OKINAWA L’ÎLE AUX PLONGEUSES

Le très enviable climat d’Okinawa et sa situation géographique en font un lieu de prédilection pour la plongée. Des sonorités évocatrices réveillent l’oreille de tout plongeur voyageur : Kerama, Miyako, Yaeyama… On pourrait penser que ces noms sont originaires de déesses de la mythologie locale des Ryukyu. Il n’en est rien certes, mais les femmes ici ont toujours été très influentes.

La légende prétend qu’une femme nommée Amamikiyo descendit des cieux sur Kudaka, l’île des dieux. Du XV^e au XIX^e siècles, le pouvoir du Royaume des Ryukyu était partagé entre le roi et la grande prêtresse. Celle-ci officiait en « gardien spirituel », présidait les rituels sacrés et, en définitive, influençait les grandes décisions sur la destinée du royaume. Pour cette raison elle était choisie au sein de la famille du roi. Par extension, les prêtresses qui assuraient les cérémonies religieuses dans les villages jouissaient d’une forte autorité dans les Ryukyu. En fait, la société attribuait un pouvoir spirituel aux femmes et pas uniquement aux prêtresses (Noro). Ceci explique aussi que la majorité des shamans (Yuta) sont des femmes. Mais la condition des femmes dans l’archipel Nansei est très différente de ce qu’elle était au Japon. Dans la société japonaise, la femme s’est longtemps « effacée » derrière l’homme. Cela semble, du moins en apparence, être une époque révolue. Il est par exemple frappant de constater la très grande proportion de plongeuses dans l’archipel d’Okinawa. En enquêtant après une plongée avec le club Seasir de Naha, j’apprends que sur dix clients, six sont des plongeuses.

C’est assurément un des rares endroits du monde où l’on trouve cette dominante féminine. Si le chiffre relatif aux professionnels est moins spectaculaire, il reste toutefois nettement au-dessus de la moyenne avec quatre monitrices japonaises sur dix encadrants dans l’archipel. Charawang me dit fièrement « La plongée sous-marine est une opportunité professionnelle pour les femmes car il y a ici beaucoup de travail dans ce secteur ». Au pays du soleil levant les hommes portent-ils moins d’intérêt au monde sous-marin, où faut-il voir ici le déterminisme des Japonaises ? Charawang ajoute « Peut-être aussi que les femmes japonaises aiment la plongée pour l’indépendance et la relation avec l’océan ». À cette époque de l’année (mars) la saison touristique commence timidement sur les îles Kerama. Devant la paradisiaque plage de Aharen (Tokashiki island), un club de nautisme tient une tente et propose diverses activités mais ce jour-là aucun moniteur de plongée. C’est donc au départ de Naha sur l’île principale d’Okinawa que nous partons pour une croisière plongée d’une journée sur un bateau très bien équipé. Nous sommes une quinzaine à bord avec, sans surprise, majoritairement des Japonaises.

pluie du matin n’arrête pas le pèlerin

En effet, la pluie ne cessera pas de la journée, ce qui affectera un peu la légendaire luminosité du site mais pas la bonne humeur générale. Et puis plonger au Kerama est exceptionnel quoi qu’il en soit. Les poissons-clowns de toutes les tribus semblent s’être donné rendez-vous ici, des tortues aussi apprécient ces massifs coralliens et le foisonnement de vie sous-marine locale. Une forêt d’yeux (anguilles jardinières) comme plantés dans le sable semble veiller à la tranquillité du site.

Parlons un peu de la singularité d’Okinawa avant de passer sur une autre île.