ÉRIC BLIN : « la mer est un paysage sonore… »

le 02/11/2016 publié dans le 269 de Subaqua
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Pierre Martin-Razi
par Pierre Martin-Razi

Plongeur, biologiste, spécialiste des pollutions aquatiques, Éric Blin travaille à la Direction de l’ingénierie environnementale de Suez Eau France, une des quatre entités du groupe Suez. Son but ? Comprendre et trouver des solutions pour diminuer l’impact de l’homme sur l’ensemble du grand cycle de l’eau, des rivières jusqu’à la mer. C’est dans ce cadre de recherches que depuis 2010 il s’intéresse plus particulièrement à l’activité sonore de la mer, provenant de la biodiversité marine ou des pollutions liées à l’activité humaine. Un sujet d’études paradoxalement passé sous silence… Propos recueillis par Pierre Martin-Razi.

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Subaqua Tous les plongeurs savent que le monde du silence du commandant Cousteau est une pure vue de l’esprit. Pourtant, bien peu mesurent à quel point les espèces marines peuvent posséder un langage sonore…

Éric Blin C’est une réalité dont on prend la mesure depuis très peu de temps ! Bien sûr, nous le savions pour les cétacés mais qui pouvait imaginer que les poissons, les crustacés, certains mollusques ou échinodermes sont capables d’émettre des sons et que beaucoup d’espèces possèdent des organes pour les percevoir ? Les études menées par Éric Parmentier du laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’université de Liège sont révélatrices. Ces langages sonores que les études montrent d’une grande variété et bien différenciés servent aux espèces pour se localiser, s’attirer ou se repousser, se regrouper en banc… Cette communication leur est utile pour se protéger, se nourrir et se reproduire. Mais nos connaissances en la matière restent encore embryonnaires dans un champ de recherche immense et passionnant.

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Subaqua Comment expliquer le caractère tardif de cette prise de conscience ?

Éric Blin Au fil de l’évolution, notre oreille s’est développée pour travailler en milieu aérien avec une gamme audible de 20 000 à 20 000 Hz alors qu’elle s’étage de 5 000 à 200 000 Hz pour les mammifères marins. Un des travers de l’être humain consiste à penser que ce qu’il ne perçoit pas n’existe pas. Il nous a laissés croire à ce fameux monde du silence… Heureusement, nous disposons aujourd’hui d’hydrophones capables de mesurer l’incroyable richesse des paysages acoustiques marins, un travail auquel s’est notamment attelé depuis de nombreuses années des experts comme Cédric Gervaise et l’équipe de la chaire Chorus de la Fondation Grenoble INP que nous soutenons. Les premiers constats sont assez extraordinaires… Ils peuvent d’ores et déjà servir à évaluer la richesse d’un biotope grâce par exemple à la densité des cliquetis. Ils pourront être utilisés en aquaculture, très intéressée par le sujet, pour connaître l’état de satiété des poissons, les périodes optimales de reproduction…

Subaqua Un paysage acoustique ? Comment peut-on le définir ?

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 269 Abonnez-vous

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