Les Radames, étoiles de Madagascar

le 02/07/2013 publié dans le N°249 de Subaqua
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Henri Eskenazi
par Henri Eskenazi

Cap au 240 en direction de la célèbre ”baie des Russes” pour un mouillage serein et une première nuit malgache. Notre bateau glisse, face au couchant, vers l’archipel des Radames. Nous apprécions la mer immense après la traversée en minibus de Nosy Bé : les cases en bois typiques, les zébus dans les champs, les marchandes de fruits, vêtues de leur kisaly et fardées de masonjoany, au bord de la route, les bananiers, les papayers, les plantations d’ylang-ylang, les jeux d’enfants sur la plage d’Ambatoloaka. Pas un seul bateau à l’horizon, seules les silhouettes des nombreuses îles agrémentent le décor. Le temps commence à ralentir, les minutes paraissent des heures et les pensées s’alourdissent. Un reportage d’Henri Eskenazi.

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Nous sommes entre Afrique et Madagascar, dans le canal du Mozambique. Et si cela n’était plus un songe ? Ici, le bandeau d’azur annonce les côtes du continent noir. Du rêve bleu à la réalité tout aussi bleue, tout n’est qu’espace infini : cieux et terres s’enfoncent dans les mers du Sud… Les couleurs d’ici sont-elles plus vives, plus douces que les couleurs qu’en Europe ? Bleu infini, bleu profond, bleu bonheur, Grand bleu… alors si à Madagascar, on voit rouge, c’est que l’on s’est trompé de destination !

Ici, les plus belles parures de la mer sont les îles même si les espaces libres et purs se font de plus en plus rares. Ainsi, durant cette croisière à Madagascar, je profite à grandes lampées silencieuses de ces plongées hors du temps et je pense à Jacques Brel : ”Une île au large de l’espoir où les hommes n’auraient pas peur. Et douce et calme comme ton miroir. Une île.”

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À moi, l’échappée belle ! Naviguant sur l’océan Indien, je succombe aux pouvoirs de l’Afrique et savoure, avec mon œil de photographe, la plus suave des plongées malgaches.

Des plongées mémorables

Arrêt sur images à ”Greg Wall” : je pénètre un tunnel, gardé par une belle murène de Java avec ses labres nettoyeurs bleu et noir, à l’intérieur duquel un très gros diodon m’accompagne entre quelques nacres colorées. Ce passage débute à 33 mètres et se termine 20 mètres plus loin, à 38 mètres de profondeur, face à un magnifique piton rocheux, recouvert de gorgones jaunes géantes, qui se dresse entre 24 et 85 mètres. Tout est dit, ou presque.

Mon conseil : allez vérifier par vous-même la magnificence de ce lieu exceptionnel.

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Sur le tombant, un troupeau d’une vingtaine de perroquets mâles et femelles broute sans se soucier de nos bulles, alors qu’un poisson faucon long nez est blotti dans sa gorgone et qu’un poisson ange se laisse nettoyer par une crevette : scènes de la vie courante entre sorties de l’école et courses au supermarché… Au retour, deux murènes rubans jaune et bleu à 17 mètres, plus de nombreux platax au palier me comblent à nouveau.

Ici, le bleu est plus subtil, tout à la fois saturé et retenu, intense, presque nocturne. Un bleu profond comme sur la palette du peintre Vermeer. On y retrouve des traces de lapis-lazuli, d’azurite et d’indigo. Pour beaucoup d’entre nous, les plongeurs, le bleu est la couleur de l’eau. Pourquoi ne serait-elle pas aussi celle du ciel ? Existe-t-il véritablement une limite entre les deux ? L’horizon bleu a-t-il la couleur du ciel ou de la mer ?

C’est aussi la couleur de la lumière et partout, sous la surface, nous en manquons tant ! La lumière est si magique que les dégradés sont plus harmonieux, plus veloutés, plus raffinés. Comme séduit par la profondeur, je crois entendre une musique lointaine… Est-ce une baleine ?

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L’archipel des Radames

La mer existe davantage avec les îles. Et que serait l’océan sans port d’attache ou d’arrivée ? Que serait une île sans côtes, sans falaises abruptes ou plages virginales ? Les archipels : des pays entourés d’eau ou des mers ponctuées de terres ? Les Radames, quatre îles qui sont, du nord au sud, Kalakajoro, Ovy, Valiha et Antanimora. Sur cette dernière île, soirée chaleureuse avec les habitants, dégustation de gâteaux-coco et rires avec les enfants.

Du fond de la nuit s’élèvent des chants plein de vie qui caressent les cieux. Retour sur le bateau pour sentir l’océan onduler sous nos pieds nus, se laisser hypnotiser par les multiples lunes qui se reflètent sur la surface et enfin, compter les étoiles infinies. En vain. Alors le silence, le vrai, s’installe jusqu’au lendemain…

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À cette heure où le soleil renonce à briller, pour une nuit de repos méritée, à l’instant où les ocres remplacent les azurs et les noirs inondent les paysages, je me souviens : au fond, sur ”Tombant Black”, nous croisons deux requins pointes blanches, trois langoustes, un thazar, quelques thons et de nombreuses bonites dans le bleu.

Au déjeuner, nous nous régalons d’une salade de chouchou, d’un roumazave de zébu et de papayes au citron. La sauce aux piments rouges égaie les papilles. Le soir, quelque fois, le planteur au gingembre réchauffe les esprits. Sensations. Vibrations. La vue, le goût. Les sens sont en émoi.

Les échanges après la plongée, les commentaires de chacun et le vécu du passé permettent d’attendre l’autre immersion le long du tombant ouest de la première île des Radames.

Là, un grand banc de vivaneaux-pagaïe nous entoure littéralement, comme pour nous apprivoiser. Un ver plat par-ci, un poisson cocher par-là lors de notre balade peu profonde. Un requin dagsit nous surveille au palier.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 249 Abonnez-vous

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