Cuba, une reine bien lotie

le 04/05/2020 publié dans le N°290 de Subaqua
Plusieurs requins de récif des Caraïbes sous le bateau - Several Caribbean reef sharks under the boat
Pascal Kobeh
par Pascal Kobeh

Face à la côte sud de l’île de Cuba, à quelques heures de navigation, se trouve un modeste chapelet de petites îles non habitées. Réputé, cet Archipiélago de los Jardines de la Reina, en français l’archipel des Jardins de la Reine, attire les plongeurs du monde entier. Pascal Kobeth nous explique, par le texte et l’image, pourquoi cette destination est aussi prisée.

Jardins aquatiques pour reine catholique

La mangrove - The mangrove

Isabelle Ire de Castille, dite Isabelle la Catholique, n’a certainement jamais nagé avec un Carcharhinus falciformis ou un Carcharhinus perezii. En tout cas pas sous ces appellations puisque ces deux espèces de requins ne furent répertoriées que 300 ans après sa mort. D’ailleurs, il est fort probable que la reine de Castille n’a jamais vu l’aileron d’un de ces squales. Mais peut-être qu’à travers les récits de témoins oculaires, Isabelle aura au moins entendu parler de ces « féroces » poissons ? Poissons qui pullulaient dans les eaux au sud de Juana, nom original de Cuba qui aurait été donné par Christophe Colomb en l’honneur de son propre fils Juan (ce dernier mourant peu après expliquerait pourquoi l’île a été par la suite débaptisée). Un peu plus tard, Colomb dénommera, en l’honneur cette fois de la souveraine de Castille et mécène de ses expéditions, une autre île proche de la grande Cuba. En fait d’île, il s’agit d’un archipel constitué de 250 îlots et « cayos » (un îlot très bas ou un récif en espagnol, l’équivalent de « key » en anglais). Son nom ? Les Jardins de la Reine. Même si les seuls jardins que la reine espagnole a foulés de son vivant ont été les agréables allées ombragées parsemées çà et là de somptueux parterres de fleurs multicolores…

Jojo le mérou, version salsa

Boca Auclitas est le nom du site où notre groupe, constitué d’une quinzaine de plongeurs divisés en trois palanquées, va effectuer la traditionnelle plongée de réadaptation. Le fond, – 18 m max, n’autorise pas les folies les plus inconsidérées, mais déjà le charme opère. Resté à l’arrière de tout le monde, prises de vues oblige, je me régale. En effet, deux ou trois requins de récif des Caraïbes, ces fameux Carcharhinus perezii dont Isabelle ne soupçonnait pas l’existence, tournent autour de moi, très proches, prenant la pose. De quelques-uns, leur nombre devient, plus loin au large, conséquent. De bon augure, me dis-je tout en palmant gentiment pour rattraper le groupe, sous le bateau déjà au mouillage.

Un mérou noir ou badèche bonaci face à une plongeuse - A black grouper facing a diver

Soudain, je ne peux m’empêcher d’étouffer mes jurons et hurlements : la plupart des plongeurs, nos guides inclus, sont en train de toucher une loche, ce mérou énorme qui porte si bien son nom de mérou géant ou Goliath (Epinephelus itajara). Alors que mon éducation de plongeur me fait toujours répéter qu’on ne TOUCHE JAMAIS, ici, c’est à qui caresse ce bel individu à taille humaine (pas loin des 2 m de long). Arrivé sur les lieux, je comprends bien vite la situation et ravale toutes mes imprécations subaquatiques. Il est presque impossible de faire la moindre photo, tant l’animal s’approche, se frotte à n’importe quel plongeur. Un chien affectueux en manque de caresses n’aurait pas un autre comportement. Pour essayer de le cadrer plus ou moins en entier, il me faut l’éloigner d’une douce poussée. Tous mes principes et préceptes bien vite remisés, je succombe à mon tour à l’affection envahissante de ce gentil molosse des mers qui n’est pas sans me rappeler le fameux « Jojo le mérou » du « Monde du silence ».

Requins à profusion

Des requins de récif des Caraïbes sur le récif - Several Caribbean reef sharks on the reef

Une fois à bord, je fais part de mes remarques à Byron, notre guide de plongée. « Tu sais, m’explique-t-il, cet endroit est une réserve marine depuis 1996 et un parc naturel depuis 2010. Personne n’y pèche. Ces mérous peuvent atteindre 40 ans, voire plus. Ici, les animaux ne nous considèrent pas comme des prédateurs, ils n’ont pas peur de nous. Demain tu verras des requins de récifs et des requins soyeux venir en nombre sous le bateau, plus curieux qu’autre chose. » Et effectivement, le lendemain, que ce soit à Farallon ou à La Puntica, place à un festival de requins, avec beaucoup de soyeux évoluant juste sous la surface à proximité du bateau. À la différence qu’ils n’arrivent pas immédiatement à la mise à l’eau comme lorsqu’ils sont nourris. Ici, ils accourent plutôt en fin d’immersion, plus par curiosité qu’en quête de pitance tombée du bateau. « Dis Byron, j’aimerais refaire cette plongée avec un autre objectif. » Mes propos font sourire mon guide. « Ne t’inquiète pas tu en verras encore beaucoup d’autres, en plus grand nombre et de plus près. Ce seront majoritairement plutôt des requins de récif. », précise Byron. Parole tenue à Coral Negro 1 et Coral Negro 2 où les squales grouillent littéralement sous le bateau, à tel point que pour ceux qui plongent sans chaussons, il est déconseillé d’enlever les palmes dans l’eau, par peur qu’un pied blafard ne soit pris pour un poisson perdu à la surface…

Crocodile où es-tu ?

Un crocodile américain- An American crocodile

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 290 Abonnez-vous

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