On repasse les plats !

le 03/11/2020 publié dans le N°293 de Subaqua
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Vincent Maran
par Vincent Maran

Dans une première chronique sur les poissons plats de nos côtes (Subaqua Juillet-Août 2020) vous avez déjà pu découvrir certaines étonnantes particularités de ces poissons plus intéressants qu’on pouvait le croire initialement. Découvrez ici d’autres anecdotes et particularités…
Vincent Maran et Bruno Chanet

O sole mio preistorico

À quand remonte votre dernier barbecue de sole ? Quelques semaines ? Quelques mois ? Et à quand remonte le premier ? Quelques années ? Et maintenant, non pas le vôtre, mais à quand remonte le tout premier des premiers barbecues de sole ? On ne le saura sans doute jamais exactement… Il y a longtemps, très longtemps même, et en a-t-on seulement la trace ? Oui et non. Le premier des premiers ? Peu probable, mais la trace probable d’une des premières soles en barbecue… Regardez l’image ci-dessous.

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Il s’agit d’une pièce de collier, une pendeloque en os longue d’environ 4,5 cm, découverte par R. de Saint-Périer, en 1912 dans la grotte de Lespugue les Bœufs (Haute-Garonne) et mentionnée par l’abbé H. Breuil & R. de Saint-Périer, en 1927, dans leur mémoire concernant « Les Poissons, les Batraciens et les Reptiles dans l’art quaternaire ». La pièce est datée du Magdalénien moyen, c’est-à-dire qu’elle a environ 15 000 ans. Cette pièce est étonnante à plus d’un titre. Regardez bien. On reconnaît aisément un poisson plat, une sole même. De plus, la présence des deux yeux sur une même face, caractéristique des poissons plats, se retrouve clairement sur cette pièce. Ensuite, de profondes entailles représentent clairement les rayons de la nageoire caudale ainsi que la colonne vertébrale, centrale, avec ses épines dorsales et anales orientées obliquement vers l’arrière. On distingue également la bouche, incurvée, et enfin, regardez bien en haut à gauche de la pièce, les fibres musculaires. Oui, oui ! Les lignes horizontales, finement gravées, représentent les fibres des filets que l’on mange, avec ou sans citron ou beurre noisette !

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Mais, que doit-on faire subir à une sole pour observer comme on peut le faire ici tous ces détails ? Simplement, la peler. Dans quel but ? La faire cuire et la manger de toute évidence ! Ne parlait-on pas de trace de paléo-barbecue ? Toutefois, cette sole est bizarre… elle a les deux yeux du côté gauche… alors que la sole est connue comme une espèce dextre, c’est-à-dire avec les deux yeux à droite (voir ci-dessus la photo de sole velue).

Des ichtyologistes du siècle dernier comptabilisaient 4 à 5 individus inversés sur quelques centaines de spécimens de soles chalutées. La probabilité de rencontrer un individu inversé est donc assez faible. Mais, même si on ne peut l’exclure, l’artiste du magdalénien a pu se tromper de côté en gravant cette pièce ! Songeons simplement au nombre important d’illustrations de poissons plats inversées à l’impression même en ouvrages scientifiques, même aujourd’hui ! Mais, gardons le plus étonnant pour la fin… Les soles, à l’exception de quelques espèces tropicales, sont des espèces marines et la grotte de Lespugue, où a été trouvée la représentation d’un de ces poisssons sur une pendeloque, se trouve en Haute-Garonne, en plein milieu de la chaîne des Pyrénées, à quelque 200 km des côtes marines actuelles. Et alors ! Des poissons plats sont capables de remonter les cours d’eau et de vivre dans les eaux douces (voir plus loin dans cet article). Il existait donc des soles d’eau douce à cette époque ? Doucement, n’allons pas trop vite… une dent de cachalot, des représentations de phoques, des coquillages marins ont également été découverts dans des grottes des Pyrénées. Des cachalots et des phoques remontant l’Adour ou la Têt… Non, cela n’a jamais été possible ! L’explication de populations humaines migratrices ou échangeant des objets avec d’autres populations est plus simple…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 293 Abonnez-vous

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