Une épave, une histoire : l’Umbria, Port-Soudan

le 30/09/2020 publié dans le N°292 de Subaqua
6. Poupe bis copie
Olivier Clot-Faybesse
par Olivier Clot-Faybesse

Le 10 juin 1940, le commandant du transport italien Umbria donnait l’ordre de sabordage. Son navire, alors au mouillage à quelques encablures de Port-Soudan, allait tomber entre les mains des marins de la Royal Navy. Depuis, l’épave de l’Umbria, qui fête cette année ses 80 ans, est considérée comme l’une des plus remarquables au monde. Appréciation pleinement justifiée pour un grand navire reposant à faible profondeur encore bien conservé malgré huit décennies passées sous l’eau. C’est ainsi que l’exploration de l’Umbria ravira experts comme novices.
Texte et photos sous-marines : Olivier Clot-Faybesse.
Dessin : Steven Surina

Vue aerienne Drone copie

Si nous, plongeurs, avons l’opportunité de visiter des épaves, c’est que des milliers de navires ont de tout temps été engloutis par les flots. Les raisons de ces disparitions sont multiples et bien souvent violentes : tempête, avarie de barre ou de propulsion entraînant chavirage ou échouement, naufrage par torpillage, collision, explosion ou encore incendie. Peu nombreux sont donc les bateaux venus se poser sur le fond de la mer, intacts, c’est-à-dire ayant sombré sans trace d’explosion, brèche dans la coque ou proue déchirée. Encore plus rares, ceux d’une longueur conséquente, 100 mètres ou plus, ayant leurs cales pleines d’une cargaison d’une grande diversité et qui résiste assez bien aux outrages du temps. Et si notre quête s’oriente vers une épave baignant dans une eau tropicale à la visibilité plus que correcte et dans des profondeurs modestes, histoire de permettre une exploration dans le confort et la durée, alors infiniment peu de candidats répondent à un profil aussi convoité. Et seul un sort du lot : l’Umbria.

Un peu d’histoire…

17. Caisse copie

Fin mai 1940, port de Naples. À bord de l’Umbria, pour ce qui va être son dernier voyage sur ce navire port, ce dont il ne se doute absolument pas, le capitaine Lorenzo Muiesan est attentif et soucieux. Avant de prendre la direction du canal de Suez pour fendre ensuite les eaux de la mer Rouge, il doit s’assurer que la partie la plus sensible de son chargement est parfaitement rangée, répartie et arrimée au cœur des cinq cales du cargo. Parfaitement compréhensible lorsqu’il s’agit de transporter 6 000 tonnes d’armes et de munitions diverses (bombes, mines, balles, détonateurs…) !

Le canal de Suez étant aux mains des Britanniques, une telle cargaison attire évidemment leur attention. Cependant, l’Italie, si elle s’affiche comme un soutien de l’Allemagne nazie, n’est pas (encore) en guerre contre le Royaume-Uni. L’Umbria est donc autorisé à traverser le canal le 6 juin pour passer en mer Rouge. Mais la marine de sa Majesté n’est pas dupe : la neutralité de l’Italie est toute relative et son entrée dans la guerre semble imminente. Il est fort probable que le but du voyage de l’Umbria consiste à livrer armes et munitions pour défendre les colonies italiennes africaines, à savoir l’Érythrée, la Somalie et l’Abyssinie (future Éthiopie), contre justement de futurs adversaires qui ne seront d’autres, dans cette partie du monde, que les Britanniques. La Royal Navy détache donc un escorteur, le HMS Grimsby, pour accompagner l’Umbria au prétexte de la dangerosité du chargement. Le 9 juin, les deux navires passent dans les eaux soudanaises. Ils sont rejoints par un croiseur léger néo-zélandais le HMS Leander, venu de Port Soudan. Ordre est alors donné au capitaine Muiesan de mouiller à l’abri du récif de Wingate, en face de Port Soudan, sous prétexte de contrôles supplémentaires.

Archive encadre Bahia_Blanca 1930 copie

Le lendemain, le 10 juin 1940 donc, la radio de bord annonce que l’Italie, via son leader Mussolini, déclare la guerre au Royaume-Uni et à la France. Hors de question que l’Umbria et tout son chargement tombent en des mains britanniques, devenues fraîchement ennemies. Réagissant promptement, Lorenzo Muiesan ordonne alors de saborder, au nez et à la barbe de leurs surveillants, son navire. À bord du Grimsby et du Leander, on ne peut que regarder l’Umbria, s’enfoncer lentement sous l’eau, tout en récupérant les marins italiens et leur capitaine…

Précautions et organisation

Localiser et se rendre sur une épave affleurant la surface se fait sans aucune perte de temps, le compteur de la visite démarrant dès la mise à l’eau. Le point intéressant le plus bas est à la profondeur d’environ – 30 m.

10. Chaloupe copieC’est, en effet, à ce niveau que gît une des chaloupes de l’Umbria. Malgré son bon état, elle ne nécessite pas de s’y attarder plus que le temps d’une photo. La zone d’évolution moyenne se situe plus haut, dans la fourchette des – 15 à – 20 m. La partie du récif où le cargo repose est dépourvue de courant et la visibilité va de bonne à moyenne selon le sens de la marée. La principale difficulté de l’exploration de cette épave n’est donc pas le ratio temps/profondeur ou les conditions de plongée. Elle repose sur son gigantisme, couplé au bon état général (beaucoup de passages intérieurs accessibles) et au fait que le navire repose très incliné sur son flanc bâbord. Par conséquent, les points de pénétration, via les cales ou les coursives, sont multiples, et il est d’ailleurs tout à fait possible de passer la quasi-totalité d’une plongée à l’intérieur de l’Umbria. Mais en absence de lumière et de repères en raison de l’inclinaison des structures, se perdre est très facile. Mention spéciale à la partie la plus basse de la salle des machines, dangereuse car exiguë, encombrée et pleine de sédiments. Si la visite des entrailles du cargo est au programme, elle se fera avec la plus grande prudence et muni impérativement d’une source d’éclairage, l’idéal étant d’être accompagné d’un guide connaissant bien l’épave.

1. proue copie

Pour une première visite, un survol extérieur des 150 m du pont, de la poupe à la proue, en jetant au passage un œil à la partie extérieure des cales (éclairée par la lumière du jour), permettra déjà de voir pas mal de choses et de prendre la mesure de ce géant englouti.

La plongée

5. Helice bis copie

Deux immersions sont un strict minimum pour découvrir une épave à la fois extraordinaire, photogénique et d’une grande valeur historique. La mise à l’eau se faisant normalement depuis l’arrière, un tour extérieur de l’Umbria pourra s’articuler en commençant par l’hélice tribord (l’autre n’étant pas visible, le navire étant couché dessus), puis retour vers la poupe, tout en rondeur, avant de glisser le long du pont et des ouvertures des cales 5 et 4 (et leurs munitions sagement empilées), en direction de l’avant.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 292 Abonnez-vous

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