Découverte en Méditerranée d’un phénomène écologique majeur

Portrait Olivier Clot-Faybesse
Olivier Clot-Faybesse
Publié le 30 sept. 2024, modifié le 1 oct. 2024
Les colonies géantes de picarels comptent plusieurs millions de nids, chacun gardé par un mâle.
De gigantesques colonies de reproduction de poissons viennent d’être découvertes dans les eaux de l’île de Beauté par des chercheurs d'Andromède Océanologie et de l'Université de Montpellier. Elles concernent une espèce en particulier, le picarel (Spicara smaris), petit poisson (20 cm en moyenne) au corps élancé, fusiforme, presque cylindrique, pourvue d’une tache noire rectangulaire sur ses flancs. D’après un communiqué d'Andromède Océanologie. Image d'ouverture de Laurent Ballesta et dessin d'Aline Faure (© Andromède Océanologie).
Le picarel ou Spicara smaris © Véronique Lamare/Dori

Entre 37 et 50 m de profondeur, soit proches de la côte de la Corse, ces colonies géantes sont au nombre de 15. Elles comptent plusieurs millions de nids, chacun gardé par un mâle. Des nids qui attirent de nombreux prédateurs, y compris des espèces en danger critique d'extinction comme le requin ange (Squatina squatina). Un phénomène qui pourrait être comparable au fameux Sardine run d’Afrique du Sud, cette remontée des sardines faisant le bonheur de nombreux prédateurs !

Sonar, photogrammétrie et observations

Chez les oiseaux de mer, les colonies de reproduction sont bien connues. Mais cette stratégie pour se reproduire reste exceptionnelle chez les poissons marins. Dans le cas du picarel toutefois, un phénomène d’agrégation était connu des pêcheurs locaux.

Grâce à la technologie (sonar pour mesurer leur étendue, photogrammétrie pour les dimensions et la densité), les observations en plongée et les enregistrement vidéo (pour rendre compte des comportements et de la faune associée), deux faits majeurs ont été révélés ici : l’importance de la taille des colonies de reproduction et leur rôle écologique conséquent, sous-estimé jusqu'à présent.


Dessin d'un plongeur au-dessus des nids de poissons.
L'observations des nids en plongée sous-marine a contribué aussi à la caractérisation de ce phénomède de nidification.

Une concentration de près de 20 millions de poissons !

Les fonds marins dont la limite inférieure des herbiers de posidonie, les sols meubles et les lits de rhodolithes, sont entièrement reconstruits en nids circulaires jointifs mesurant 55 cm de diamètre en moyenne. Avec une densité de 2,6 nids par m2, le nombre estimé de nids dépasse les 18 millions !

Autour des nids, mangeant les œufs ou les adultes, une riche macrofaune comprenant des espèces menacées peut être observée. Cette découverte met en évidence le rôle écologique exceptionnel de ce petit poisson. Sorte d’ingénieur de l'écosystème, cette espèce hermaphrodite et zooplanctonophage est à ainsi à l’origine de véritables oasis de vie marine sur le fond marin.

Protéger les nids du picarel

La taille exceptionnelle de ce phénomène et son manque de reconnaissance seraient vraisemblablement dus au très faible effort de pêche dans la région et au peu de personnes visitant ce littoral sablonneux, qui abrite l'un des herbiers de posidonies les plus vierges de la Méditerranée.

La sensibilisation à ce phénomène est importante non seulement pour la gestion de la pêche et de l'ancrage des bateaux, mais aussi pour la conservation des espèces menacées qui y vivent.

Ces premiers résultats singuliers justifient de mener des études plus approfondies, ainsi que la mise en place, donc, d'une meilleure protection de la zone où se trouvent les colonies, au moins pendant cette courte saison de reproduction.

Le détail de cette découverte, dont les données ont été publiés par Andromède Océanologie, est à lire ici.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher