LES PORCELAINES ABERRANTES DU CAILLOU

le 30/04/2015 publié dans le N°260 de Subaqua
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Pierre Larue
par Pierre Pierre Larue

Sous les eaux du lagon sud de Nouvelle-Calédonie, un phénomène singulier affecte certaines espèces de porcelaines en les déformant ou en altérant la pigmentation de leur coquille. Suivons Jack Berthomier, passionné depuis toujours par ces coquillages aberrants. Par Pierre Larue. Photos Jack Berthomier et Pierre Larue.

RECHERCHE BELLES EN ROBE DU SOIR !

BIOLOGIE 260-3 DOSSIER 1Natif du Caillou Jack Berthomier, s’intéresse à la plongée en apnée depuis un demi-siècle. Après 30 années de pratique de la pêche sous-marine en compétition, il est également devenu un conchyliologue averti, il recherche uniquement de nuit les spécimens aberrants d’une famille particulière de coquillages gastéropodes : les Cypraea, plus familièrement dénommées porcelaines. Il connaît bien les différents biotopes du lagon où évoluent ces joyaux de la nature et bien évidemment il étudie constamment leurs habitudes. Depuis longtemps, il constate que les effets dévastateurs naturels provoqués sur ces espèces par les cyclones sont considérablement amplifiés par ceux, anthropiques, de la pollution minière, de la destruction des récifs de coraux à coup de barre à mines et par le soulèvement anarchique des blocs madréporiques à marée basse. Animaux exclusivement nocturnes, les porcelaines quittent leur abri pour se nourrir d’algues ou se reproduire une fois la nuit bien avancée. Pendant la journée, ces proies particulièrement vulnérables pourraient faire le délice de nombreux prédateurs comme les poissons, les crustacés et certains mollusques. Bref, le modèle de survie des porcelaines du lagon néo-calédonien est le suivant : pour vivre (heureux et longtemps), vivons cachés ! Depuis deux ans Jack s’est investi dans la macrophoto sous-marine animalière. Sa connaissance du lagon lui donne un atout indéniable pour repérer et approcher ce gastéropode particulièrement discret. En peu de temps, il a constitué sur ce sujet une banque d’images exceptionnelles tant en qualité qu’en quantité.

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DÉCOUVERTES NOCTURNES

Jack m’invite à le suivre sur les traces de ces « belles-de-nuit ». Il choisit un site isolé dans le sud-ouest de la Grande Terre : la baie de N’Go. Très organisé, il utilise toute une panoplie de bidons en plastique de volumes variables pour protéger son matériel et éviter des fuites d’eau salée dans sa voiture. Un pour l’équipement de plongée, un pour le matériel photo et un pour les projecteurs. Il choisit de s’immerger sur le bord d’un récif frangeant dont le tombant accore chute entre 3 et 6 mètres. Jack photographie uniquement en apnée. Son aisance aquatique le rend très fluide et silencieux dans son déplacement. Il balaie méthodiquement la paroi corallienne du pinceau de son projecteur. Il immobilise son rayon de lumière sur un poisson-perroquet assoupi s’abandonnant au déparasitage par les « outils » agiles d’une crevette bariolée. Il photographie un murex, posé sur le fond, à l’extrémité de la trace baveuse laissée par son mucus pendant son déplacement. Nous admirons le jeu nourricier des comatules, épanouissant leurs bras agiles, pour capter le macroplancton pullulant pendant la nuit. Il accroche dans son faisceau une limace de mer en vadrouille, sa nouvelle passion. Maquillé comme un camion, la robe outrageusement colorée, ce nudibranche prévient les éventuels prédateurs du danger mortel qu’ils prendraient à le consommer. À chacune de ses apnées, Jack se rapproche des anfractuosités pour ausculter attentivement les moindres recoins. Bingo !

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 260 Abonnez-vous

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