Alban Michon Le plongeur qui vient du froid

le 02/01/2015 publié dans le N°258 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Parrain de la 17e édition du Salon de la plongée de Paris, Alban Michon est un plongeur atypique. Quand d’autres ont le goût des eaux chaudes, des petits poissons multicolores et des palmes qui bruissent, lui préfère la rigueur du Grand Nord, les rencontres avec les ours polaires et le froid de la glace. Contre toute attente, le personnage pourtant est bigrement chaleureux. Sans doute parce qu’il est animé d’un feu intérieur ! Propos recueillis par Pierre Martin-Razi.

Rien, apparemment ne te destinait à la plongée sous-marine. Cette découverte est donc le fruit du hasard ?



Alban Michon : Oui et non… Qui connaît la part de la destinée dans nos chemins respectifs ? J’ai découvert la plongée en mangeant des BN et en regardant mon père être baptisé à Giens alors que nous y étions en vacances. Je n’avais pas dix ans… Quelque temps plus tard de retour à Troyes, la ville où je suis né, je tombe sur un article consacré à la plongée dans Okapi. Un papier signé Patrick Baudry. Ça m’a fasciné. J’ai donc écrit à la FFESSM pour avoir des infos que j’ai reçues par retour de courrier. Il me suffisait de prendre contact avec le club SubaTroyes… C’est ce que nous avons fait, Papa, ma sœur et moi. J’avais 11 ans et j’ai fait mon baptême en piscine avec Bernard. Malgré un matériel plutôt inadapté, la sensation a été formidable et ma vie a changé. C’était une évidence, j’ai su que je travaillerai dans la plongée sous-marine… Cela fait 26 ans maintenant

Tu es devenu moniteur ?



Alban Michon : Oui. Brevet élémentaire et niveau 1 à Giens, niveau 4 puis BEES 1. Tout s’est enchaîné naturellement. J’ai fait mon armée à Nice où j’ai été détaché à la Gendarmerie maritime. Puis j’ai travaillé à l’Ulysse club et à l’école de plongée sous glace de Morzine, Aquaventure. C’est là qu’a eu lieu le second déclic. Pour être franc, je me sens d’avantage skieur que marin… J’ai appris que l’école de plongée de Tignes était à vendre alors… je l’ai achetée ! J’avais 22 ans.

Avoir son propre centre aussi jeune, c’est une grosse responsabilité… ?



Alban Michon : Oh oui ! Très vite j’ai découvert que dans ce contexte, il fallait avoir le sens de l’entreprise en plus de celui de moniteur de plongée. Et ce sens, ce goût d’entreprendre, de faire, de développer, je crois que je le possède. J’aime ça. En 15 ans, je me suis vraiment impliqué. Aujourd’hui, j’y suis moins et laisse Jérôme, mon associé s’impliquer à ma place. Je me suis tourné vers d’autres activités sans pour autant oublier Tignes !

Comme les Vasques du Quercy par exemple ?



Alban Michon : J’ai racheté les Vasques du Quercy à André Grimal en 2005, cinq années après m’être lancé à Tignes. André avait mis en place ses fameux week-ends, un concept sympathique et novateur qui correspondait parfaitement à sa qualité d’hôtelier-restaurateur, ce que je ne suis pas. Il me fallait trouver une autre orientation. En 1998, j’avais découvert la plongée souterraine avec Pascal Barnabé et Jean-Pierre Stéfanato. C’est vraiment une technique qui me passionne avec l’esprit de découverte et les sensations qui l’accompagnent. J’ai donc décidé que les Vasques du Quercy allaient devenir une école de plongée souterraine…

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Plus précisément ?



Alban Michon : Et bien, il me semble que la plongée souterraine est une activité qui doit être mise à la portée de toutes et de tous. En fait, je me considère un peu comme un guide de haute montagne. J’accompagne les gens pour leur permettre d’accéder à un monde qu’ils ne pourraient pas visiter tous seuls. Les baptêmes de plongée sous-glace sont ouverts à tout le monde, y compris les non-plongeurs car c’est finalement plutôt facile. Pour la plongée souterraine en revanche, il faut être N2 au minimum mais il n’est pas nécessaire d’être balèze pour faire une initiation…

On est encore loin des pôles et des expéditions…



Alban Michon : En 2010, j’ai participé à l’expédition Under the pôle comme plongeur. Mon expérience à Tignes y était sûrement pour quelque chose… Nous nous sommes préparés pendant trois années. Il s’agissait de partir en traîneau jusqu’au Pôle Nord avec le matériel pour y effectuer une plongée. Mais après 45 jours de progression, il y a eu la débâcle de la glace et nous avons dû être évacués. Mais j’ai eu le temps de faire plus de cinquante plongées et de découvrir un autre monde. Un monde fascinant avec une eau à -1,6 °C et 150 m de visibilité. Les phoques, les anges de mer… Une température de -1 °C à -52 °C. C’est les 15 premiers jours que cela se décide… Ça passe ou ça casse. Moi, j’ai été séduit par le silence, le vent, le soleil qui ne descend jamais sous l’horizon… C’était un défi et, comme pour l’entreprise, j’ai réalisé que j’aimai les défis !

C’est un défi autant technique que mental…



Alban Michon : En effet. Nous nous étions entraînés en Finlande. Le froid et la plongée, c’est compliqué… Il faut dégivrer le matériel, faire attention au montage car tout à tendance à se dévisser quand on réchauffe… Et puis il faut apprendre la glace, comment se déplacer, se comporter…

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Dans un tel environnement, l’idée du recycleur est séduisante !



Alban Michon : Oui mais à condition de se déplacer dans un bateau bien chauffé ! Si le matériel est stocké dehors, ce qui était notre cas, il faut oublier le recycleur. Le faux poumon devient cassant comme du verre et le pilotage électronique est vite inopérant… Nous plongions avec des scaphandres ouverts, montés en side-mount avec des détendeurs Apex… Cela dit, pour plonger en été au Groenland comme nous l’avons fait en 2012, quand il fait entre 0 et 10 °C, le recycleur était parfait.

 

Après une telle aventure, le quotidien au retour doit sembler bien terne…



Alban Michon : Pas vraiment, je suis retourné à Tignes, j’ai travaillé en Corse, à Port-Cros. Tout allait trop bien. Je rêvais de plonger sous les icebergs. Alors, dès 2011, j’ai travaillé sur le Piège blanc. Au départ, l’idée était de partir en 2013, seul en autonomie, sur un bateau sans retour possible. Personne n’y croyait… Et puis Thalassa m’a dit d’accord pour un 110 minutes mais pour un départ en 2012. J’ai d’abord refusé en prétextant que je n’étais pas prêt mais j’ai réfléchi. Je me suis dit qu’une telle proposition, la possibilité de vivre un tel rêve, il ne fallait pas la laisser passer. Il n’y aurait pas de deuxième chance. Alors j’ai dit oui mais pas seul… Je suis donc parti avec Vincent Berthet avec qui j’étais déjà pour Under the pôle.

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Cela a donné le film que l’on sait, magnifique mais qui laisse pourtant un goût un peu bizarre car derrière l’histoire de deux aventuriers solitaires, on devine tout de même la présence d’une équipe de télévision…



Alban Michon : C’est un point dont j’ai parfaitement conscience. Georges Pernoud nous à dit OK pour un 110 minutes mais à la condition que les images ne soient pas des images de merde… On peut le comprendre ! Nous avons donc été suivis au départ et à l’arrivée par une équipe, un drone et René Heuzey à la caméra. Entre les deux, pendant plus de 30 jours pourtant, nous avons été seuls. Totalement seuls. Le problème est que le film est un puzzle et que le montage donne l’impression que nous avons toujours été accompagnés, ce qui n’est pas vrai. Cela dit ce constat permet de se poser plein de questions sur la manière de filmer une aventure et c’était une concession qu’il nous fallait accepter pour montrer quelque chose de très beau. L’équipe l’a parfaitement bien réussi.

Contrairement à la tendance actuelle, ton message n’est pas celui d’un écologiste. C’est une démarche volontaire ?


Alban Michon : J’ai parfaitement conscience de la nécessité de préserver comme celle d’un changement de comportement mais je laisse à d’autres le soin de le dire. Je ne suis pas un intellectuel, je n’ai pas fait d’études, je vis mes rêves et me contente de dire « regardez comme c’est beau ». Peut-être que cela vaut le coup de faire un effort… À chacun, j’ai envie de dire aussi que pour devenir aventurier, il suffit d’aller chercher son trésor intérieur. C’est sans doute un peu grandiloquent de le dire pourtant, c’est vrai, moi, la plongée m’a sauvé !

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 258 Abonnez-vous

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