Coquillages & coquilles âgées…

le 27/08/2015 publié dans le N°262 de Subaqua
DORIS 262-UNE
Vincent Maran
par Vincent Maran

Notre muse Doris, qui veille au destin du site DORIS, l’a remarqué tout autant que moi : chez bon nombre de « vieux plongeurs », on peut trouver dans un coin du salon une vitrine où sont exposés divers trophées ou objets en relation avec le monde marin et la pratique de la plongée. Parmi ces objets, souvent, on remarque la présence de « coquillages ». Qu’en pense l’amoureux de la mer ?

Des objets fascinants

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Cette phrase d’Albert Camus, prix Nobel de littérature, et amoureux du soleil et de la mer, peut être reprise par bon nombre de scientifiques. L’usage qui est fait du mot « coquillage » est symptomatique du regard qui est posé sur cet objet. En effet, biologiquement, ce terme ne veut pas dire grand-chose… Les scientifiques connaissent les mollusques, et parmi eux les gastéropodes et les bivalves ainsi que quelques autres groupes qui comprennent une grande majorité d’animaux capables de sécréter ce que l’on nomme correctement une coquille. Le mot coquillage appartient plutôt au vocabulaire du grand public, et on ne peut pas lui en faire le reproche, ainsi qu’à celui des collectionneurs. Inutile de le cacher, ou d’en différer davantage l’aveu, j’ai, voici bien longtemps, collectionné les coquillages(1). Gamin, bien avant que je découvre la plongée en scaphandre, je pratiquais en bord de mer l’apnée, sans d’ailleurs connaître le nom de cette activité ! Les choses de la mer me fascinaient, et je passais bien plus de temps la tête dans l’eau que sur les plages. Une célèbre marque anglaise de commerce de produits pétroliers, Shell, offrait dans les années soixante-dix aux automobilistes qui remplissaient leurs réservoirs une boîte de plastique blanc contenant un « coquillage ». Il n’en fallait pas davantage pour me pousser à collectionner ces jolis objets, d’autant plus que les revendeurs Shell distribuaient également des boîtes bien pratiques pour les ranger et les exposer. Le nom « Shell » (coquille en anglais) semblait prédestiné, mais on comprend davantage cette dénomination quand on sait qu’avant d’être dans l’exploitation et le commerce de produits pétroliers, cette société anglaise faisait au XIXe siècle du négoce de coquillages !

DORIS 262 CENTRE

La fascination souvent ressentie pour ces délicates structures sécrétées par des organismes marins peut s’expliquer en bonne partie par l’immense variété de leurs formes et de leurs couleurs, ainsi que par le charme qui s’en dégage. Cette dernière notion est très subjective, donc peu scientifique, mais elle est très largement partagée. Je ne me priverai pas du plaisir d’une deuxième citation, de Paul Valéry celle-ci, un auteur qui a tant aimé la mer qu’il a intitulé un de ses poèmes, le plus célèbre : « Le Cimetière marin ». Paul Valéry a en effet très joliment écrit au sujet d’une coquille de gastéropode : « Ainsi, sous le regard humain, ce petit corps calcaire creux et spiral appelle autour de soi quantité de pensées dont aucune ne s’achève… ». Le charme de cette phrase vient non seulement de la justesse du propos, même s’il aborde le monde insaisissable de la pensée et des rêves éveillés, mais également de sa construction. À l’oreille, la phrase semble s’enrouler sur elle-même comme la spirale d’une coquille…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 262 Abonnez-vous

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