Plongées scientifiques dans le « cimetière de Samoa »

le 27/06/2018 publié dans le N°279 de Subaqua

par Stephan Jacquet

Dans notre numéro précédent nous évoquions la goélette Tara sous l’angle de l’aventure. En navigation entre le Vietnam et la Chine, son capitaine et quatre scientifiques français de la mission TARA-Pacific nous font aujourd’hui part de leurs impressions et de l’avancée de l’expédition.
Pour leur deuxième embarquement ensemble, ces plongeurs scientifiques reviennent sur Upolu, une île des Samoa, qui a bouleversé leur vision de l’état de santé des coraux. Ils évoquent cette question épineuse et proposent des solutions pour enrayer localement cette catastrophe écologique.

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L’EXPÉDITION TARA-PACIFIC : OBJECTIFS & ENJEUX ?

Par Samuel Audrain, capitaine de la goélette Tara.

RECHERCHE 2

Tara a quitté le port de Lorient au printemps 2016 pour une mission de plus de deux ans sur l’étude des récifs coralliens à travers tout le Pacifique (voir carte). 16 équipiers (marins, journalistes, artistes et scientifiques du Centre national de la recherche scientifique, CNRS, Centre scientifique de Monaco, CSM, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, CEA, l’université Paris Sciences et Lettres-PSL), se relaient en permanence à bord de la goélette pour sillonner ce vaste océan d’Est en Ouest et du Sud au Nord. Comme pour chaque mission, avant de larguer les amarres, Tara a subi quelques adaptations indispensables pour répondre au mieux aux besoins d’une telle expédition qui se déroule la plupart du temps dans des zones reculées. Équipements de plongée, compresseur, caisson hyperbare, laboratoire sec, laboratoire humide, embarcations semi-rigides… Une fois sur zone, les semi-rigides sont mis à l’eau pour partir en prospection, afin de localiser les trois espèces de coraux (Porites lobata, Pocillopora meandrina, Millepora platyphilla) qui permettront par la suite de comparer les échantillons d’un côté à l’autre du Pacifique. Il faut également trouver une colonie de Porites suffisamment grosse pour effectuer le carottage et trouver les deux espèces de poissons témoins (Acanthurus triostegus, Zanclus cornutus). En effet, l’expédition s’intéresse à l’écosystème corallien dans son ensemble, en mesurant également des paramètres de l’eau environnante tels que la température, la salinité, le pH, les nutriments…

Sur chaque île, et pour être le plus représentatif possible d’une zone géographique, nous échantillonnons au moins trois sites. Une fois les échantillons remontés sur le pont, les scientifiques s’attachent à traiter puis conditionner tous ces trésors, qui seront ensuite acheminés vers les laboratoires partenaires de l’expédition, lors d’une prochaine escale. Après quasiment deux ans d’expédition, nous avons parcouru 65 000 kilomètres et effectué plus de 2 500 mises à l’eau.

DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE AUX ÎLES SAMOA INDÉPENDANTES

Par Valérie Puzos-Barbe, chercheuse au CEA/Génoscope.

Nous sommes arrivés à Upolu (île principale des Samoa indépendantes) après six semaines d’expédition, après avoir déjà réalisé des échantillonnages sur les îles de Moorea (Polynésie française), Aïtutaki (îles Cook, Nouvelle-Zélande) et Niue. Un respect de l’environnement était visible sur ces îles, aussi bien sur terre qu’au niveau des récifs. La situation était bien différente lorsque nous avons débarqué à Apia (capitale de l’île) et que nous avons rejoint le centre-ville, où de nombreux détritus jonchaient le sol et les plages. Une fois les autorisations obtenues, nous avons jeté l’ancre près d’un îlot non loin de là et nous nous sommes mis à l’eau pour rechercher le site d’échantillonnage du lendemain, comme nous le faisons à l’accoutumée. Notre enthousiasme s’est vite transformé en désarroi. Pas de trace de corail vivant, ou si peu… Nous avons pris le semi-rigide et nous sommes allés un peu plus loin. Même constat…