ÉCHAPPÉES méditerranéeNNES

le 28/06/2019 publié dans le N°285 de Subaqua
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Olivier Clot-Faybesse
par Olivier Clot-Faybesse

Pourquoi un dossier consacré à la Grande Bleue ? Les raisons ne manquent pas : proximité et facilité d’accès, diversité de la faune, de la flore et des écosystèmes (tombants, grottes, sable, herbiers, etc.), sans oublier quelques épaves emblématiques. Le tout donnant des sites de plongée de toute beauté, à découvrir en particulier à la belle saison, quand la lumière est belle, les journées longues et les températures sur et sous l’eau agréables. Biologie des espèces, écologie et photographie sont les sujets abordés dans ces pages. Bonne lecture ! Olivier Clot-Faybesse, rédacteur en chef.

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La Méditerranée est une mer singulière. En raison de sa géographie tout d’abord. Coincée entre trois continents (Europe, Asie et Afrique), elle forme un bassin étroit et profond en son centre (plus de 5 000 mètres), quasi fermé à sa seule extrémité (détroit de Gibraltar). Son écologie la distingue également. Car si sa contribution en tant que réserve d’eau est au niveau mondial négligeable – la Méditerranée représentant moins de 1 % de la surface totale des eaux de la planète -, elle abrite pour autant une biodiversité marine remarquable. En l’occurrence pas loin de 20 % de toutes les espèces de poissons présentes dans le monde, plus quelques mammifères marins. De par son histoire enfin : Mare nostrum, selon l’expression latine consacrée, fut le berceau de la civilisation et un carrefour du commerce maritime entre civilisations antiques. Bien qu’unique en soi et d’une importance cruciale, pour les poissons qui y vivent comme pour les millions d’humains peuplant la vingtaine de pays répartis sur son pourtour, la Méditerranée est menacée. En proie aux grands maux de ce siècle (pollution, plastique notamment, surpêche, urbanisation galopante et réchauffement climatique), ainsi qu’à l’arrivée d’espèces invasives, dont quelques mortels parasites(1), la belle Bleue est, en effet, fragilisée. Heureusement, différentes actions ont et sont menées pour la restaurer et protéger en partie sa richesse et sa diversité écologiques. C’est le cas en France à travers l’instauration de réserves, sanctuaires, aires et autres zones réglementées, parmi d’autres initiatives (amélioration des stations d’épuration des eaux usées, récifs artificiels, meilleure connaissance de la nature des fonds, etc.). Encore insuffisantes, ces mesures donnent d’excellents résultats ou semblent, sur le long terme, prometteuses (lire en page 8 de ce numéro l’article sur DOMIA®).

Grande diversité d’environnements et de couleurs

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Pour le plongeur, quels bénéfices retirer d’un séjour au bord de nos rivages nationaux ? Ils sont tout d’abord pratiques. Pas de passeport, pas de visa, pas de change, pas de langue étrangère et pas besoin forcément de transiter par la voie des airs. S’y rendre et organiser quelques jours sur place, même au dernier moment, est donc aisé tout en étant économiquement raisonnable. Trouver un club ou un centre est aussi facile que d’y séjourner. De Cerbère à Menton, la FFESSM compte plus de 500 structures affiliées(2). On aura donc l’embarras du choix pour se former comme pratiquer. Un « embarras » qui se retrouve au niveau de la sélection d’un site. Plusieurs centaines d’entre eux sont recensées(3), entre tombants, épaves, grottes, roches et remontées. Soulignons en toute objectivité que certains fonds de nos proches voisins, Espagne, Italie et leurs îles (Sicile, Baléares…) n’ont pas à rougir en comparaison aux nôtres.

Avant de rentrer dans le cœur de ce dossier (voir sommaire ci-dessous), nous vous proposons d’illustrer en images ces (bonnes) raisons de s’immerger dans la Grande Bleue. Pourquoi, en effet, changer de continent et traverser les faisceaux horaires quand on a un éden subaquatique à sa porte ? Car notre Méditerranée a beaucoup à offrir en particulier au retour des beaux jours. Démonstration à travers un portfolio(4) traitant des couleurs (bleu, rouge et verte), des épaves ainsi que des espèces emblématiques et/ou patrimoniales de Méditerranée(5). Des composantes qui participent à l’esthétisme des paysages sous-marins rencontrés, et donc à l’attrait de plonger dans cette « mer entre les terres ».

(1) En 2018, un germe, vraisemblablement introduit via les eaux de ballast d’un navire de commerce, est responsable de la mort de la totalité des populations de grandes nacres espagnoles. Cette épidémie foudroyante s’étend dorénavant à la zone française, Corse comprise, décimant à leur tour ces bivalves.

(2) Entre clubs associatifs et structures commerciales agréées ou SCA (respectivement 352 et 173 à ce jour). Pour les trouver : www.ffessm.fr, puis sélectionner l’onglet « Rechercher un club ».

(3) Lire les guides aux éditions GAP (www.editionsgap.fr) de la collection « 100 belles plongées (ou épaves) », en Languedoc-Roussillon, à Marseille, dans le Var, Côte d’Azur et Corse.

(4) Pour lequel les photographes de la commission photo-vidéo ont été sollicités via Yves Kapfer. Que tous les contributeurs en soient remerciés.

(5) Pour la liste des espèces protégées de Méditerranée, lire l’article de Vincent Maran (Doris), Subaqua N°280.

Sommaire

> Porte-folios p.28 à 37

> Le printemps des poissons p.38 à 41

> J’observe la vie marine,

je m’interroge p.42 à 44

> Attitudes Écosub® p.46 à 49

> Région sud : des femmes d’importance et d’influence p.50 et 51

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PORTE-FOLIO ROUGE EXTRAIT

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Fabrice Dudenhofer (1)

 

LE PRINTEMPS DES POISSONS EXTRAIT

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MARAN VINCENT NEW 2015 copieDès le début du printemps, un bon nombre d’espèces de nos côtes connaît une période d’intense activité reproductrice. C’est pourquoi un groupe de plongeurs curieux de biologie et avide de connaissance est parti à la découverte de ces poissons. En particulier ceux qui affichent un comportement sexuel des plus spectaculaires. Un sujet de Vincent Maran. Photos de l’auteur.

Le point de départ de cette aventure ? Une série de photos vues sur la fiche-espèce DORIS(1) du canthare, appelé aussi dorade grise (Spondyliosoma cantharus). Sur cette fiche, de très belles images montrent des canthares en reproduction et, comme on dit dans les Guides Verts, c’est un événement qui « vaut le voyage » ! En effet, leur aspect et leur comportement sont véritablement étonnants. Tout biologiste qui se respecte est alors désireux d’observer cela de ses propres yeux. Quant au photographe, il souhaitera immortaliser de la meilleure des manières cet événement singulier. J’avais donc deux bonnes raisons de vouloir plonger afin d’assister à la reproduction de la dorade grise ! Un des (nombreux) avantages des fiches espèces DORIS repose sur la précision des informations liées à chacune des photos qui les illustrent. Pour la collecte et la mise en ligne des données, cela présente un aspect fastidieux (remercions une fois de plus les « doridiens », ces contributeurs bénévoles !). Le bénéfice est que ces informations sont ensuite bien conservées, mises ainsi à la disposition des amateurs et des scientifiques. J’ai donc ainsi pu remarquer que toutes les photos de reproduction de canthares prises sur nos côtes méditerranéennes avaient été réalisées entre avril et mai sur l’épave du Togo, à Cavalaire, à la profondeur de 47 mètres environ.

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D’autres photos de reproduction de ce poisson sont également présentes sur la fiche DORIS, mais elles ont été prises en Espagne. Par curiosité, je fais passer le message suivant sur la Biosub(2), la liste de diffusion des plongeurs bios : « Je suis à la recherche de toute information au sujet des lieux de ponte des canthares sur nos côtes ». Malheureusement, je ne reçois qu’une réponse(3) me signalant un site, en Corse. Rien sur le continent.

LET’S GO TO TOGO !

Si le Togo n’est pas pour me déplaire, sa profondeur limite le temps passé au fond, et rend la plongée
accessible qu’aux N3 et plus… Qu’à cela ne tienne, je me décide à organiser un week-end de plongée bio au printemps sur l’épave…

J’OBSERVE LA VIE MARINE ET JE M’INTERROGE…  EXTRAIT

DUMAS JACQUES NEW 1Dans sa rubrique ici centrée sur la faune de Méditerranée, Jacques Dumas nous emmène tout d’abord à la découverte d’un poisson aux mœurs encore mystérieuses et rarement rencontré par les plongeurs : la baudroie. Puis il s’intéresse aux pontes des calmars et autres gastéropodes, à quelques espèces méconnues de vers et d’hydraires pour finir par creuser la question de savoir qui donc trône tout en haut de la chaîne alimentaire. Photos de l’auteur.

La baudroie

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La baudroie commune (Lophius piscatorius) n’a certes pas un physique facile (photo ci-dessus). Mais ce n’est pas une raison suffisante pour justifier le peu de choses que l’on sait sur ce poisson, que les plongeurs ne voient d’ailleurs pas très souvent, même au printemps qui est la saison la plus propice pour aller à sa rencontre. Si l’animal passe souvent inaperçu, c’est à cause de son mimétisme incroyablement efficace pour un aussi gros poisson. Mais est-ce la seule raison ? Il peut paraître étonnant de constater que toutes les observations dans la réserve du cap Roux sont systématiquement en avril alors que les sites sont explorés régulièrement toute l’année. Tout ceci m’a donné envie de partager quelques infos sur cet animal à la tête plutôt effrayante.

> Peau visqueuse, dents effilées et large bouche

Il est bien rare que le poissonnier se risque à mettre sur son étal un spécimen avec la tête, au risque de dégoûter les clients. Il faut bien dire que la gueule de la baudroie est énorme, elle représente plus de la moitié de son poids avec en prime une bouche sur toute la largeur et des dents effilées et recourbées vers l’intérieur. Afin de parfaire le camouflage, des appendices ramifiés bordent la tête et la moitié du corps. Poisson sans écailles à la peau visqueuse de couleur marbrée, dont la couleur varie avec le substrat, un adulte mesure entre 70 cm et 2 mètres pour une bonne quarantaine de kilos. Des trois premiers rayons épineux mobiles de la nageoire dorsale le premier se termine par un lambeau de peau qu’elle utilise comme un appât qu’elle peut ainsi agiter au bout de sa ligne devant la bouche pour attirer les poissons ou crustacés imprudents. Le malheureux qui s’approche sera englouti en l’espace d’un instant. Elle porte alors bien son nom de piscatorius signifiant pêcheur. L’animal chassant à l’affût, nageur plutôt lent, est comme on s’en doute benthique vivant sur tout type de fond, sableux, vaseux, rocheux, herbiers…

> Une reproduction migratrice ?

Avant d’être en âge de reproduction il faudra attendre cinq ans chez les mâles (50 cm) et trois ans pour les femelles (35 cm) sur nos côtes. Des océanographes portugais et espagnols, en examinant les pêches des côtes espagnoles et portugaises, sur une année, soit environ 1 300 spécimens, la taille et l’âge des individus matures serait de 94 cm et 14 ans pour les femelles, pour 50 cm et six ans chez les mâles. Le faible nombre de femelles dans l’échantillonnage les a menés à penser que l’espèce effectuerait des migrations pour se reproduire. Le biais est évident puisqu’il ne s’agit que des pêches et non d’observations in situ, mais plausible faute d’autres éléments. Une autre étude très voisine sur cinq ans en Méditerranée montrerait que les femelles y sont en moyenne plus petites (68 cm).

Les pontes de calmar, d’ombrelle et autres limaces

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En forme d’étuis blancs contenant chacun une bonne centaine d’œufs, la ponte du calmar est le plus souvent suspendue à tout ce que l’animal trouve de disponible offrant un courant suffisant à une bonne aération : gorgone, voûte rocheuse, algue… Le plongeur aura beaucoup de chance d’assister à l’éclosion des bébés calmars qui a lieu après trois à quatre semaines d’incubation. Ces derniers rejoindront ensuite le plancton, où ils peuvent alors être observés en pleine eau (s’ils ne sont pas dévorés avant). Quant aux parents, vous augmenterez significativement vos chances de rencontres en plongée de nuit, l’animal ayant des mœurs plutôt nocturnes. Au fait, savez-vous qu’un calmar ne se reproduit qu’une seule fois et meurt ensuite ? Un don de soi de la génération qui précède chaque enfantement…

ATTITUDES ECOSUB EXTRAIT

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Le label Écosub® a pour corollaire quelques engagements envers l’environnement, auxquels a adhéré le club des Marsouins du Perreux. Parmi les cinq engagements que nous avons pris, la formation des plongeurs, traduite par « éducation à l’environnement et aux pratiques écoresponsables »… Deuxième engagement important à nos yeux, « la veille sur la biodiversité » se traduisant pour nous en relevés d’observations enregistrés sur BioObs et donc transmis à l’Inventaire national du Patrimoine naturel. Le club étant aussi club ambassadeur Longitude 181 Nature, cela fait deux raisons de faire la promotion des valeurs associées, dont la Charte internationale du plongeur responsable à laquelle la FFESSM est adhérente. Ayant contribué à la rédaction de ladite charte comment ne pas se sentir concerné… Nous verrons en pratique ce que cela implique avec des exemples concrets puisés lors d’un stage entre Estérel et Cannes, entre aire marine protégée et zone non protégée… Texte et photos Jacques Dumas sauf mention contraire.

Un stage « bio » commence par le choix de la zone de plongée mais aussi du centre de plongée qui est tout aussi crucial. Il faut que celui-ci soit reconnu comme un centre Écosub® ou un centre Ambassadeur Longitude 181 Nature, ce qui garantit son souci du respect de l’environnement. Notre choix s’est porté sur le club de plongée de la Rague à Mandelieu. La qualité de la structure et la sécurité parfaite assurée par le club étant des prérequis généraux, viennent alors l’aspect plongeur et centre éco-responsable. Un centre ambassadeur Longitude 181 Nature, en raison de la convention de partenariat avec la FFESSM, nous garantit le respect des valeurs environnementales. C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers un centre dont les briefings du Cap’tain Franco ont la qualité requise avec les recommandations d’usage tournées vers l’observation et le respect du milieu. Bien sûr les poubelles de pont sont bien présentes, les bacs de rinçage à disposition à quai afin d’économiser l’eau…

Au cas où certains pourraient penser qu’un stage bio ne requiert pas des sites de belle qualité exploratoire au sens commun de tous les plongeurs, nous préciserons que certes les plongeurs bios s’accommodent parfois de sites peu attrayants mais offrant une richesse de petite faune benthique suffisante pour des observateurs avertis. Il convient de préciser que les formateurs « bio » recherchent bien sûr de la biodiversité mais aussi les espèces emblématiques, protégées ou pas, et de beaux paysages. Ce n’est qu’« à défaut » que nous nous contentons parfois de moins, car en cherchant bien on finit toujours par trouver son bonheur………

L’effet réserve ?

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C’est une des questions que nous nous posions. Dans l’aire protégée du cap Roux nous avons rencontré des mérous en abondance, adultes reproducteurs et jeunes (sans que les poulpes soient absents…). Les corbs sont aussi présents, mais bien moins nombreux, les grandes nacres et les oursins diadèmes sont aussi observés. La datte de mer vit cachée dans un orifice qu’elle creuse dans la roche, il faut donc un œil averti… Quant au coralligène et aux posidonies, ils ne peuvent que se porter de mieux en mieux avec les mouillages « écologiques » mis en place depuis les récentes années. Nous serions tentés de préciser aussi au bonheur des deux espèces de grande nacre, Pinna nobilis et Pinna rudis. Les quelques espèces citées précédemment constituent déjà une bonne majorité des espèces protégées en Méditerranée…………

RÉGION SUD :

DES FEMMES D’INFLEUENCE EXTRAIT

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SCORSONELLI FRANCOISDe Menton aux Saintes Maries de la Mer, la région Sud offre un magnifique espace sous-marin qui se prête à l’exercice de la photo et de la vidéo sous-marines. La rade de Villefranche, les îles de Lérins, la réserve de Cap Roux, les îles d’Or avec le Levant, Porquerolles et Port Cros, sans oublier le célèbre îlot de la Gabinière et ses centaines de mérous, le haut-fond du Planier, près de Marseille, riche de nombreuses épaves, les archipels de Riou et du Frioul, etc. Ces endroits réputés constituent, avec de nombreux autres, les terrains de chasse privilégiés des photographes et vidéastes de la commission régionale photo-vidéo Sud. Ses membres mettent à profit l’existence d’une grande diversité d’environnements (posidonies, tombants, grottes, épaves…) et la présence d’une faune variée pour organiser des stages d’entraînement, de perfectionnement, ainsi que d’apprentissage de ses activités. Une présentation de François Scorsonelli.

Les photographes de la région Sud, dont les images illustrent ce sujet, ont pour leur grande majorité appris la théorie et la pratique de la photo sous-marine au sein de la commission régionale. Que ce soit en piscine pour débuter et s’initier ou en mer pour progresser, celle-ci propose des cursus de formation en photo et vidéo sous-marines dispensés par des instructeurs et formateurs bénévoles. Bénévoles et talentueux puisque certains d’entre eux ont été champions de France ou, mieux encore, du Monde !

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Outre la compétence de ses formateurs, et des conditions idéales pour pratiquer et assouvir cette passion de la photographie sous-marine, la commission régionale photo-vidéo Sud affiche une autre spécificité. Elle comprend dans ses rangs de nombreuses femmes………

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 285 Abonnez-vous

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