LE PROPHÈTE (CAVALAIRE)

Jean-Michel Mille
Publié le 19 mars 2021, modifié le 18 sept. 2024
Fin 2020, le monde de la plongée et de l’archéologie sous-marine perdait un de ses éminents spécialistes, Jean-Pierre Joncheray. Nous avons eu la chance de participer à l’une de ses innombrables campagnes de fouille. En hommage à sa mémoire, nous partageons avec vous le récit de celle de l’épave du Prophète. Texte et photos, de Jean-Michel Mille.

« Cela vous dirait de faire de belles images sur une ferraille intéressante ? Êtes-vous libres ce week-end ? »

Impossible de résister car les invitations de nos amis archéologues Anne et Jean-Pierre Joncheray sont à chaque fois synonymes d’aventure, de découverte et d’une plongée, dans tous les sens du terme, dans d’histoire. Il s’agit, cette fois, de participer à un chantier de fouille d’une épave contemporaine, le Prophète. Un des tout premiers voiliers à vapeur, connu par bien des plongeurs pour sa machinerie caractéristique et sa très photogénique grande roue dentée. Mais connaissez-vous réellement son histoire ?

UN PEU D’HISTOIRE

11 heures, port de Cavalaire, Anne et Jean-Pierre nous attendent à bord de leur vedette l’Aventure Sous-Marine. Le matériel est rapidement chargé et nous appareillons sans plus attendre, avant l’arrivée annoncée d’un fort coup de vent. Direction cap Lardier, au large de la presqu’île de Saint-Tropez. Dans la cabine, nos deux passionnés nous font revivre avec force détails, l’histoire et la fin tragique du vapeur. Découverte dans les années soixante, l’épave est déclarée en 1984 et identifiée en 1986 grâce à de nombreuses recherches. La première campagne de fouille n’a eu lieu qu’en 2007. Il a fallu au préalable, « rouvrir les dossiers de l’Histoire ». Des heures passées dans les archives des mairies, des chambres de Commerce, des bibliothèques et de la presse locale. Un vrai travail de fourmi, accompli par nos infatigables chercheurs.

LA VISITE DE L’ÉPAVE

Nous arrivons sur site. Devant nous, le cap Lardier qui doit sa sinistre réputation à vingt-cinq siècles de naufrages. À bord, le matériel est préparé et les équipes de travail constituées. L’encombrant tuyau de la suceuse est raccordé à la motopompe : c’est Anne qui l’utilisera au fond.

Jean-Pierre, armé d’un décamètre d’une ardoise et d’un crayon, fera les croquis et prendra les cotes des différents éléments du moteur. Patricia, ma femme, et moi-même aurons à réaliser les prises de vues de l’opération. Anne se met à l’eau pour arrimer notre bateau à la bouée qui balise le site. Nous avons de la chance aujourd’hui : peu de courant et la visibilité est fantastique. L’épave repose bien à plat, sur un fond sablo-vaseux, par trente-deux à trente-quatre mètres de profondeur. La belle a bien souffert des outrages du passé. La coque ouverte et le pont effondré s’étalent sur une cinquantaine de mètres de longueur.

Ne subsistent que quelques pièces reconnaissables, tels le guindeau et les treuils. Mais l’élément le plus emblématique du Prophète reste celui du système de propulsion qui domine de près de quatre mètres le reste de l’épave. Son moteur monocylindre unique, chaînon manquant retrouvé entre la roue à aube et l’hélice, demeure le seul exemple encore visible d’un concept qui s’avéra être une impasse technologique.

Deux énormes chaudières à charbon, et un immense volant encore bien conservés, composaient la machine à vapeur. Prototypes, en avance pour l’époque, elles ne devinrent courantes que dix ans plus tard ! Aujourd’hui ces structures très graphiques font le bonheur des photographes.

Illustration d'un ordinateur de plongée
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Illustration d'un mérou brunIllustration d'un rocher