LA MER ET LA VIE 36 ANS PLUS TARD…

le 22/06/2015 publié dans le N°261 de Subaqua
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Jacques Dumas
par Jacques Dumas

Le président de la commission nationale d’environnement et de biologie subaquatiques se réimmerge dans ses premières années de plongée alors que la commission balbutiait. En plus de trente ans, le monde a changé. La mer s’est dégradée, est surexploitée, polluée. Pourtant, le constat n’est pas aussi noir qu’il y paraît. Des lueurs d’espoir apparaissent, des initiatives sont prises, des combats engagés. Surtout, les plongeurs constituent aujourd’hui une force de témoignage extraordinaire… Texte et photos, Jacques Dumas.

C’était en 1979, un an avant que j’enfile mon premier scaphandre. Un retour en arrière sur l’ancêtre de Subaqua, appelé alors Études et Sports Sous-Marins. Que nous racontaient alors les dirigeants de la FFFESM de l’époque ? La prise de conscience de l’importance de la mer était tellement d’actualité que la revue consacrait un numéro entier au sujet… Le président de l’époque, Pierre Perraud, avait jugé bon d’y consacrer totalement son éditorial : « Parmi les découvertes que permit la plongée sous-marine, la biologie subaquatique est incontestablement une des plus captivantes qui soit. » en parlant des espèces marines : « N’oublions pas que rien ne sert de découvrir si nous n’apprenons pas à les aimer, à les protéger et à les défendre. » De la mer il dit : « pleine de ressources, elle est exploitée inconsidérément, sans plan défini, à l’aveuglette, pour le plus grand profit de quelques entreprises ou nations ». Je cite encore : « 70 000 paires d’yeux qui œuvrent pour la découvrir, dressent un inventaire des nuisances, dénoncent les abus, et permettent une protection et une sauvegarde qui s’avèrent encore bien insuffisantes ». Aujourd’hui le nombre de paires d’yeux a doublé à la FFESSM, auxquelles s’ajoutent celles des autres associations ou fédérations de plongée. Peut-être sommes-nous entrés enfin dans des démarches protectrices avec les Aires Marines Protégées et Natura 2 000…

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Dans cette même revue, on trouve un plaidoyer de Michel D’Ornano, alors ministre de l’Environnement et du Cadre de vie, en ces termes : « La mer est soumise aux contraintes de notre civilisation de développement que sont les pollutions et les nuisances. Pendant longtemps ces contraintes ont été jugées négligeables… Il en va aujourd’hui tout autrement, progressivement l’homme a pris conscience des équilibres fragiles… L’opinion publique doit être informée… Ce numéro d’Études et Sports sous-marin veut répondre à ce besoin et je me félicite de constater que les plongeurs poursuivent leurs efforts en ce domaine… ». Il conclut en ces termes que ne renieraient pas les environnementalistes les plus radicaux aujourd’hui « Avec l’avenir de la mer, c’est notre propre devenir qui est en jeu ».

Est citée aussi la commission audiovisuelle qui est selon lui un outil puissant et intelligent, qui coopère étroitement avec la commission biologie. Pierre Perraud conclut sur ces termes « La biologie sous-marine est un fleuron prestigieux et il est dans notre optique de favoriser encore son développement, son audience, puisque nous aimons la mer. »

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Deux ans plus tard, dans la même revue, Jean Bachelier écrivait : « Et c’est grâce à leur clairvoyance, leur efficacité et leur nouvel humanisme, teinté d’iode et de sel, que cet incomparable patrimoine, ô combien fragile, pourra néanmoins constituer une source d’apport essentiel de richesses pour la survie de l’humanité de demain (plus de six milliards d’homme dans moins de 20 ans, en l’an 2000 ! »

Mais, bien loin de l’idéal exprimé ci-dessus, d’autres n’hésitaient pas à se glorifier d’avoir fait annuler un arrêté de Nice de 1980 qui visait à interdire la pêche sous-marine en période hivernale, à tout le littoral méditerranéen, et abandonner des projets de réserves intégrales (sans chasse ni plongée) au cap Fréhel et au cap Sizun. La toute-puissance de certains s’étalait alors très largement dans la revue, en mettant un peu de côté les sensibilités biologiques. La commission biologie ne s’était d’ailleurs pas exprimée sur ce sujet des réserves ; seul un quart de page du président de commission nationale biologie de l’époque, Georges Pistre, était consacré au bilan annuel des stages… Les temps essaient d’évoluer, en tout cas la revue Subaqua est bien différente de nos jours avec des articles permanents au label « Biologie ». C’était l’année où je débutais la plongée avec la plongée scientifique de Paris VI et un certain Pierre Letellier qui rappellera des choses à ceux qui ont de la mémoire. Merci aux moniteurs de l’université de Paris VI qui m’ont donné le goût à la plongée d’exploration et éveillé ma curiosité.

DES DÉBUTS MULTIFORMES

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L’eau douce commençait à se faire connaître avec des stages dans l’étang de Cergy, Neuville et même des tentatives de mise en œuvre de champs d’algues artificielles en coopération avec le ministère des Sports. D’aucun se souviennent peut-être de l’Amoco Cadiz ; la commission de biologie participa en ce temps à des campagnes de prises de vues. Une diapothèque de la CNB se mettait en place avec une centaine de diapos des fonds méditerranéens, et faisait appel à clichés de Manche et Atlantique…

Déjà un état des lieux soulignait qu’en 10 ans, de Théoule à Menton, 700 hectares de petits fonds propices à la vie sous-marine ont été détruits par les « aménagements ». Le Pr Alexandre Meinesz, alors membre du comité Côte d’Azur, écrivait : « Après les égouts et leurs bactéries, après les boues, après le mercure, voici les terre-pleins, les ports de plaisance et les plages alvéolaires qui s’édifient à un rythme effréné. » Il signalait la saturation des mouillages l’été… ce qu’il appelait la mort du littoral. Mais qu’a-t-on fait depuis ? La Méditerranée n’a cessé de souffrir.

En trente ans, nous avons raclé le fond des océans, modernisé les techniques de pêche afin de capturer toujours plus et toujours plus profonds, entraînant ainsi la quasi-extinction des nombres d’espèces marines. On continue à subventionner la construction de chalutiers alors que les scientifiques prévoient un point de non-retour avec la quasi-désertification des océans dans moins de 20 ans… C’est la recherche du profit à court terme qui guide les actes, certainement pas le bon sens, ni le courage de prendre les décisions qui s’imposent. Certains se justifient même en arguant que les stocks se reconstituent et que les arrêtés de protection n’ont plus lieu d’être, voire même tentent de justifier leur plaisir de tuer par une improbable « nécessaire régulation ».

Heureusement, saluons l’évolution de notre commission pêche sous-marine qui a abandonné les compétitions, vestiges de temps révolus, et qui a adopté une charte de bonnes pratiques plus responsable et respectueuse.

 À QUI APPARTIENT LE POISSON ?

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 261 Abonnez-vous

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