le site de Taurœntum Prospection & formation  

le 20/04/2017 publié dans le N°272 de Subaqua
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Séverine et Vincent Dupuis
par Séverine et Vincent Dupuis

La pratique de l’archéologie subaquatique en France, et de façon bénévole de surcroît, n’est pas chose aisée. Pourtant, la richesse du patrimoine sous-marin le long de nos côtes éveille l’intérêt culturel de nombreux plongeurs… Par Séverine et Vincent Dupuis. Photos des auteurs et de Michel Le Bon, Claude Carrega et Cyril Gado.

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C’est grâce à la motivation de quelques passionnés de la commission archéologique de la FFESSM que chaque année, plusieurs opérations de prospection, sondages et fouilles, sont montées en partenariat avec le DRASSM. L’opération de prospection et de formation sur le site de Taurœntum est née de la rencontre entre deux plongeurs : Raphaël Cheriau, plongeur N3 et Vincent Dupuis, instructeur national en archéologie de la FFESSM. Ils ont préparé conjointement et scrupuleusement pendant presque un an le plan de formation et de prospection en archéologie subaquatique qui s’est déroulé en deux temps dans la baie des Lecques en 2016, dans le cadre du GPES, club ciotaden fédéral… historique !

Strabon, Jules César ou Ptolémée, autant de grands noms de l’Antiquité qui ont mentionné dans leurs écrits la ville de Taurœntum. Ce nom est resté gravé dans l’histoire notamment pour le rôle que joua son port lors du siège de Marseille par Jules César. En 49 avant J.-C., à peine sorti vainqueur de la Guerre des Gaules, Jules César doit faire face à son adversaire Pompée dans un combat interne qui déclenche la Guerre Civile. Pour atteindre les troupes de Pompée situées en Espagne, Jules César doit passer par Marseille, puissance maritime et commerciale qui jouit de privilèges et d’une certaine autonomie. Dans le conflit qui oppose les deux belligérants, les Marseillais se rangent aux côtés du général et amiral de la flotte romaine, Pompée. César organise alors un blocus terrestre et maritime autour de Marseille. La flotte de Pompée s’organise à l’extérieur de Marseille, et c’est le port de Taurœntum qui va accueillir près de cinquante galères et barques qui tenteront vainement de percer le blocus imposé par César. César remporte la victoire à l’automne de la même année. Il faut cependant distinguer le site de la bataille du même nom aujourd’hui identifié avec Le Brusc (Var).

Taurœntum : un site historique exceptionnel

Mais l’histoire même de cette cité antique remonte encore bien plus loin dans le temps. D’après plusieurs auteurs antiques, les Phocéens qui s’installèrent sur la côte marseillaise en 600 avant J.-C., voguèrent sur un vaisseau dont l’enseigne était une tête de taureau et dont la colonie prît le nom. Avant d’aborder le site qui deviendrait Massalia, la fameuse cité phocéenne, les chefs de l’expédition se seraient séparés de quelques mutins qui prirent terre dans le golfe de la Ciotat et fondèrent ainsi la ville de Taurœntum. Pour avoir probablement accueilli les tout premiers Phocéens sur le territoire gaulois, l’histoire de Taurœntum a donc traversé les âges. La définition exacte de l’emplacement géographique du site antique a fait couler beaucoup d’encre. Mais un mémoire présenté en 1781 par M. Marin, censeur royal et lieutenant général au siège de l’amirauté de La Ciotat, présentant une démarche de recherche archéologique basée sur une étude précise du terrain, permet de fixer définitivement l’emplacement de l’antique colonie grecque sur le site de l’actuelle Ciotat, et son évolution progressive à l’époque romaine sur le territoire de Saint-Cyr-la-Madrague.

La villa maritime de Taurœntum

Les premières fouilles effectuées au XVIIIe siècle permirent d’appréhender l’importance et le rôle du site dans les relations commerciales qui existaient entre les différentes colonies grecques puis romaines installées autour de Marseille. Mais ce sera à l’issue d’une grande campagne de fouilles dirigée par Antoine Charras dans les années 1920 que le site sera classé monument historique. 1966 voit la naissance du musée gallo-romain de Taurœntum, autour des ruines d’une gigantesque villa maritime qui prospéra le temps de la pax romana des deux premiers siècles après J.-C. D’origine tyrrhénienne, les villas maritimes du sud de la France avaient pour fonction de favoriser les échanges économiques de Rome avec la Gaule en particulier sur la denrée du vin. La présence de ports d’étapes pour la navigation de cabotage était donc nécessaire, près desquels se trouvaient des viviers creusés dans les terres ou en bord de mer qui servaient de garde-manger.

Le site terrestre de la villa maritime de Taurœntum est désormais bien connu. Mais il n’en reste qu’une partie des fondations. Le site antique tel que décrit par les auteurs antiques n’existe malheureusement plus depuis bien longtemps. Il aurait subi un effondrement de terrain autour du IIIe siècle après J.-C. qui aurait irrémédiablement modifié l’aspect du port comme du golfe, et entraîné le déclin économique du site et sa désertion progressive. La villa elle-même se trouve aujourd’hui en partie engloutie au pied de la falaise, à proximité de la plage des Baumelles de Saint-Cyr-sur-Mer.

Aucune prospection archéologique subaquatique n’avait encore été menée sur le site. Un espace vierge à découvrir, pour des plongeurs passionnés et sensibilisés à l’importance de la préservation du patrimoine historique.

Du projet de prospection à la réalisation

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Raphaël Cheriau a des attaches familiales anciennes à La Ciotat. Formé en plongée par le GPES, il connaît aussi l’histoire du site de Taurœntum depuis toujours. Professeur d’histoire dans le secondaire, il est aussi passionné d’archéologie et de plongée subaquatique. Après sa rencontre avec Vincent Dupuis, plongeur archéologue bénévole aguerri par plusieurs années de fouilles et de prospections subaquatiques menées avec différentes équipes de plongeurs archéo fédérales, les échanges sur l’idée de prospecter la baie des Lecques se sont très vite mis en place. Une opération de prospection est prévue en deux temps, sur l’été et l’automne 2016.

Le rapprochement avec le GPES de La Ciotat est immédiat. Né en 1941, le GPES a connu d’illustres membres devenus des personnalités dans le monde sous-marin comme Cousteau, Falco ou Delauze. La réactivation d’une commission d’archéologie a aussitôt intéressé David Tardy (BEES2) qui dirige au quotidien, avec Amélie Orgeur, le GPES. Mais les étapes avant de chausser les palmes sont bien longues.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 272 Abonnez-vous

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