MALPELO, L’ÎLE AUX TRÉSORS

le 02/04/2015 publié dans le N°259 de Subaqua
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Patrick Masse
par Patrick Masse

Inscrit au patrimoine de l’humanité, le Sanctuaire de Faune et Flore de Malpelo n’est pas seulement un haut lieu de rencontre avec les squales les plus emblématiques du Pacifique. Certes, de grands bancs de marteaux s’interposent souvent entre les plongeurs et la surface… Certes les requins Galápagos règnent partout en maîtres… Certes, à la saison des pluies, les soyeux arrivent par centaines… Mais au-delà des squales, Malpelo est aussi le théâtre d’une autre diversité : celle des nombres infinis, celle des tailles démesurées, celle des formes, des couleurs et des espèces… Un reportage de Patrick Masse. Photos de l’auteur.

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Malpelo un sanctuaire de requins entourant un rocher désolé ? Oui, bien sûr, mais bien plus que cela… Venez, suivez-moi, je vais vous présenter cette île aux multiples trésors…

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En route pour l’aventure

Jeudi 27 juin 2014, nous quittons l’hôtel à Panama en début de matinée. Pendant quatre heures, le confortable bus de 45 places affrété par Coïba Dive Expeditions roule vers l’ouest. À travers la forêt primaire, nous longeons la côte Pacifique du Panama. Bientôt, les villages se font de plus en plus rares et quand nous arrivons à Puerto Mutis dans l’après-midi, nous avons l’impression d’être arrivés au bout du monde.

Le Yemaya est amarré dans un estuaire boueux à contre d’un vieux tas de rouille réformé. Pas vraiment une marina touristique, mais c’est tant mieux : l’endroit authentique dégage déjà un parfum d’aventure.

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Des éclairs illuminent la cime de la forêt équatoriale et nous rappellent que nous sommes entrés dans la saison des pluies. De chaudes averses vont nous affecter quotidiennement. Il fait 29 °C et avec un taux d’humidité de près de 100 %, nous avons l’impression de nous trouver dans un sauna géant.

Après des formalités douanières vite expédiées, nous montons à bord du confortable Yemaya

Une traversée sans histoire

Après une courte escale d’une journée près de l’île de Coïba, le MV Yemaya lève l’ancre vers 3 heures du matin et nous voilà partis pour un périple de près de vingt-six heures de navigation. Le but est d’atteindre Malpelo au lever du jour et ainsi, de profiter de toute la journée pour plonger. Pendant la traversée, les quelques photographes du bord comparent leurs armes et graissent leurs joints. Pour ma part, je prépare mes caméras et vérifie méticuleusement mon drone. Si j’arrive à le faire voler et à le récupérer sans incident, je posséderai les toutes premières images aériennes de l’île…

CROISIÈRE 259 GALERIE 2À bord, la journée est rythmée par les repas pris en commun sur le pont supérieur, à l’abri du soleil ou de la pluie, c’est selon. Petit-déjeuner froid, puis petit-déjeuner chaud, déjeuner, en-cas, dîner. Sur le Yemaya, on mange de façon permanente et en plus des viandes ou poissons quotidiens, les repas comprennent toujours des légumes frais et des salades du jour. Entre les repas, certains se réfugient dans le salon intérieur et se passent des films de plongées sur un très grand écran HD.

Dehors, le soleil est de la partie, la mer est d’huile et les miles s’égrènent lentement, au rythme de l’océan Pacifique.

Des plongées sur-mesure…

En raison du décalage horaire, je suis sur le pont depuis 4 heures du matin et armé d’un café, j’ai rejoint Josh, notre capitaine, à la passerelle. Depuis un moment le phare de Malpelo est en vue. Nous arrivons devant le rocher un peu avant l’aube. Le bateau tourne en rond attendant le jour pour se mettre au mouillage. Une grande houle du sud-sud-ouest bât la côte mais le bateau est stable et ne bronche pas. Plus tard, nous nous amarrerons au mouillage permanent situé au Nord-Est de l’île et le Yemaya y restera pendant tout le séjour.

Avant même que le jour ne soit complètement levé, Louis me fait signe. C’est l’heure de s’équiper. Pour ne pas interférer avec les opérations des passagers du charter, je plongerai en décalé. Pour permettre plus de flexibilité, Otmar Hanser, le patron de Coïba Dive Expeditions a prévu un troisième guide de plongée et le met à mon entière disposition ! Cela veut dire, que 3 fois par jour, je disposerai d’un guide, d’un skiff et d’un pilote et que Malpelo m’appartiendra. Louis, Sten et Erika, vont se relayer pour m’offrir l’un des plus beaux programmes sur mesures auquel j’ai eu l’occasion de participer.

L’île de Malpelo

CARTEÀ partir de 1494, Malpelo appartient tour à tour à l’Espagne puis au Pérou. C’est en 1810 que la Colombie en revendique la souveraineté qui s’exercera de façon permanente jusqu’à une distance de 12 milles nautiques et sur une zone économique adjacente jusqu’à une distance de 200 milles nautiques du rocher. C’est grâce à Malpelo que la Colombie a une frontière commune avec le Costa Rica.

L’île est située à près de 500 kilomètres à l’ouest de Buenaventura sur la côte pacifique de la Colombie. C’est le sommet d’une crête volcanique sous-marine, émergeant verticalement depuis une profondeur de 4 000 mètres. Cette crête appelée « Malpelo Ridge » s’étend du nord au sud sur 150 milles en longueur et 50 milles en largeur. Sa hauteur maximale est de 300 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Malpelo subit deux périodes météorologiques distinctes : la saison sèche de janvier à avril et la saison des pluies de mai à décembre. Les températures moyennes de l’air et de l’eau en surface sont de 27 °C avec une thermocline variant d’une profondeur de 20 à 40 mètres en fonction de la saison.

L’île ne possède pas de source d’eau potable mais les pics rocheux agissent comme de véritables condensateurs et l’eau douce ruisselle en permanence le long de ses flancs. Elle permet dans certains endroits de l’île, l’émergence d’une flore rudimentaire composée d’algues, de mousses, de lichens, de graminées et de fougères.

Malgré son isolement et la distance importante de toute autre terre, la vie animale s’y est développée avec un certain nombre d’espèces endémiques de crabes et de reptiles et de nombreuses espèces d’oiseaux marins. Parmi ceux-ci, c’est le fameux Fou de Grant (Sula granti) qu’on retrouve en plus grand nombre avec une colonie permanente dépassant les cent mille individus. Le couple n’étant capable de nourrir qu’un petit à la fois, pond pourtant deux œufs à quelques jours d’intervalle.

Si le premier juvénile survit, il se débarrassera rapidement de son cadet. Dans le cas contraire, celui-ci aura des chances de voir le jour et d’arriver à l’âge adulte… Dure loi de la nature mais sacrifice nécessaire à la perpétuation de l’espèce !

En juillet 2006, l’île est devenue l’un des sites naturels inscrit au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO.

Au théâtre de l’océan

Pendant que les 16 passagers se réveillent et grimpent un à un sur le pont pour découvrir Malpelo, je m’affaire en bas, sur le pont de plongées. Hors les combinaisons et les caméras, tous les blocs et les équipements sont déjà sur les annexes et y resteront jusqu’à notre départ de Malpelo. Ainsi, l’espace est complètement dégagé. Cela facilitera notablement les séances d’habillage et les retours de plongées.

Les vérifications de mon caisson Hugyfot ne prennent qu’une minute. Une diode clignotante verte et je sais que je suis prêt à plonger, sans risque de fuite d’eau.

Pour cette première, je m’en remets entièrement à Louis qui est déjà venu très souvent à Malpelo. Il recommande la Nevera, une station de nettoyage à marteaux. Quatre minutes plus tard, nous avons rejoint notre spot situé sur le côté ouest de l’île. Il fait encore très sombre mais rien ne nous arrêtera. Mise à l’eau négative au cas où le courant serait plus important que nous pensons. Louis a été briefé et reste derrière moi. Je ne veux pas de bulles dans mes plans séquences ou sur mes photos. L’eau en surface est à 28 °C. Nous traversons rapidement la thermocline à 25 mètres. La température a baissé de quelques degrés mais ma combinaison intégrale de 3 mm suffit parfaitement à me protéger. À 35 mètres nous nous calons contre la roche et attendons non sans jeter un œil à nos palmes. En effet, l’île abrite une importante colonie de murènes vertes  qui passent le plus clair de leur temps à nager en pleine eau. Il y en a partout et c’est un véritable exercice d’équilibriste que de ne pas les déranger en les bousculant.

BARRACUDAS MALPELOLa station de nettoyage devant nous est bien occupée. Des papillons à nez noir (Johnrandallia nigrirostris) et des demoiselles royales (Holacanthus passer) s’affairent sur des carangues arc-en-ciel (Elagatis bipinnulata) et des mérous cuir (Dermatolepis dermatolepis). Des raies aigles en formation serrées nous survolent.

Je réfléchis qu’il y a longtemps que je n’ai vu de station de nettoyage aussi occupée quand nos premiers marteaux apparaissent. Un, puis deux puis cinq. Le reste du banc est là, j’en suis sûr mais il fait tellement sombre que nous ne les apercevons pas. Un Galápagos puis deux défilent tranquillement, noblement, une nuée de carangues travaillant sur leur queue. C’est le seigneur des lieux. Puis c’est un requin soyeux, plus nerveux, plus alerte que ses cousins.

J’ai l’impression d’être au balcon, à une représentation de l’océan, et que celui-ci me présente tour à tour ses plus beaux joyaux. Pour une première, c’est une magnifique première.

 

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Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 259 Abonnez-vous

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