Dans la rade de Marseille : l’épave de Tiboulen de Maïre

le 01/02/2013 publié dans le N°246 de Subaqua
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Laure Brisciano
par Laure Brisciano
Sybille Legendre
par Sybille Legendre

Curieuse découverte faite en septembre 1976 par Serge Ximenes lors d’un exercice du 2e échelon (notre actuel N 4) dans les parages de Maïre, l’île qui ferme la rade de Marseille au sud. Il s’agissait pour l’élève et le moniteur de descendre dans le bleu et s’arrêter à 40 m. Seulement, la profondeur réelle était de 5 mètres au-delà de la profondeur indiquée par l’antique profondimètre. Et, six mètres plus bas sous les plongeurs, des formes arrondies jonchaient le sol… C’est donc par 51 mètres de fond, qu’un tumulus d’amphores (orienté est-ouest) s’étendait à quelques centaines de mètres au large des Goudes. Par Laure Brisciano et Sybille Legendre.

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  • En 1976, lors de la découverte, on observait deux zones d’amphores émergeant de la vase, espacées d’une vingtaine de mètres environ. La plus importante avait 9 mètres de diamètre. D’où venait le navire ? Où allait-il ? Que transportait-il ? Dans quelles circonstances a-t-il fait naufrage ? Se dirigeait-il vers Marseille, port de transit de marchandises important depuis le VIe s. av. J.-C., ou le quittait-il après avoir commercé des amphores contre quelques produits méditerranéens ? Autant d’interrogations que se sont posées Serge Ximenes et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

     

    La grande aventure a commencé par un sondage en 1977 puis une expertise du DRASSM en 1978. Une période d’attente de onze années a ensuite précédé la première autorisation de fouille obtenue pour un mois en 1999. La campagne de fouille s’est ensuite poursuivie chaque année durant l’été jusqu’à la fin septembre 2012.


Un fond de sable et de vase…

L’épave repose sur un fond essentiellement composé de sable vaseux recouvrant un substrat beaucoup plus dur, sans doute composé de limons déposés par le ravinement des collines les plus proches. Dans cette zone, nous sommes soumis à de nombreux vents et de même, rarement à l’abri. Ces deux facteurs conjoints provoquent souvent une très mauvaise visibilité et demandent des moyens de dégagement particuliers.

Lors des premières fouilles, l’objectif était de retrouver des éléments en bois, et si possible la quille, pour avoir son orientation lors de l’impact. Après de nombreuses plongées, elle fut découverte en parfait état.

L’épave de Tiboulen de Maïre serait un voilier qui devait mesurer une trentaine de mètres de long, bien qu’elle ne soit conservée que sur 21, 5 mètres pour une largeur maximale estimée entre 10 et 12 mètres. Ce navire était chargé d’une importante cargaison d’amphores, comprenant treize types différents (ainsi que neuf modèles qui nous sont encore inconnus), en comptant les différents modules.

L’expertise de 1978 a révélé la présence à bord d’amphores de Bétique, Dressel 20. Ces amphores contenaient de l’huile. Cette donnée nous permet de proposer une escale du voilier en Espagne du sud, Cordoue. En outre, certains modèles présentaient un timbre ”P VA FAU” et ”LUCV” appuyant cette hypothèse. Enfin d’autres types d’amphores que nous avons trouvées devaient renfermer des saumures et du vin.

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Un tampon d’une rareté exceptionnelle

L’ensemble du matériel recueilli, amphores, objets de toutes sortes, vases, cruchons, verres, terres cuites, a été complété en 2008 par la découverte d’un tampon d’une rareté exceptionnelle. Celui-ci servait à estampiller les marchandises présentes à bord. Cette découverte nous a permis de proposer une première datation au site entre 116 et 120 apr. J.-C. En effet, il s’agit d’un double tampon en bois tourné dont l’aspect général, extrêmement bien conservé, est constitué à l’une de ces extrémités d’une marque en demi-couronne mentionnant le gentilice Acilius (inscrit au génitif : ACILIORUM), et de l’autre d’un cachet circulaire annonçant une date consulaire. On observe de part et d’autre de l’abréviation COS, la représentation figurée de deux feuilles de fougères. Cette analyse nous entraîne donc à dater ce voilier aux alentours du premier quart du IIe s. après. J.-C. et de proposer son point de départ de Rome. La datation se confirme avec la mise au jour d’amphores africaines potentiellement contemporaines.


En cette fin de campagne de fouille, nous remercions la COMEX et plus particulièrement Henri G. Delauze, qui nous a hélas quittés récemment, pour son appui technique notable ainsi que les commissions départementale, régionale et nationale de la FFESSM pour leurs subventions renouvelées chaque année. Pour les mêmes raisons, nous remercions également le DRASSM.

Nos pensées se tournent vers Serge Ximenes, pour son dévouement, sa passion et sa patience à travailler d’été en été sur un site exceptionnel. Nos attentions sincères se tournent enfin vers tous les bénévoles venus donner de leur temps durant toutes ces années de recherches, d’études et d’analyses. Cet engagement nous a permis de mener à bien cette étude de l’épave Tiboulen de Maïre.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 246 Abonnez-vous

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