FRÉDÉRIC DUMAS, FILS DE POSEIDON

le 22/06/2016 publié dans le 267 de Subaqua
DIDI DUMAS UNE
Franck Machu
par Franck Machu

La promotion 2016 de monitorat fédéral deuxième degré porte le nom prestigieux de Frédéric Dumas, le troisième des mousquemers, compagnon de Philippe Tailliez et Jacques-Yves Cousteau. Plongeur exceptionnel, passionné d’architecture navale, « Didi » Dumas était un archéologue de renom malgré une formation autodidacte. Premier président de la commission d’archéologie de la FFESSM, créée en 1963, il est également l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le sujet. Un portrait brossé par Franck Machu.

DIDI DUMAS 2

Frédéric Dumas est né en 1913, dans une famille cévenole de médecins et de professeurs et il passe les premières années de sa vie à Albi où son père est professeur de physique. Le petit Frédéric est un enfant malingre. Rien ne semble le prédisposer à la mer, si ce n’est le flair d’un très influent démiurge, Poséidon, qui souffle à l’oreille du médecin de famille l’un de ses plus aguichants conseils : « Il faut à cet enfant l’air salutaire du bord de mer ». Les parents Dumas suivent au pied de la lettre les recommandations médicales et installent la famille à Sanary-sur-Mer, sur les pentes quasi désertes de la petite baie de Portissol. Frédéric a six ans, son frère Hervé en a quatre. Leur frère Olivier naîtra peu après. La maison est ouverte au sud, à une cinquantaine de mètres de la mer, et jamais ne la perd de vue.

Madame Dumas, anxieuse de tout ce qui peut arriver à sa progéniture, couve à l’excès ses trois jeunes garçons. Mais le jeune Frédéric, que tout le monde surnomme Didi, est irrésistiblement attiré par cette mer dont les odeurs embaument la véranda et le jardin. Dès l’adolescence, tous les jours de l’année, quelle que soit la température, et même sous la rare neige varoise, Didi se baigne et nage, vêtu au mieux d’un simple tricot de marin, pour s’endurcir, et repousser les limites de sa résistance au froid, tout en forgeant son indépendance d’esprit.

Son apprentissage de la mer passe d’abord par les bateaux. Sa première embarcation est une sorte de radeau qu’il fabrique en emprisonnant dans un sac des bouchons de liège ramassés sur la plage. Puis il se construit un petit voilier pour apprivoiser le vent.

Aucun des trois fils Dumas ne va à l’école. Toute leur scolarité se passe à la maison. Ils sont d’abord instruits par leur père, puis suivent les cours par correspondance de l’École universelle. Ils grandissent dans une atmosphère de singulière liberté. Chaque été Sanary est colonisée par des familles bourgeoises en villégiature, mais retrouve son calme plus de six mois par an. La vie à Portissol est complète et parfaite. Pour Didi le bonheur c’est : « Cette mer, telle un autre monde à la porte, ce soleil si bon, ces saisons qui meublent la vie. » La saison d’été terminée, Didi retrouve la baie pour lui seul. Il en connaît tous les rochers, tous les arbres, et même les quelques grottes, où il y joue les ermites, ou y emmène sa petite amie. Portissol est sa plage.

À 20 ans il obtient son bachot, par correspondance, et s’inscrit en faculté à Paris. Il ne lui faut que quelques mois pour s’y ennuyer ferme : « comme une comédie qui se superpose à la vraie vie, avec ces empêchements lancinants qui s’interposent, dans le rêve, entre vous et le train que vous devez prendre », confie-t-il. Poséidon l’a frappé au cœur, il sait qu’il ne pourra faire sa vie sans la mer. Il renonce aux études et rentre à Sanary, ce qui, dans le giron d’une famille d’instruits, est une affirmation de soi originale. Didi est un autodidacte fervent, doublé d’un dilettante passionné, qualités indispensables pour qui est épris de liberté.

LA CHASSE SOUS-MARINE

DIDI DUMAS 1Durant l’été 1936, il a 23 ans, il observe son ami Jean Lemoigne nager avec des lunettes et tenter de transpercer les poissons avec une foëne. Didi s’y essaye à son tour, subjugué par la vision sous-marine. La divinité grecque au trident lui souffle ses premières idées. Pas assez puissant pour employer la fronde de Lemoigne, Didi invente l’arbalète sous-marine. Il se fabrique un masque, sur le principe de la lunette de calfat, au moyen d’une vitre ronde et d’une chambre à air de camion. Il jouit d’une aisance dans l’eau et d’une endurance au froid exceptionnelles. Il y met tout son être. Les questionnements sur son avenir lui laissent un répit plein et entier. Sa passion le pousse à l’acharnement, et n’étant pas un colosse, le fait repousser ses limites physiques. Ses exploits lui valent une popularité locale. À Pâques 1938, Jean-Albert Foex, le futur créateur de la revue l’Aventure sous-marine, lui-même pas encore plongeur, brosse pour le journal le Lyon Républicain le portrait d’un jeune homme étonnant qui fait des pêches sous-marines incroyables avec des instruments qu’il a lui-même fabriqués.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 267 Abonnez-vous

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