DU BLEU DANS L’ATLANTIQUE

le 24/12/2020 publié dans le N°294 de Subaqua
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Gérard Soury
par Gérard Soury

Devant la menace d’un virus pervers cuvée 2020, la perspective de retrouver l’immensité océanique des Açores semblait bien compromise. Pourtant à l’été, un message enthousiaste du club Pico Sport et l’idée même de retrouver les eaux familières qui ceinturent l’île de Pico a vite gommé toutes les hésitations. Dont acte ! Pico, nous revoilà !
Texte et photos Gérard Soury

DU BLEU DANS L’ATLANTIQUE

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Pico, Faial, São Jorge, Terceira, São Miguel, Santa Maria, Graciosa, Flores et Corvo : neuf îles plantées à 1 300 km de Lisbonne, un archipel né de la furie des volcans, le long de la dorsale atlantique, celle-là même qui, beaucoup plus au nord, fait craquer la terre d’Islande. Ainsi, selon le mécanisme implacable de la tectonique des plaques, le continent américain s’éloigne-t-il de l’Europe à raison de deux à trois centimètres par an. Mais c’est aussi un archipel privilégié, contre lequel le courant de fond – l’upwelling – fait remonter vers la surface des masses colossales de nutriments. En conséquence, le long des côtes, toute une population de créatures pélagiques et semi-pélagiques prospère grâce au plancton : calmars, poissons de tous calibres, dont une quantité non négligeable de requins, de mammifères marins, du plus petit dauphin jusqu’à l’immense baleine bleue qui laboure les champs de krill à chaque printemps. Sans oublier l’importante population résidente de cachalots. Ici, pas un maillon ne manque à la chaîne alimentaire. C’est show time tous les jours pour les afficionados de plongée à grand spectacle.

La faune des « cailloux »

Cinq minutes après avoir quitté la marina, nous basculons au pied des Twin Rocks, refuge des puffins cendrés qui nous toisent depuis le sommet de leurs cailloux jumeaux. La plongée consiste à pénétrer dans le colossal amas de roches dans l’espoir d’y découvrir les locataires habituels : langoustes, cigales de mer, mérous, corbs, murènes et autres raies à aiguillons. Nous entrons dans la faille qui pourfend en deux le récif principal.

RAI.0267En négociant avec la houle musclée, qui tantôt nous aspire dans les méandres obscurs et tantôt nous en arrache, nous parvenons tant bien que mal au cœur du récif… pour un face-à-face avec une raie pastenague géante (Taeniura grabata) tout aussi surprise que nous. Dans une élégante envolée, elle offre ses dessous à nos objectifs indiscrets avant de disparaître. D’un geste enthousiaste, mon partenaire me fait comprendre que les images sont dans la boîte. La visite se poursuit avec un face-à-face inespéré avec un mérou noir (Epinephelus marginatus) peu farouche puis avec un couple de poissons-perroquets (Sparisoma cretense) à la livrée provocatrice. Et tout ça à moins de cinq minutes de navigation du port.

Allez les bleus !

Le skipper coupe les gaz et entreprend de préparer le chum, mélange à base de poisson malaxé, redoutable mixture, aussi agressive pour nos fragiles odorats qu’exquise pour les squales en maraude. Une vingtaine de minutes plus tard, le premier requin bleu (Prionace glauca) fait son apparition, puis deux, puis trois…

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Lorsque je parviens à l’extrémité de mon pendeur lesté, pas moins de six d’entre eux tournent autour de l’appât enfermé dans un conteneur suspendu à une bouée. Les larges mailles plastiques laissent filtrer assez de jus pour entretenir l’intérêt des squales… tout en résistant à leurs morsures à répétition. Qui n’a jamais plongé avec de tels animaux ne peut imaginer à quel point ils sont magnifiques. Pour moi, c’est l’élégance qui les caractérise le mieux. Dans l’eau transparente à souhait, ils nous offrent un festival d’une beauté farouche. Tantôt sollicitant l’appât d’un museau gourmand, tantôt vérifiant si quelque friandise ne serait pas dissimulée dans nos équipements. D’où la nécessité absolue pour ce genre de plongée de respecter les consignes de sécurité, avant tout de résister à la tentation de caresser les squales tant leurs sollicitations ressemblent à des demandes de câlins. Qu’on ne s’y trompe pas, même s’il semble « amical », un requin reste un prédateur et l’oublier ne serait-ce qu’une seconde pourrait transformer la plus belle des plongées en cauchemar.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 294 Abonnez-vous

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