Les poissons aux reflets d’argent…

le 30/09/2020 publié dans le N°292 de Subaqua
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Vincent Maran
par Vincent Maran

Certains des poissons argentés que nous rencontrons au cours de nos plongées méritent souvent davantage que le rapide coup d’œil que nous leur portons. Les Sparidés du genre Diplodus forment un groupe de poissons particulièrement bien représentés sur nos côtes, notamment méditerranéennes. Dans aucune autre des mers dans laquelle nous avons l’habitude de nous immerger il est possible de rencontrer une telle diversité d’espèces au sein de ce groupe. Cette diversité est relative : on compte environ six espèces sur nos côtes (en ajoutant l’oblade, d’un genre très proche), mais ce nombre, qui n’est pas considérable, est toutefois important en comparaison de ce qui peut être vu dans d’autres secteurs géographiques où l’on n’en rencontre… jamais ! Texte et photos, Vincent Maran.

Poisson parmi les poissons

Il faut reconnaître que les Sparidés ne sont toutefois pas remarquables par la variété de leurs couleurs ! Le gris argenté domine largement, et leur robe n’est pas non plus agrémentée de motifs originaux : essentiellement des barres noires ou sombres, une tache blanche, et pas tellement davantage d’attributs… Et pourtant, ils font partie du paysage de nos plongées, et s’ils venaient à en disparaître, ils laisseraient un vide important. Ce sont des compagnons de plongée qui « habitent » l’espace liquide qui nous environne au cours de nos immersions. Les plus grands d’entre eux sont toutefois assez prudents et préfèrent le plus souvent garder une distance de sécurité entre eux et nous. C’est ainsi : nous sommes perçus, parfois à juste titre malheureusement, comme des prédateurs dont il faut se méfier. Toutefois, les générations de poissons qui se sont succédé depuis la création du parc de Port-Cros en 1963 ont fini par oublier que l’Homme immergé pouvait aussi être un prédateur. Plus d’une fois j’ai pu me fondre, comme d’autres plongeurs heureux, parmi les individus qui composaient un beau banc de sars à tête noire comme si j’étais l’un d’eux ! Être ignoré des animaux sauvages et pouvoir les approcher car on ne les effraie pas(1) est un plaisir qu’on aimerait pouvoir vivre bien plus souvent, en mer comme sur terre !

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> Le sar à tête noire (Diplodus vulgaris), comme ses proches parents, fait partie des poissons hermaphrodites de nos côtes. Il est plus précisément hermaphrodite protandre, ce qui signifie qu’il commence sa vie mâle, se transformant ultérieurement en femelle. Les sars sont capables de briser les coquilles des mollusques et les carapaces des crustacés car ces poissons possèdent de robustes molaires permettant de broyer les protections de leurs proies. En temps ordinaire, le sar à tête noire se laisse plus facilement approcher lorsqu’il est près du fond, seul ou accompagné de quelques individus, que lorsqu’il est en banc, à quelque distance du fond.

Scatophagie

Un beau sar commun vient de passer devant moi, et soudain je remarque qu’il commence à déféquer… Je le cadre dans l’oculaire de mon boîtier car je tiens à compléter ma collection de photos concernant cet aspect du comportement physiologique des animaux marins. Oui, tout m’intéresse !

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Il se retourne immédiatement et gobe une bonne partie de ce qu’il vient d’émettre ! Je suis surpris, mais je parviens toutefois à faire une photo « acceptable ». L’intérêt de la photo est d’ailleurs davantage dans le témoignage de ce comportement que dans la recherche esthétique. Est-ce un comportement fréquent ? Je n’en sais rien, et bon courage pour trouver ce type d’information dans la littérature scientifique accessible… On nomme scatophagie le fait de se nourrir de fèces (et même caecotrophie le fait de consommer ses propres féces !). Ce poisson est-il un original, coutumier du fait ? S’est-il retourné parce qu’il avait « conscience » qu’il venait de déféquer ? Est-ce un comportement exceptionnel pour lui, ses fèces auraient été vues par lui comme un élément passant dans le milieu et susceptible d’être intéressant à consommer ? Si un plongeur ne parle pas quand il plonge, au moins a-t-il le loisir de penser et de s’interroger sans réserve !

> Attention piège ! Le sar commun a pour nom scientifique Diplodus sargus, et non pas Diplodus vulgaris ! Le sar commun présente une variation de livrée avec l’âge : chez les jeunes individus on pourra remarquer huit à neuf stries verticales sombres en position dorsale sur les flancs. Ces stries réapparaissent chez l’adulte après le coucher de soleil. On peut dire alors qu’il revêt un pyjama rayé ! Les sars communs peuvent former des bancs dans lesquels viennent s’incorporer des sars à tête noire.

> Un poisson des mangroves et estuaires se nomme scatophage (Scatophagus argus) car il a des habitudes alimentaires très opportunistes, jusqu’à être un vrai « mange-merde », aux dires de certains biologistes eux-mêmes !

Le poisson qui aide les plongeurs perdus !

La plongée se termine, vous avez l’impression d’avoir pris la bonne direction pour retrouver le bateau de plongée au mouillage mais la visibilité n’est pas assez bonne pour vous permettre de le retrouver aussi facilement que voulu. Et pourtant, vous aimeriez bien avoir la fierté de revenir à votre embarcation sans avoir fait surface trop loin de celle-ci auparavant ! Par ailleurs, il est bien plus agréable et plus sécurisant de faire le palier le long du mouillage du bateau plutôt que sous un parachute qu’il faudra ensuite prendre le temps de ranger… Donc, ce serait vraiment bien de retrouver le bateau, d’autant plus que vous devinez qu’il ne doit pas être loin.

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Un poisson peut vous aider ! Si vous savez reconnaître les oblades, et si vous connaissez leurs habitudes, vous augmentez grandement vos chances de retrouver votre embarcation de départ ! En effet, ce petit sparidé fréquent en Méditerranée adore se tenir à proximité des navires à l’arrêt. Il n’est pas rare d’en voir plusieurs dizaines, surgis d’on ne sait où, sous un bateau ou à une distance raisonnable de celui-ci.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 292 Abonnez-vous

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