Le transport des nutriments dans un monde de géants

le 25/04/2016 publié dans le 266 de Subaqua
INFOS RECHERCHE 266-UNE
Stephan Jacquet
par Stephan Jacquet

Les animaux jouent un rôle important dans le transport des nutriments mais ce rôle est encore aujourd’hui sous-estimé. De plus, il aurait fortement diminué au fil du temps en raison des extinctions de masse ou du déclin de certains grands animaux comme les baleines provoqué, lui, par l’action humaine. Des scientifiques ont ainsi quantifié le flux des éléments nutritifs en lien avec la présence et l’activité animale sur terre, dans l’air, les rivières et la mer avant ces déclins et aujourd’hui.

Stéphan Jacquet nous livre les principaux éléments des travaux de C. E. Doughty, J. Roman, S. Faurby, A. Wolf, A. Haque, E. S. Bakker, Y. Malhi, J. B. Dunning et J. C. Svenning publiés en 2015 par la National Academy of Sciences des USA sous le titre «Global nutrient transport in a world of giants».

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Entre aujourd’hui et jadis où notre planète était peuplée de grands animaux, la capacité de ces derniers à déplacer les nutriments de leur zone de concentration (hotspot) aurait baissé de 6 %. Rien de grave a priori. Mais dans le détail, les résultats sont beaucoup plus édifiants. Ainsi le mouvement vertical du phosphore (un élément nutritif clef) dans l’océan par les mammifères marins aurait été réduit de 77 % et le déplacement de cette ressource de la mer vers les terres (via les oiseaux de mer et les poissons anadromes*) de 96 %.

Si les auteurs se plaisent à définir le passé (avant la fin du Pléistocène ou de l’Holocène) comme une époque de géants suivie par une époque marquée par la chasse à la baleine, c’est parce qu’on estime aussi aujourd’hui, rien qu’au niveau des mers, que le déclin des baleines a été de l’ordre de 66 à 99 %. Fixons les esprits avec un animal emblématique comme la baleine bleue (Balaenopteramusculus) : ses effectifs dans l’hémisphère sud ont été réduits de 99 % par rapport à leur abondance historique à cause de la pêche commerciale et celle dite « scientifique ». Si on connaît donc les raisons de ce type de baisse massive, on s’était beaucoup moins intéressé jusqu’alors aux conséquences écologiques de tels déclins, par exemple sur le mouvement (c’est-à-dire le déplacement, la redistribution, la remise à disposition) des nutriments. Peut-être aussi parce que l’on pensait cela d’une importance secondaire.

De quoi parle-t-on quand on évoque les nutriments ? Il s’agit notamment des éléments inorganiques de l’azote et du phosphore qui, sous la forme d’ions nitrates, ammonium ou phosphates, constituent le fuel du phytoplancton et donc de la production primaire (responsable à 50 % de l’oxygène produit sur notre planète, un chiffre équivalent donc à ce que produit la végétation terrestre). Dit autrement, les nutriments sont à la base de tous les réseaux alimentaires et se retrouvent donc dans toutes les matières vivantes sous forme organique ! S’intéresser au déplacement de ces nutriments n’est pas nouveau et on sait très bien expliquer les processus physiques (comme les remontées d’eaux froides profondes riches en éléments nutritifs, la sédimentation de la matière vers le fond) ou biologiques (régénération par les micro-organismes) intervenant dans leur dynamique et leur distribution. En revanche, le rôle joué par les grands animaux, en particulier leur déplacement, n’avait pas été pris en compte jusqu’à maintenant. C’est là toute l’originalité du travail proposé par les auteurs de cette étude.

Commençons par prendre des exemples pour s’en convaincre.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 266 Abonnez-vous

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