimulateur cardiaque St Jude, type Accent DR. J’ai depuis retrouvé une forme physique à toute épreuve et repris mes activités sportives, marche, jogging, vélo sans le moindre problème. Pratiquant passionnément notre sport subaquatique depuis de très nombreuses années, la question de la compatibilité de la plongée avec un stimulateur s’est immédiatement posée à moi… Pouvez-vous me faire savoir votre position sur le sujet, pratique, limites, compatibilité avec l’encadrement? Je suis plongeur niveau 4… J’imagine bien évidemment que ces appareils ont une résistance limitée à la pression et qu’il y a certainement quelques contraintes de profondeur ou autre à respecter… P.L.

    ——–

    Sans tenir compte de votre état de santé général ou d’autres causes de restriction, la présence du stimulateur cardiaque doit inciter à limiter la profondeur. Certains constructeurs indiquent une limite. Une étude réalisée en caisson hyperbare n’a pas montré de problème jusqu’à 30 m. Par contre, au-delà, les boîtiers se déforment avec un risque à terme de détérioration des circuits. Vous pourrez trouver avec votre médecin les références et liens sur le site http://www.cardiosub.com/3.html. Si la pratique de la plongée reste possible pour vous, il serait intéressant que vous teniez à jour le “carnet de plongée“ de votre pile et que vous me signaliez le moindre incident. Lorsque celle-ci sera usée (mais on a le temps), j’aimerais pouvoir la récupérer pour éventuelle expertise. Cordialement.

    Docteur Benoît Brouant, cardiologue

    www.cardiosub.com

  • Quel médecin ?

     

    Mon fils de 14 ans a son niveau 1 de plongeur, doit-il passer sa visite médicale chez un médecin agréé ou un généraliste peut-il le lui délivrer?

    ———

    Si votre fils ne prépare pas le niveau 2 de plongeur, il peut passer sa visite avec n’importe quel médecin. Sinon, ce sera un médecin fédéral ou du sport ou de plongée ou hyperbare. Cordialement.

    Dr Elias Amiouni,

    secrétaire de la CMPN

 

Pacemakers et plongée

L’ACMS (Association cardiologique pour la médecine subaquatique) souhaiterait contacter des plongeurs ayant nécessité l’implantation d’un stimulateur cardiaque. L’objectif est de réaliser une étude en collaboration avec la commission médicale et de prévention nationale. Si vous êtes porteur d’un pacemaker et plongeur, merci d’adresser vos coordonnées par voie électronique : pm@cardiosub.com ou fax : 03 87 90 29 42 ou par voie postale : CardioSub 6 place de Condé 57150 Creutzwald.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 248 Abonnez-vous

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