Plongée d’entrainement à – 200 mètres au centre hyperbare de la Marine nationale

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La rédaction
Publié le 26 mars 2025, modifié le 28 mars 2025
Vu panoramique du caisson hyperbare
Le caisson hyperbare est constitué d’un espace de vie (à droite) et d’un second plus petit (à gauche) qui permet, via un sas, d’accéder au bassin fermé (cuve) situé à son aplomb pour y réaliser les exercices en immersion. © Subaqua
Depuis le 18 mars et jusqu’au 28 mars 2025, le centre expert plongée humaine et intervention sous la mer (Cephismer) conduit une plongée à saturation inédite à - 200 mètres. Durant le séjour fond les plongeurs ont fait des excursions au recycleur électronique afin d’éprouver cet équipement et préfigurer ainsi l’avenir de la plongée militaire française dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030.
Depuis le caisson (en ambiance aérienne et donc au sec) que l’on devine en haut de l’image, les plongeurs se sont immergés dans la cuve (en noir) remplie d’eau (8°C) à une pression équivalent à - 200 mètres. © Subaqua

LA PLONGÉE

Ils sont quatre. Romain (Capitaine de corvette), Franck et Ludovic (tous deux Maîtres principaux) et Lucile, médecin militaire (seuls les prénoms sont indiqués pour des question de sécurité).

Mardi 18 mars, au centre hyperbare de la Marine nationale 500 m (CMH 500), ils ont été mis en pression pour atteindre, 4 h 30 plus tard, la profondeur de - 200 mètres, soit 21 bars ou ATA (atmosphère absolue).

Leur séjour à cette profondeur aura duré 55,5 heures (2 jours et près de 8 heures) en atmosphère héliox (2,5% d’oxygène et 97,5% d’hélium) avec une pression partielle d’oxygène (PpO2) de 0,4 ATA ou 400 mbars.

Trois incursions en cuve humide ont été effectuées en binôme, chaque plongeur étant équipé d’un recycleur de marque rEvo. Après chaque plongée, des tests cognitifs et physiologiques ont été réalisés.

Le CEPHISMER a pu s’appuyer sur le centre de plongée spécialiste de la plongée technique et profonde Plongée TeK Marseille pour former ses plongeurs en recycleur électronique, domaine déjà largement développé dans le civil et préparer cette plongée particulière. La marine y forme des plongeurs depuis 4 ans, du niveau initial jusqu’au niveau hypoxique.

La remontée (désaturation) a débuté jeudi 20 mars à 22h00. Elle va durer 7 jours et 12 heures. Avec une décompression linéaire à 2 vitesses, 50 min/mètre de - 200 mètres à - 20 mètres puis 90 min/mètre de -20 mètres à la surface.

La sortie se fera le vendredi 28 mars matin pour une plongée d’expérimentation qui aura duré 10 jours.



En binôme, les plongeurs réalisent divers exercices de précision à une pression équivalant à - 200 m. © Subaqua
Un plongeur équipé d'un recycleur
Les recycleurs utilisés et testés à - 200 mètres sont de la marque rEvo. © Subaqua

LES OBJECTIFS

Les plongées expérimentales dites ENTEX (pour ENTraînement EXpérimentation) sont réalisées depuis 1979 par la Marine nationale avec la participation de la Comex.

Les immersions à saturation en caisson sont très pratiques pour se tester, valider des protocoles etc., tout en gérant parfaitement les risques. En effet, en cas de difficulté ou d’imprévu dans l’eau, le plongeur aura la possibilité de repasser en une ou deux minutes à peine dans le caisson sec. C'est à dire de se retrouver en ambiance aérienne respirable, sans avoir à remonter vers la surface, ni à désaturer.

À travers, cette expérimentation inédite, baptisée ENTEX 50 (car cinquantième plongée ENTEX depuis son origine), il s’agit de valider les processus de mise en œuvre d’un appareil en plongée autonome lors d’une plongée à saturation à - 200 mètres. D’approuver ensuite les possibilités d’action en recycleur autonome à gestion électronique à grande profondeur.

ENTEX 50 vise à éprouver la capacité des plongeurs à délivrer un effet militaire par grande profondeur après une mise en pression plus rapide que les profils utilisés dans la plongée professionnelle civile. Ainsi qu'à homologuer pour la Marine nationale un protocole de désaturation issu des plongées à saturation commerciales modernes.

Pour cela, les plongeurs font l’objet d’une surveillance médicale rapprochée via des tests cognitifs, physiques et physiologiques durant toute la plongée.


Pendant le séjour, plusieurs paramètres physiologiques ont été mesurés, comme ici la témpérature centrale des plongeurs. © Subaqua
Un casque
Ou encore les ondes cérébrales des plongeurs via ce casque, transmis aux plongeurs par un sas. © Subaqua
Un marin manipule le sas d'entrée du caisson.
Ouverture du sas, qui permet d'échanger des objets, ainsi que repas et boissons, avec les quatre marins vivant à saturation dans le caisson hyperbare.

PLONGÉE À SATURATION VS PLONGÉE D’INCURSION

Par plongée d’incursion, on entend celle que réalise tout plongeur loisir. À savoir une mise à l’eau, suivie d’une immersion plus ou moins profonde avant d’entamer une remontée contrôlée par un moyen de désaturation, le plus souvent un ordinateur de plongée.

Dans la plongée à saturation, le plongeur va réaliser un séjour au fond de longue durée (se chiffrant en jours). L’on utilise ici le terme « à saturation » car tout l’organisme est « saturé » par le gaz respiré. Ce qui prend, en fonction du mélange respiré et de la profondeur, de 12 à 24 h.

L’intérêt d’évoluer à saturation à une profondeur donnée (- 200 mètres dans l’expérience ENTEX 50) est que la durée de désaturation (le temps de palier) n’augmentera plus que l’on y reste deux jours ou un mois puisque les tissus du plongeur sont chargés à 100 % en gaz respiré.

Ce dernier aura ainsi la possibilité de sortir du caisson pour travailler tous les jours dans l’eau avant de revenir au sec (dans le caisson) pour se reposer, se nourrir, dormir.

La contrepartie de tout ce temps passé sous l’eau est que la désaturation se chiffre en jours. Les protocoles de désaturation en plongées d’incursion (ordinateurs) ne sont évidemment pas utilisables en plongées à saturation.


Le président de la FFESSM Frédéric Di Meglio avec leCapitaine de frégate  Arnaud Le Béguec, commandant le Cephismer Arnaud Le Béguec et le Commandant réserviste Alain Foret.
Conviée à l’événement, la FFESSM était représentée par son président, Frédéric Di Meglio, ici avec le Capitaine de frégate Arnaud Le Béguec, commandant le Cephismer (à gauche) et le Capitaine de corvette de réserve Alain Foret. © Subaqua
Le logo du Cephismer
Héritier du Groupe de recherches sous-marines (GRS) crée en 1945, le Cephismer (centre expert plongée humaine et intervention sous la mer) est l'expert de la plongée humaine pour les Armées.

DE PRÉCONTINENT à GOMBESSA V

Pour rappel, la première plongée en saturation au monde est française. Elle a eu lieu en 1962, non pas dans un centre hyperbare, mais en mer Méditerranée près de l'archipel du Frioul (Marseille).

Il s’agissait de la mission Précontinent I, où Albert Falco et Claude Wesly (devenus ainsi les tout premiers « océanautes ») ont passé une semaine à - 10 mètres dans un modeste cylindre d’acier (5 m x 2,5 m), baptisé Diogène.

Cette mission fut suivie de Précontinent II au Soudan en 1963 (entre - 10 et - 25 mètres) et de Précontinent III en 1965 au large de Nice (- 100 mètres).

En 2019, Laurent Ballesta et son équipe lors de l’expédition Gombessa 5 – Planète Méditerranée passeront 28 jours à une pression de 11 bars (100 mètres).

À noter, enfin, que le record de plongée à saturation est détenu par la Comex avec Théo Mavrostomos qui a atteint - 701 mètres avec un mélange hydrhéliox.

Une barge avec sa tourelle immergée
La barge et la tourelle immergée utilisées dans Gombessa V © Jordi Chias/Gombessa Expeditions
Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher