Espace & plongée Des Problèmes communs, des solutions partagées

le 20/04/2017 publié dans le N°272 de Subaqua
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Jean-Claude Le Péchon
par Jean-Claude Le Péchon

Alors que Thomas Pesquet, l’astronaute français (et aussi plongeur !) achève sa longue mission dans la station spatiale internationale au moment de la sortie de Subaqua dont il fait la couverture, il nous a semblé opportun d’établir un parallèle entre les situations rencontrées par les astronautes et les plongeurs sous-marins professionnels. Ces mondes sont-ils finalement si éloignés l’un de l’autre que cela ? Jean-Claude Le Péchon, ingénieur conseil, répond à la question. Photos NASA, INPP, J.-C. Le Péchon.

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Parmi les situations de vie et de travail en conditions extrêmes, il en existe deux qui sont particulièrement emblématiques et qui ont donné lieu, chacune en leur temps, à des actions médiatiques multiples, notamment en France pour la plongée profonde et, à l’échelle mondiale, pour la vie dans l’espace :

>Dans la décennie soixante en France, ce sont les maisons sous la mer qui ont retenu l’attention avec Diogène, premier habitat subaquatique mis en place à 10 m de profondeur au Frioul face à Marseille, avec Albert Falco et Claude Wesly, suivi en 1963 par le village sous-marin de mer Rouge immortalisé par le film «Le Monde sans soleil» de Jacques-Yves Cousteau et le perroquet de notre ami Wesly. Puis au Cap Ferrat, en 1965 l’expérience Précontinent III dont on a fêté l’an dernier le cinquantenaire…

La décennie soixante-dix a été en France celle de la plongée profonde avec les spectaculaires expériences de simulation de plongées profondes conduites par le CEMA de Jacques-Yves Cousteau puis COMEX au cours desquelles des animaux ont été comprimés au-delà de l’équivalent de 1 000 m et des hommes progressivement jusqu’à 701 m avec des mélanges initialement héliox, puis surchargés avec jusqu’à 10 % d’azote afin de tenter de minimiser les effets excitants de l’hélium (SNHP pour syndrome nerveux des hautes pressions) puis, enfin, avec plus ou moins d’hydrogène pour réduire le SNHP et la masse spécifique du gaz respiré. En parallèle, se sont poursuivies les démonstrations en mer avec les deux premières expériences Janus (1968 et 1969) conjointement menée par Comex et CG Doris à bord de l’Astragale, puis Janus IV à 500 m réalisé par Comex à bord du navire de forage le Pétrel équipé d’un système de plongée profonde construit par CG Doris. Le record de profondeur de travail reste détenu depuis 1988 par la plongée Hydra 8 à bord du navire Aurélia qui a permis à une équipe Comex de 6 plongeurs de travailler sur un chantier simulé, en mer à 534 m avec des mélanges contenant pratiquement 50 % d’hydrogène !

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Pendant la même période, les hommes se sont progressivement aventurés dans l’espace après le vol historique de Gagarine, et pour des missions de plus en plus longues voire plus éloignées avec, en 1969, le premier pas sur la Lune, suivi de 4 autres missions Apollo. Puis, les séjours de longues durées en stations orbitales ont pris la vedette et encore récemment la présence d’un astronaute français à bord de l’ISS a relancé la machine médiatique française.

Une des spécificités de ces deux situations professionnelles se retrouve dans les conditions de vie qui mettent les personnes face à un environnement non viable. Ces conditions impactent directement la physiologie des personnes, par définition, exposées sans protection particulière aux effets de la pression et des changements de pression, de la microgravité ou encore de l’immersion et même aussi aux conséquences du découplage entre le temps calendaire et le rythme jour/nuit appliqué.

C’est ainsi qu’aussi bien lors de vie en saturation pour les travaux hyperbares subaquatiques de l’offshore ou au sec pour le creusement des tunnels profonds, que pour les expéditions satellitaires (Station Spatiale Internationale ISS) qu’intersidérales (Lune puis, bientôt ?, Mars) ces trois conditions sont réunies.

Quels sont les parallèles possibles entre la vie d’astronaute et celle de scaphandrier des grandes profondeurs ?

À l’aide d’exemples précis, nous essayerons de montrer en quoi ces convergences existent mais aussi comment elles diffèrent et en quoi elles peuvent se compléter pour les programmes de recherche, les entraînements et les simulations afin de partager des solutions concrètes.

Conditions de confinement

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La situation de confinement en environnement pressurisé s’impose pour ces deux professions du fait de la pressurisation des véhicules spatiaux par rapport au vide sidéral, de l’éloignement physique ou temporel de la vie terrestre à pression atmosphérique normale.

Distance physique pour les vols spatiaux et temporelle du fait du délai de retour sur terre :

> quelques heures pour l’ISS,

> quelques jours pour la Lune,

plus d’un an pour Mars.

Distance temporelle pour les longues décompressions des scaphandriers saturés :

> moins de 3 jours pour une saturation à 50 m (héliox),

> environ 10 jours pour 300 m (héliox).

Une situation confinée implique de nombreuses contraintes parmi lesquelles celle de l’autonomie des systèmes, de la qualité de l’atmosphère, du maintien de conditions d’environnement acceptables, des modalités de surveillance, de la nourriture, de la psychologie de groupe et des moyens de secours disponibles en cas de problème. Ce sont les plus évidentes, mais il en existe d’autres…

Pressions et atmosphères

Pour les scaphandriers

Du fait des longues durées de décompression requises pour revenir à la pression atmosphérique après une intervention à grande profondeur, les scaphandriers sont maintenus confinés à une pression appelée « niveau vie » dans des caissons hyperbares embarqués sur les navires de plongée et sont transférés vers le site de travail au fond à l’aide d’un caisson immergeable appelé tourelle de plongée. Cette technique est appelée plongée à saturation. Le choix de la pression du « niveau vie » est en général proche de celle correspondant à la pression de travail sur le fond. Selon cette pression, l’atmosphère de l’habitat est constituée le plus souvent d’un mélange contenant 0,4 bar d’oxygène et les 0,8 bar d’azote venant de l’air présent dans le caisson au début de la compression, le reste étant de l’hélium. Ces mélanges sont néanmoins considérés comme héliox en négligeant la faible proportion d’azote bien qu’elle soit le double de celle de l’oxygène.

D’autres mélanges sont possibles pour des saturations : quelques travaux ont été réalisés en mer à faible profondeur (< 50 m) avec des saturations azote-oxygène pour l’habitat et respiration d’air en plongée. Pour les chantiers de tunnels profonds (de 4 à 7 bars) des saturations avec des mélanges ternaires sont actuellement pratiquées (PN2 environ 2 à 3 bars, PO2 0,4 bar et le reste hélium).

Exemple d’une plongée classique de l’offshore :

Atmosphère régnant dans une enceinte de saturation pour 190 m ou 20 bars (absolu) :

> pressions partielles : PO2 = 0,400 bar, PN2= 0,800 bar, PHe = 18,8 bars,

> concentrations : oxygène = 2 %, azote = 4 %, hélium = 94 %,

> mélange de plongée : PO2= 1 bar, PN2 = 0, PHe = 19 bars.

Pour les astronautes

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Le choix de la pression d’une cabine spatiale est libre… Cependant de multiples paramètres sont à prendre en considération :

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 272 Abonnez-vous

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