Une Méditerranée au parfum oriental

le 02/05/2013 publié dans le N°248 de Subaqua
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Jacques Dumas
par Jacques Dumas

Laissons-nous bercer par le charme oriental des loukoums, du café turc et d’une mer à la clarté d’eau cristalline. Pour mériter ce dépaysement il nous faudra compter 4 heures de vol entre Paris et Antalya, puis 3 heures de car le long d’une côte montagneuse sinueuse, pour arriver à destination. Sur les côtes de Lycie, Kas (prononcer ”Kach”), située à 30 km de Kalkan, se trouve être un très original petit village de 5 000 habitants avec ses boutiques, cafés, et restaurants regroupés autour d’une place sous la mosquée. Un charmant petit port de pêche artisanale où vous verrez autant de barques de pêcheurs que de yachts de plaisanciers. La pêche, essentiellement destinée à la consommation locale, est ici totalement intégrée à la vie du village. Les petites rues commerçantes voient l’été se déverser le flot des vacanciers nantis de Bodrum, Antalya ou Istanbul. Mais, si vous avez le bon goût de choisir le mois de mai, vous pourrez goûter aux flâneries tranquilles dans les ruelles aux balcons aux allures canariennes, et pratiquer la plongée sereinement sans les hordes d’Européens de tout poil, telles les bruyantes Walkyries. En deux décennies, Kas est devenue ”La” destination plongée de la Turquie avec une dizaine de centres. Un reportage de Jacques Dumas. Photos de l’auteur.

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L’un des attraits principaux de Kas est certainement celui des épaves antiques, amphores, ancres… Bonne occasion de faire un peu d’histoire et de se rappeler quels furent les transports maritimes longeant les côtes lyciennes. Certes l’épave d’Uluburun appartenant à l’âge de Bronze en l’an 14 Av. J.-C. située à 8,5 kilomètres au sud-est de Kas (épave visible au Musée de l’archéologie sous-marine de Bodrum) se veut un emblème de l’archéologie turque.

Mais on y trouve aussi des vestiges plus récents : un avion américain B24 de la Seconde Guerre mondiale, abîmé en août 1944 par 64 m de fond, un avion italien de la même époque dont le moteur gît par 57 mètres alors que les autres pièces et la queue sont à 7 mètres, le bateau à vapeur Duchess of York coulé en 1916, le cargo Sakarya coulé en 1957…

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Vous l’avez compris l’attrait premier de Kas est la plongée sur des épaves et des sites pavés d’amphores et de vestiges archéologiques, autant que sur des épaves métalliques du XXe siècle. Mais par ailleurs, ce qui m’amenait à guider les plongeurs du club des Marsouins du Perreux vers une destination orientale jusqu’alors méconnue du commun des plongeurs, c’est avant tout la qualité des eaux et la faune tout à fait différente des côtes occidentales.

Certes le premier aspect volcanique et ”lunaire” pourrait éveiller des doutes à nos habitués d’une faune fixée abondante. Mais la surprise ne tarde pas avec les premiers poissons lapins, poissons écureuils, poissons perroquets et poissons flûtes ; nous avons affaire ici à une tout autre faune. La pauvreté en nutriments entraîne la réduction de la faune fixée (gorgones absentes, anémones plus rares, corail rouge absent, coraux solitaires très localisés, bryozoaires peu fréquents, moins de variétés d’éponges même si les éponges officinales sont nombreuses…).

Les conditions de plongée offrant des visibilités dépassant 30 mètres sont courantes. Ne pensez pas pour autant ”absence de vie”, les mérous sont nombreux (plus de 6 espèces), et les girelles paons, rasons, badèches et perroquets se croisent à chaque plongée. Ainsi, les fréquentes rencontres avec la tortue caouanne ravissent les plus blasés qui ne jurent que par les eaux tropicales…

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Une ambiance décontractée

L’idéal de la plongée est de visiter les sites avec Dragoman, dans une ambiance tout à la fois professionnelle et décontractée, sur un bateau confortable n’ayant rien à envier à ceux des côtes de la mer Rouge, avec son roof ”ombre et soleil” pour le farniente et les briefings. Notre hôte, Murat Draman, est un scientifique de formation féru d’archéologie et de biologie.

Murat, passionné de la mer, aux compétences multiples, nous fit découvrir la variété des sites, mais aussi la qualité de la cuisine turque en nous guidant donc non seulement en mer mais aussi le midi à travers les petits restaurants typiques… Soupe au yaourt, le Cacik (concombre au yaourt, ail, menthe et aneth), les dés de foie d’agneau frits au piment rouge et aux oignons, le houmous bien sûr (purée de pois chiches), les kebabs (brochettes au mouton ou au poulet mariné), mézès, poissons grillés, cigales de mer et crevettes, les boreks, le kisir (sorte de taboulé), la purée d’aubergines grillées avec yaourt et ail, les dolmas (feuilles de vignes farcies au riz ou au bulgour)… Que de saveurs !

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Quelle qualité de briefing chez Murat ! Si tous les centres qui se vantent de leur professionnalisme pouvaient en prendre de la graine, je conseillerais bien à certains de venir prendre des notes chez Murat, pour améliorer les pitoyables descriptifs auxquels nous assistons trop régulièrement… Je vous recommande vraiment sans hésiter Dragoman de notre ami Murat. La connaissance parfaite de ses sites de plongée, nombreux et variés, avec des schémas précis réalisés par lui-même et plastifiés en A3, que chacun peut consulter largement après le briefing d’une bonne quinzaine de minutes nous a sincèrement impressionnés. Net, précis, parfait…

La variété des plongées de Kas

Il y en a pour tous les goûts, inconditionnels des épaves, ceux qui rêvent d’amphores, ceux qui s’émerveillent des atmosphères étranges des grottes, ceux qui aiment les parois vertigineuses des canyons et leurs jeux de lumières… tout ceci autour d’un petit archipel d’îlots.

Si vous aimez les canyons et les épaves, vous ne résisterez pas au Kanyon Dimitri du nom de l’épave d’un cotonnier. À quelques coups de palmes de votre mise à l’eau, vous vous retrouvez face à deux murs tombants à pic jusqu’à 19 mètres. Vous vous laissez alors couler doucement le long des parois couvertes de coraux boutons et crevettes dont on dit qu’elles servent de nourriture à un phoque moine, discret habitant des lieux. À peine sorti du canyon, l’épave du Dimitri vous attend sur la droite. Belle image d’épave acier dans ces eaux limpides, il trône depuis 1968, date de son naufrage contre les îles (son immersion fut provoquée par le dynamitage de ses machines).

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Si vous préférez les secs et les amphores, demandez à Murat de vous amener sur l’oasis Banko. Tout près du canyon Dimitri, sans même changer de mouillage, il s’agit d’un sec dont la profondeur ne dépasse pas les 30 mètres. Autour du sec, du sable avec sa faune particulière comme les rasons qui s’enfouissent lorsque vous tentez l’approche, et un champ de grandes nacres au milieu d’un herbier sur à peine 14 mètres. Les mérous sont bien présents et semblent préférer la zone du sec avec ses belles amphores. Pour les plus chanceux, quelques barracudas et, parfois, une tortue caouanne.

Pour les amateurs de limaces, entre nos petites classiques antiopelles, flabellines, doris divers dont le dalmatien, godives, facellines sur de nombreux sites, et les grandes espèces comme les diverses espèces de lièvres de mer, le pleurobranche tortue, l’umbraculum et les tethys sur les bordures d’herbier de Pina Banco, il y a de quoi faire…

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 248 Abonnez-vous

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