mer Rouge : petits poissons et gros dugong  

le 23/06/2017 publié dans le N°273 de Subaqua
BIOLOGIE 273-UNE
Jacques Dumas
par Jacques Dumas

Tout voyage plongée en mer Rouge recèle un grain de magie éternelle. Tant la nature a gâté cette mer d’une extravagante biodiversité dont le plongeur ne se lasse pas. À chaque séjour il est possible de se fixer quelques nouveaux objectifs d’observations inédites pour y trouver son bonheur. Parfois, il suffit de contempler telle patate, tel tombant, tel petit coin de corail. Pour cette nouvelle balade dans les Marsa, Jacques Dumas n’avait pourtant qu’une idée en tête : rencontrer un vieux cousin aquatique de l’éléphant terrestre, si vulnérable, le dugong… Photos de l’auteur.

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Dès les premières plongées, ma tête était déjà tournée vers les herbiers dans lesquels les paisibles dugongs se repaissent… Mais les multitudes de poissons de récifs aux couleurs chatoyantes ont rapidement eu raison de mon obsession en prenant le dessus de mon objectif.

Après 5 heures de vol, 45 minutes de bus, une bonne nuit de repos, et un petit-déjeuner revigorant, c’est avec une bienheureuse sérénité que nous nous préparons en savourant par avance la perspective (c’est un peu pompeux, et inutile à mon avis de parler de monde du silence !) de faire découvrir à nos plongeurs débutants fraîchement munis de leur niveau 1 les plongées égyptiennes. Départ du bord pour commencer. Plus confortable, rassurant, facile pour tous. Dernières recommandations et les premiers coups de palmes nous amènent sur le sable vers les premiers poissons ballons, girelles et soles tropicales. 10 mètres, nous voici dans la zone corallienne qui nous rassure sur l’état intact des diverses espèces de coraux. Le ballet de poissons chirurgiens en tous genres, poissons papillons… laisse tous nos débutants béats d’admiration. Quel bonheur que celui du moniteur qui fait découvrir à ses « jeunes plongeurs » d’aussi extravagantes formes vivantes ! Ce n’est qu’au retour de cette première heure de plongée que je comprenais, en parcourant les plaquettes des espèces de poissons, que les couleurs rouges sont omniprésentes.

Lors du débriefing nous rappelions la présentation préparatoire au séjour par l’ami Michel, formateur de biologie, passionné de poissons, qui attirait alors l’attention sur le comportement des anthias de mer Rouge avec souvent peu de mâles pour un harem. Territorial, ce poisson vit en bancs autour d’un bouquet corallien ; il est parfois difficile de trouver un mâle au milieu de quelques centaines de femelles. Si les femelles arborent une livrée aux tons rouge orangé, les mâles plus grands, aux nageoires plus exubérantes, se parent de couleurs plus indigo. Lorsque nous prenons le temps de bien observer ce petit monde, on peut se rendre compte qu’il y a généralement un mâle dominant et une femelle principale reconnaissable à sa taille supérieure aux autres. Lorsque le mâle décédera, ce sera elle qui se transformera en mâle en l’espace de quelques jours. Vous conviendrez que le dimorphisme sexuel prononcé n’est donc pas incompatible avec le changement de sexe.

Entre observation et technique

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Après une ou deux plongées consacrées à sensibiliser nos plongeurs aux mimétiques – poissons pierre, poissons scorpions et poissons crocodiles – et à la calme et majestueuse nage de la tortue imbriquée, nous revenons aux petits poissons rouges. Après quelques exercices techniques de préparation au niveau 2 sur la zone sableuse, j’ai décidé que le moment était venu de se servir des acquis techniques de mes deux coéquipiers pour les entraîner vers les grottes et cavités plus obscures sous le récif.

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Quelques balayages avec la lampe me permettent alors de leur présenter nos hôtes, d’abord les priacanthes d’un rouge claquant. Ils sont ici en bancs et accompagnés de quelques poissons écureuils dont les rouges sont moins « m’as-tu vu »…  Priacanthus hamrur, ou gros yeux, porte bien son nom tant ses yeux sont disproportionnés. C’est un mangeur de plancton aussi actif de nuit que de jour. Nous l’avons d’ailleurs revu en pleine activité lors de notre balade nocturne sur les mêmes sites, c’est-à-dire sous les surplombs, ce qui revient à dire que ce poisson ne se couche pas, peut être parce qu’il ne bouge pas beaucoup ? Certains, en revanche, avaient changé de couleur pour arborer des livrées plus marbrées et moins rouges. Quant au poisson écureuil (Sargocentron spiniferum), nous avions eu le plaisir de voir un très beau spécimen solitaire, 45 bons centimètres. Il est facile à reconnaître avec sa grande épine dorsale, plutôt toxique, soit dit en passant. Chasseur nocturne, il avait quitté son surplomb pour aller croquer quelques crustacés. Autre habitant de la zone, Myripristis murdjan, poisson soldat à œillères ou à grands yeux. Lui aussi a des mœurs nocturnes, et se nourrit de plancton comme les priacanthes. On le reconnaît à la barre noire sur l’opercule et à sa caudale bordée de blanc et de noir.

À mesure que nous nous enfonçons dans les zones sombres les rencontres deviennent plus surprenantes, ainsi ce banc de poissons hachettes aux reflets dorés…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 273 Abonnez-vous

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