Timor face au soleil levant

le 27/06/2018 publié dans le N°279 de Subaqua
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Pierre Constant
par Pierre Constant

Depuis l’arrivée à Dili, je me réveille chaque matin à 5 h 30, au son de « Allaaah u Akbar ! » On pense que le Timor Leste, avec son passé colonial portugais, est à prédominance chrétienne… mais il s’avère qu’il y a une mosquée juste derrière la DTL Guesthouse. Force est de rappeler que le Timor oriental fut sous le joug indonésien pendant presque 25 ans, de 1975 à 1999. L’influence musulmane tombe sous le sens…
Le vol de Bali à Dili sur Air Timor, ne prend qu’une heure trente, avec une heure de décalage horaire. Un regard au travers le hublot de l’avion montre que l’île est montagneuse, couverte de nuages. C’est le grand beau à l’arrivée à l’aéroport de Nicolau Lobato. Peu après, je dépose mes sacs au Dive Timor Lorosae Guesthouse, fais la connaissance de Virginie, la manager française et de son compagnon Francisco, un instructeur chilien jovial. Sans oublier Gatito le petit chat hyperdynamique qui fait des sauts partout. Nouveaux venus dans la région, ils sont arrivés au Timor Leste voilà trois mois. « Fais comme chez toi ! » Nous allons passer dix jours ensemble. Je file m’installer et préparer mes équipements. La plongée commence demain !
Un reportage de Pierre Constant. www.calaolifestyle.com

Au-delà de la chaîne d’îles des Lesser Sunda, Bali, Lombok, Sumbawa, Flores et Alor, au fin fond de l’archipel indonésien, Timor Leste couvre une superficie de 14 610 km, pour une population d’un peu plus d’un million d’habitants. 365 km de long sur 100 km de large, l’île est située au sud de l’équateur entre 8°17” et 10°22” de latitude sud, et entre 123°25” et 127°19 de longitude est. Elle est séparée de la Nouvelle-Guinée (West Papua) et des Moluques, par la mer de Banda au nord-est, et de l’Australie, par l’océan Indien au sud. Darwin, dans le Territoire du Nord, n’est qu’à 720 km, soit 1 h 10 de vol de Dili. Les îles de l’arc externe de Banda sont toutes volcaniques : Buru, Ceram, Leti, Tanimbar, Kai, Roti. Timor fait exception et est composée principalement de sédiments calcaires. Géologiquement et tectoniquement parlant, l’île fait partie de la plaque australienne, en subduction sous la plaque asiatique, qui a amorcé sa migration vers le nord voilà 18 millions d’années (MA) au Miocène.

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Timor est en réalité, un morceau détaché de l’Australie, qui est parti en dérive vers les îles de la Sonde. Les arcs de Banda, qui reposent entre le Sahul Shelf de l’Australie et le Sunda Shelf de l’Asie du Sud-Est, sont en instabilité depuis le Crétacé. La subduction du premier sous le second a créé l’arc volcanique des Sunda, lorsque la friction des plaques a donné lieu à des fractures dans la plaque asiatique. Les remontées de magma ont donné naissance à une lignée d’îles volcaniques. Au XIXe siècle, le naturaliste anglais Alfred Russell Wallace, co-inventeur de la théorie de l’Évolution avec Darwin, a mis en évidence une frontière naturelle entre le bloc Australie Nouvelle-Guinée et le bloc asiatique, et ce, pour les animaux et les plantes. Cette frontière, entre Bali-Lombok et Borneo-Célèbes, fut appelée la Wallace Line. À cet égard, le Timor fait partie de la sphère Australie Nouvelle-Guinée. Sa population est a fortiori plus proche de la Mélanésie que du monde asiatique.

Le Timor oriental possède un climat tropical humide, avec des étés chauds, une saison sèche et une saison humide, avec des pluies de mousson. La saison des pluies s’étend de novembre/décembre à avril, avec des températures moyennes de 28,9 °C. La mousson du nord-ouest amène des pluies torrentielles de la South China Sea. Déclenchée par les alizés du sud-est en provenance de l’Australie, la saison sèche s’étire de mai à novembre, avec des températures autour des 18,8 °C.

Après avoir créé le centre en 2003, le propriétaire allemand de Dive Timor Lorosae s’est associé avec Mark Mialszygrosz, un Polonais de Bali. Deux autres centres de plongée opèrent à Dili : Compass Charters, pour des sorties plongée bateau à l’île d’Atauro et Aquatica Ventures, un centre basé à terre. La plongée à Timor se fait sur la côte nord de l’île. Une vingtaine de sites, répartis entre l’ouest et l’est de Dili, tous accessibles en minibus. Une mise à l’eau par la plage est la norme. La meilleure période de l’année est la saison sèche, car la visibilité est affectée par les pluies, de même que par la décharge de sédiments provenant des nombreuses rivières qui se déversent dans la mer.

Le temps des plongées

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8 h 30, Francisco, l’instructeur chilien, emmène un couple de Canadiens, pour une petite virée à l’ouest. Le site choisi est celui de Tasi Tolu. Sous le regard curieux d’écoliers de passage, on s’équipe sur une plage de sable poivre et sel, aux abords d’un terrain de sport. La mise à l’eau sur un récif à faible profondeur, mène à une pente de sable noir, qui descend à 20 mètres. « C’est une muck dive… », explique Francisco. « Faites attention à ces poissons anémones particulièrement agressifs ! J’ai déjà été mordu aux lèvres… ». En survolant la pente, je croise nombre de plumes de mer, Cavernularia sp., Virgulaia sp. et Pteroeides sp. Les coraux mous brun orange, sur un gros pied, ressemblent à de drôles de brocolis. Les comatules sont partout, ainsi que les anémones avec le poisson anémone de Clark ou le poisson anémone de Banda, à bandes noires et blanches. Tels des papillons en liesse, ces derniers viennent au contact soudainement. En profondeur, quelques éponges en barril abritent des rascasses Pterois antennata et des mérous. Francisco pointe un hippocampe gris-noir agrippé à un morceau de corail. Une colonie d’anguilles de jardin de Taylor, Heteroconger taylori, blanches mouchetées de noir, se nourrit gracieusement dans le courant, au sommet de la pente.

Dili Rock East, la deuxième immersion, se fait en vue d’un promontoire rocheux qui s’avance vers la mer. Descente à 30 mètres. Une ride de corail supporte quelques gorgones, des éponges en barril et des éponges en tube. Quelques petits bancs de vivaneaux jaune et bleu, Lutjanus kasmira, des vivaneaux à gros yeux Lutjanus lutjanus, ainsi qu’une espèce de lutjans argentés avec des lignes obliques jaunes sur la partie supérieure du dos, jamais vue auparavant. Poissons scorpions, poissons anges bicolores et autres espèces de chirurgiens complètent le tableau. Francisco pointe un poisson feuille rose, puis un mordoré avec des taches blanches. Un couple de carangues à nageoires bleues, passe furtivement, ainsi que quelques carangues rayées de noir, Carangoïdes ferdau. Je note un certain nombre de poissons anémone putois, Amphiprion perideraion, ainsi que le très attractif poisson anémone rouge et noir, Amphiprion melanopus. La visibilité n’est pas « flash » en profondeur.

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Virginie est de sortie le jour suivant, avec quatre plongeurs australiens, pour une virée à l’est. La route côtière en lacets longe le bord de mer, franchit quelques crêtes avec de beaux points de vue sur les mangroves du littoral et sur le détroit de Wetar. Destination du jour : Bahau Village, à 1 h 30 de route. Cocoteraies, plantations de bananes et de maïs défilent tour à tour. Une plongée au départ de la plage, avec nage sur le dos pendant 50 mètres, avant d’atteindre un petit tombant. En profondeur, éponges et gorgones à gogo, avec des bancs de fusiliers à dos jaune, Caesio teres, de lutjans et des nuages d’anthias. Un sourire s’esquisse sur mon visage à la vue d’un tridacne géant.

Le pique-nique à l’ombre d’un grand arbre est suivi d’une immersion à Secret Garden, près de Black Rock. Malgré moult lignes de pêche et filets déchirés sous l’eau, je croise quelques buissons de corail noir, du corail en bulle avec les éternelles crevettes nettoyeuses, l’anthias à carré rose Pseudanthias pleurotaenia au milieu d’un essaim de femelles jaunes, l’anthias pourpre Pseudanthias tuka. Entre autres espèces, on citera le gaterin à bandes diagonales, Plectorhinchus lineatus, le gaterin oriental, P. vittatus, l’empereur à long nez, Lethrinus olivaceus, et le poisson ange regal.

Le must de Timor Leste

Les Australiens m’invitent à se joindre à eux le lendemain, pour deux plongées à Atauro Island. Le must de Timor Leste. Conscient que la plongée là-bas est une aubaine, je saute sur l’occasion.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 279 Abonnez-vous

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