Au Soudan avec Vincent,François, mon Fred… et les autres !

le 22/12/2017 publié dans le N°276 de Subaqua
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Vincent Maran
par Vincent Maran

 Si Henri de Monfreid a fait connaître au public français quelques-uns des secrets de la mer Rouge, « mon Fred », c’est-à-dire Frédéric Jouhanin, moniteur à bord du Nemo, révèle aux plongeurs qui l’accompagnent d’autres secrets, tout aussi passionnants. Et, quand à bord du même Nemo, François Sarano partage son vécu incroyablement riche de plongeur biologiste, la croisière au Soudan paraît évidemment bien trop courte à tous ceux qui ont la chance d’y participer… Un reportage de Vincent Maran. Photos de l’auteur et de Pierre Martin-Razi.

Des palmes et des ailerons

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L’ambiance à bord du Nemo est excellente. On peut être plongeur bio et aimer rire sans retenue ! Chacun a pris place à bord, le niveau de confort est plus que satisfaisant et la qualité des repas irréprochable. Fred a fait ses topos : accueil, sécurité, organisation des plongées… Au moment de remplir les classiques formulaires, à sa manière de prononcer le mot « feuilles », en insistant bien plus sur le « e » que sur le « i », je reconnais d’emblée que c’est un gone. En effet, Fred est de Lyon « Perrache », il a encadré à Carry-le-Rouet puis a rapidement rejoint la mer Rouge. Il a pratiqué l’Égypte, puis Djibouti et désormais il est responsable de Dune Soudan. Sur ses épaules repose la responsabilité de gérer une structure au niveau de la plongée et de la logistique, dans un pays où tout n’est pas toujours simple… Fred est passionné par les requins. Il les fréquente depuis longtemps, les reconnaît comme de vieux amis et gère les plongées au mieux pour que ses hôtes puissent les approcher.

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Cette semaine de février c’est double bonus : François Sarano et son épouse Véronique sont parmi nous. C’est un peu (et même parfois beaucoup lors de certains récits !) de l’Équipe Cousteau qui s’invite à bord. Beaucoup aussi de l’équipe de tournage du film « Océans », pour lequel François a été coscénariste et conseiller scientifique. François Sarano, évidemment, cumule les qualités propres à passionner les participants à la croisière : biologiste marin éprouvé, plongeur hyper chevronné et conteur réellement captivant ! Son credo : les animaux sauvages ne sont pas des animaux soit féroces, soit fuyants, mais des animaux libres. Pouvoir les observer dans leur milieu est une chance et il faut savoir l’apprécier à sa juste valeur. Et ceci, tant au niveau des connaissances que de celui, primordial également, de l’émotion. Les objectifs de la semaine sont clairs : effectuer les plus belles plongées de la croisière « Nord » et rencontrer le maximum de requins.

Dans le bleu profond

Sha’ab Rumi, Angarosh, Albington… dans chacun de ces sites nous nous immergerons dos au récif pour chercher en priorité les requins-marteaux. Tantôt l’eau est claire, tantôt moins… Parfois les requins se font désirer, parfois ils viennent vers nous rapidement.

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Dans le bleu, entre 30 et 40 mètres, notre regard s’affûte, mais c’est le plus souvent Fred qui repère les silhouettes des requins qui commencent à nous approcher. Il sait qu’en général la présence des nasons (grands poissons chirurgiens à doubles scalpels) peut être un bon indice de celle des requins-marteaux. Un premier vient vers nous, en éclaireur. Sans se retourner, Fred écarte les bras : c’est un signal. Il faut rester groupés, ne pas descendre, ni surtout se mettre à palmer en direction des sélaciens. Les requins-marteaux sont de grands timides, c’est à eux de décider de la nature de la rencontre. Nous sommes un petit groupe, nous les impressionnons déjà. Si en plus nous fonçons vers eux, c’en est trop et ils nous fausseront compagnie bien trop rapidement. Les GoPro sont en marche, les doigts appuient sur les déclencheurs des appareils photo. Fred nous a déconseillé d’utiliser nos flashs. C’est frustrant, mais les requins semblent ne pas apprécier du tout nos éclairs artificiels. Il nous faudrait un regard à 360 degrés, et le masque adapté, pour voir ceux qui surgissent sur nos côtés ou parfois derrière nous. Et certains d’entre eux passent au-dessus de nos têtes ou à proximité du récif dont nous nous sommes éloignés ! Leur nage est assez vive, ils seront toujours plus rapides que nous. Les rencontres nous semblent à chaque fois trop brèves, on ne peut pas rester trop longtemps à grande profondeur, surtout quand on prévoit de faire trois plongées par jour. Nous rejoignons le récif, ce qui ne signifie pas que les rencontres ne sont plus à espérer. Tantôt des requins gris viennent longer le tombant, tantôt un requin soyeux viendra nous inspecter. J’aurai ainsi eu le plaisir d’être suivi un petit moment par un beau soyeux, ce qui sera joliment fixé sur une photo par Raphaël, mon binôme de plongée. À proximité du récif nous aurons le bonheur de voir un grand requin-marteau le « Mokaran » ainsi qu’un requin à marge blanche (Carcharhinus albimarginatus). À côté de ces grands sélaciens, les requins à pointe blanche de récifs paraissent bien petits, mais leur silhouette tout en souplesse est toujours bienvenue. Le plus souvent nous les rencontrons dans des grottes, mais parfois ils se promènent à proximité immédiate du récif, sans jamais s’en éloigner. Ces plongées se terminent comme elles ont commencé : dans le bleu, de manière à permettre aux «zodiac mans » de nous récupérer suffisamment éloignés du récif et du danger que celui-ci peut représenter pour les semi-rigides. Lors des paliers, je scrute le plancton qui défile parfois sous nos yeux. Pour les « initiés », je dirai que j’ai eu le grand plaisir de réussir à photographier – pour la première fois ! – un appendiculaire dans sa loge (du type « Oïkopleura ») et une globigérine dont on peut reconnaître les logettes sphériques entourées de leurs expansions cytoplasmiques… Que les plongeurs non naturalistes quelque peu « pointus » veuillent bien me pardonner cette digression, mais ces observations ont fait le bonheur de mes paliers…

Un conteur captivant

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En fin de journée, ou entre deux plongées, François Sarano propose à ceux qui le veulent, autrement dit à tous les participants à la croisière, une « causerie » pouvant être orientée au gré des questions et de la curiosité des uns et des autres. Le plus souvent, un thème est proposé, et il sera le fil conducteur de sa présentation. Mais parfois une question est posée, un exemple est évoqué et grâce à un outil informatique de présentation particulièrement souple, François adapte son propos aux souhaits de son auditoire. Sa gestuelle accompagne son verbe : il « vit » ce qu’il raconte et emmène ceux qui l’écoutent. Entre autres sujets abordés : les requins, les cachalots, ses rencontres les plus originales avec la vie sauvage, ses expériences dans l’équipe Cousteau ainsi que lors du tournage d’« Océans ». François a eu l’occasion de s’intéresser aux sujets les plus divers concernant la vie marine et tout le passionne !

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 276 Abonnez-vous

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