U-BOOT 171 VISIOSN DE NUIT

le 22/06/2016 publié dans le 267 de Subaqua
U 171 UNE
Jean-Louis Maurette
par Jean-Louis Maurette

Jean-Louis Maurette nous convie à une exceptionnelle plongée de nuit sur le sous-marin U 171 coulé par une mine en 1942 au large de Lorient, par 38 m de fond. L’occasion pour lui d’honorer la mémoire des sous-mariniers disparus et de faire le point sur une technique particulière qui préfigure des plongées beaucoup plus profondes…

Ce jeudi d’octobre, au ponton de la BSM de Lorient, l’ancienne base sous-marine, le bruit et l’animation accompagnant habituellement les sorties en mer ont laissé place au silence. Durant la préparation du matériel, les quatre plongeurs évitent de troubler la sérénité des lieux par des éclats sonores déplacés. Il est vingt heures passé et la nuit est tombée brutalement…

Le bateau quitte le quai, accompagné par le doux ronronnement du moteur. Le temps est idéal pour une plongée de nuit, but de cette sortie. Mais alors que, la plupart du temps, ce type de plongée est réservé à la bande littorale et aux faibles profondeurs, nous avons décidé de rendre visite aux vestiges de l’U 171 qui reposent par 38 m à l’ouest de la pointe de Pen Men, près de l’île de Groix (lat. N 47° 39, 470 – long. W 003° 34, 857 en WGS 84). Nous avons promis aussi aux amis allemands du Verband Deutscher U-Bootfahrer e.V., d’anciens sous-mariniers, de déployer le drapeau de leur association sur le kiosque, à la mémoire des disparus en mer.

U 171 3

Aller à la rencontre d’une épave est toujours un moment agréable quand les bonnes conditions sont réunies mais le faire de nuit et au large apporte une saveur supplémentaire. Une balade de jour sur ce site est généralement une réussite mais une visite nocturne au vieil U-Boot ajoute un peu de piquant et laisse espérer des animaux plus rarement rencontrés dans la journée. Dans tous les cas, force est de reconnaître qu’une plongée de nuit crée une ambiance très particulière. Débutants ou anciens, tous les plongeurs tombent sous le charme mystérieux et un peu angoissant de la plongée de nuit et, ce soir, les cœurs battent plus vite que d’habitude.

L’embarcation navigue maintenant à vitesse réduite, sur un océan apaisé dont la surface reflète les myriades d’étoiles qui constellent le ciel. La trace s’enregistre sur le combiné sondeur/GPS Humminbird, merveilleux appareil de navigation et de prospection. Nous reviendrons en suivant la même route et utiliserons alors un chemin que nous aurons reconnu auparavant donc, théoriquement, exempt de piège fixe.

Même à vitesse raisonnable, la distance nous séparant de l’U 171 est couverte rapidement et localiser l’épave s’avère un jeu d’enfant. Alors qu’Alain prépare tranquillement le mouillage pour la plongée de nuit en posant un Cyalume percuté qui se trouvera à environ 5 mètres au-dessus du fond, une fois mouillé, Jacques de son côté fixe, à l’extrémité supérieure du parachute de remontée, une petite lampe à éclats qui sera allumée au fond lorsque le parachute sera accroché à l’ancre. Nous avons déjà préparé, à terre, notre matériel et la première palanquée de deux plongeurs n’a plus qu’à s’équiper sous l’œil des autres compagnons qui en profitent pour vérifier aussi le bon fonctionnement apparent des lampes à éclats fixées sur le haut des blocs, repères lumineux complétés par un Cyalume accroché sur le harnais de chaque stab. Nous avons chacun un phare principal et une torche de secours, ainsi que deux autres bâtons lumineux de couleur différente dans une poche. C’est aussi l’occasion de vider des blocs de déco chargés de nitrox et d’oxygène pur, opération permettant de se familiariser avec l’équipement ou reprendre ses marques, tout en optimisant la décompression. Je plonge avec Alain alors que Jacques et Murielle se chargent de la sécu surface. La pleine lune donne des reflets d’argent aux lèvres des vaguelettes et rend cette mer noire plus avenante qu’il ne semble…

Le temps de la plongée

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Deux bascules arrières, une ultime vérification, et nous nous enfonçons en suivant la ligne de mouillage avec l’impression d’être irrésistiblement aspirés par les ténèbres, entraînés dans un gouffre sans fond, sinistre, à la suite des faisceaux de nos phares. L’impression est saisissante et oblige à se concentrer plus que de coutume. L’apparition du Cyalume annonce la proximité du fond. Je stoppe et fixe à ce niveau l’indispensable dévidoir alors qu’Alain continue sur quelques mètres, accroche à l’ancre le parachute, le gonfle légèrement et actionne la Strobe Light. Dans cette position verticale, nous disposons là d’une très efficace balise lumineuse immergée. L’épave est toute proche, tapie dans l’ombre ; nous la sentons. Elle apparaît glauque dans la lumière de nos phares car la visibilité, que nous espérions exceptionnelle au début de la descente, est malheureusement moyenne avec de grosses particules en suspension. Néanmoins, la présence de ce bon vieil U 171 est rassurante ; elle apporte un repère connu au milieu de ces ténèbres aqueuses chargées de mystères aussi inquiétants qu’invisibles. Nous sommes au niveau du kiosque et commençons par observer une belle vieille indolente surprise par ces visiteurs inhabituels. Nous pouvons presque toucher ce poisson pourtant bien timide dans la journée. Dans sa fuite nonchalante, le labridé engourdi nous indique la direction de notre promenade subaquatique et nous nous dirigeons doucement à sa suite vers l’entrée du poste central.

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Il est interdit, depuis plusieurs années, de pénétrer à l’intérieur du sous-marin et, même sans décret, s’engager de nuit dans l’exploration des entrailles d’un U-Boot serait quelque peu déraisonnable. Néanmoins, un petit coup de phare circulaire permet d’apercevoir la base du périscope de veille, toujours en place. Alors que le regard tente de percer l’obscurité, une forme mouvante interpelle ! Un magnifique homard fait face, surpris, puis recule doucement avant d’accélérer son mouvement, brusquement, soulevant un nuage de particules sédimentaires. Il disparaît, comme happé par la pénombre, vers l’ouverture rectangulaire derrière laquelle se cache la salle des machines et, peut-être, quelques congénères d’aussi belle taille.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 267 Abonnez-vous

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