Incandescent Layang-Layang

le 04/11/2020 publié dans le N°293 de Subaqua
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Gilles Auroux
par Gilles Auroux

Quelque 300 km au nord-ouest de Bornéo, un improbable halo turquoise apparaît soudain sous les hélices de notre bimoteur, rompant la monotonie de l’océan Pacifique qui s’étend à perte de vue. L’atoll de Layang-Layang étale ses eaux translucides au cœur d’une couronne de corail sur laquelle se niche un minuscule îlot, dont la forme géométrique atteste d’une nature en grande partie artificielle. Et par « minuscule » je n’exagère pas car ce mouchoir de poche contient tout juste assez de place pour la piste d’atterrissage où l’ATR 72 de la MASWings se pose une ou deux fois par semaine. Ainsi que pour y accoler l’hôtel où mon sac de plongée va, lui, se poser pour quelques jours.
Texte et images Gilles Auroux

Stratégiquement placé au centre de la mer de Chine méridionale, l’archipel des îles Spratly voit sa territorialité disputée par plusieurs pays voisins. C’est la Malaisie qui la première occupe l’île de Layang-Layang. La marine royale malaisienne y construit en 1983 un avant-poste naval et aérien. Puis au début des années quatre-vingt-dix, Layang-Layang s’ouvre au tourisme, probablement afin d’y légitimer en douceur sa territorialité vis-à-vis de la communauté internationale. Paradoxalement, cette présence militaire a également permis de préserver l’endroit des ravages destructeurs de la pêche à la dynamite qui sévit un peu partout en Asie.

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Les vertigineux tombants qui plongent à 2 000 mètres sous la surface se parent d’une densité incroyable de coraux en parfaite santé, donnant aux plongeurs chanceux qui viennent ici l’impression de découvrir un territoire inviolé, encore intact de toute activité humaine. Comme aux tout premiers matins du monde…

Courant et déception

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Cependant, ce qui attire avant tout les plongeurs et les photographes de tous les coins du globe à Layang-Layang est la présence, à chaque printemps, de nombreux requins-marteaux halicornes (Sphyrna lewini). Pour avoir la chance de les observer, il faut s’immerger à proximité de la pointe est de l’atoll où se tient généralement le banc. Nous descendons rapidement en pleine eau jusqu‘à une trentaine de mètres, laissant la lumière de la surface disparaître au-dessus de nos têtes. Enveloppés par un bleu profond, nous perdons bientôt tout repère visuel, sans aucune sensation de mouvement ou notion d’orientation. Seules les bulles qui s’échappent régulièrement de nos détendeurs nous indiquent encore la direction de la surface ou le sens du courant. Ce dernier, plutôt violent sur cette pointe non abritée, nous entraîne dans une dérivante effrénée et ce n’est qu’après 15 minutes de ce régime que nous infléchissons notre course pour regagner les eaux plus abritées du récif, explorant sa pente extérieure en reprenant peu à peu de la hauteur pour aller tranquillement terminer notre immersion sur le platier qui la surmonte. Malheureusement la mer décide parfois de garder jalousement ses secrets : malgré plusieurs plongées sur ce même site, nous n’apercevons toujours pas la moindre silhouette si caractéristique de ce squale. Il faut dire qu’à mi-mai la saison est bien avancée. L’eau est déjà chaude pour une espèce qui préfère la fraîcheur régnant sous la thermocline, profonde.

Quand les carangues prennent la pose

layang-layang-16 copieHeureusement les marteaux ne sont pas la seule attraction de Layang-Layang, et nous explorons également les autres sites de l’atoll, une quinzaine au total, aux noms plus ou moins évocateurs de Gorgonian forest, Shark’s cave, The valley ou encore Dogtooth lair. À chaque nouvelle immersion la magie de Layang-Layang opère. Je me régale sans jamais me lasser de ces paysages grandioses où nous alternons tour à tour tombants obscurs peuplés de gorgones à dentelle orange et jardins de corail si exubérants qu’ils en paraissent irréels.

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Ici, toutes les rencontres semblent possibles, et l’on ne sait jamais quel animal va surgir au détour du prochain bloc de corail : murène de Java en pleine séance de nettoyage par un intrépide petit labre, requin corail patrouillant le récif, poisson-perroquet multicolore au front bombé, ou petit poisson-épervier aux yeux maquillés d’un improbable eye-liner orange ? Difficile de choisir une image parmi ces innombrables scènes. Si je ne devais n’en retenir qu’une, il s’agirait probablement de ce banc de carangues en suspension face au courant, presque en léthargie, nimbées par les rayons d’un soleil au zénith, comme si elles avaient décidé de poser juste sous le bon projecteur… Magique !

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 293 Abonnez-vous

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