Le Chariot d’Arcachon

le 29/08/2019 publié dans le N°286 de Subaqua
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Patrick Ragot
par Patrick Ragot

Le Chariot se trouve juste à l’extérieur de la passe Sud du Bassin, à proximité de la bouée marquant l’émissaire de La Salie. Il s’agit d’une épave des plus inédites puisqu’elle prend la forme d’un traîneau d’enfouissement automoteur sous-marin. Posé sur le fond, cet engin était guidé depuis la surface par une barge et avait comme fonction d’enfouir la canalisation d’évacuation des effluents du bassin d’Arcachon. Abandonné au fond de la mer suite à la faillite de son propriétaire, ce vestige repose sur le sable à – 30 mètres à l’étal de pleine mer. Près de 50 ans passés sous l’eau ont fait du Chariot d’Arcachon un superbe récif artificiel, concentrant toute la faune environnante, notamment des espèces juvéniles.
Un sujet, écrit et illustré par Patrick Ragot, président de la commission nationale photo vidéo sous-marine.

Un peu d’histoire…

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Les anémones bijoux (corinactis viridansont colonisé toute la partie haute des superstructures.

Au début des années 1970, l’urbanisation croissante autour du bassin d’Arcachon, ainsi que le développement industriel (notamment l’exploitation des ressources forestières par l’usine de pâte à papier de la Cellulose du Pin) produisent des effluents qui doivent être évacués en mer après avoir été dépollués. Un vaste réseau collecteur est alors constitué autour du bassin. Sa partie finale, le déverseur en mer, doit se terminer à 5 km au large, soit à l’extérieur du bassin. Sa réalisation est confiée en 1970 à une société allemande – leader mondial dans ce domaine – la société Harmstoff, basée à Hambourg. Le contexte qui précède ces travaux est tendu, avec des affrontements entre population landaise au sud (qui reçoit les effluents) et population girondine au nord (qui veut s’en débarrasser). Après la démission de plusieurs élus locaux et l’intervention d’un escadron de gardes mobiles pour calmer les esprits, l’État nomme un préfet délégué uniquement pour gérer ce problème. Sans rapport direct, mais aggravant les tensions, une épizootie survient, touchant gravement l’ostréiculture…

La technique retenue pour les travaux est celle de l’ensouillage sous pression par un engin immergé. Autonome et motorisé, la fonction de ce chariot sous-marin monté sur chenille, sorte de bulldozer des mers, consiste à creuser le fond de la mer avec des injecteurs. Il faut 90 m3 d’eau par minute sous une pression de 10 bars pour ouvrir une tranchée dans laquelle la canalisation d’évacuation des effluents, tuyau d’un diamètre de plus d’un mètre, est ensuite disposée. La partie arrière de la machine referme la tranchée en vibrant le sol pour assurer la bonne stabilité de l’ouvrage. Une barge, baptisée TK8, assure l’approvisionnement en tuyaux et pilote l’engin depuis la surface. Le chantier est conduit depuis le large vers la plage où attend pour raccord, le collecteur des eaux usées du bassin. Mais… nous sommes en plein golfe de Gascogne. Les redoutables tempêtes d’hiver se succèdent pendant deux ans. Les vents soufflent à force 10, la mer déchaînée affiche des creux de plus de 8 mètres alors que les courants de marée dépassent les 5 nœuds ! La puissance des éléments détruit à plusieurs reprises les débuts de l’ouvrage. Plusieurs tronçons de centaines de mètres sont emportés et des interventions de secours seront nécessaires pour récupérer le matériel dérivant. À ces incidents de chantier (rupture de canalisations et perte des matériaux immergés donc, mais aussi mouillage de la barge qui cède, etc.), et aux péripéties administrativo-politiques (retard des paiements), succèdent des drames avec une noyade puis deux accidents de plongée dont un mortel. Confrontée à une telle succession de problèmes et tragédies, la compagnie Harmstoff, pourtant solide et expérimentée dans les travaux de haute mer, doit se résoudre à déposer le bilan. Le matériel de surface est alors saisi et le Chariot est tout simplement – nouvelle tempête oblige – abandonné au fond en 1972, avant de tomber dans l’oubli. Pour clore cette épopée, précisons qu’il faudra attendre deux nouvelles années pour qu’un ouvrage conventionnel soit construit, à savoir une jetée métallique amenant le collecteur loin en mer, le « Wharf » bien connu des surfeurs et des pêcheurs. Cette construction a déjà connu des ruptures de canalisation et il faut parier qu’elle subira elle aussi les assauts de la nature, avec à la clé ensablement et oxydation.

Précautions

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Les énormes câbles d’alimentation électrique et hydraulique abandonnés après la faillite se sont parés de couleurs vives.

L’épave du Chariot se trouve hors bassin, ce qui demande de franchir les célèbres passes pour s’y rendre. Il faudra également les reprendre dans le sens inverse pour rentrer au port. Les horaires, coefficients de marée et la météo sont autant de facteurs qu’il faudra maîtriser car à la fois importants et changeants. Ensuite, un tel îlot métallique posé sur un vaste et uniforme fond de sable est devenu une véritable oasis de vie, concentrant la faune marine.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 286 Abonnez-vous

Commentaires

  • Jacques MEYRIAT dit :

    Belles photos, mais le rendu trop saturé n’est même plus crédible. Le trou à congres de la base, en vraies couleurs, serait plus attractif.
    A part çà OUI, une superbe épave accessible à un large public.

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