COMME UN POISSON DANS L’EAU

le 22/10/2015 publié dans le N°263 de Subaqua
HANDISUB 263-UNE
Fred Di Méglio
par Fred Di Méglio

La plongée sous-marine est bien la seule activité permettant à des handicapés en fauteuil roulant de s’en libérer et d’évoluer dans un espace tridimensionnel, en total partage avec des plongeurs valides  : la mer gomme les différences. Un reportage autour du phare de Planier, face à Marseille de Fred Di Méglio.

 

C’est le cœur de l’été, nous voici avec le bateau de plongée Ville du Pontet au phare de Planier, au large de Marseille. De nombreuses embarcations de plongée ont eu la même idée en cette très belle journée. Mouillage au pied du phare, dans la crique ouest, presque à l’aplomb du Chaouen, ce cargo englouti qui fait la joie du regard des plongeurs depuis plus de quarante ans. Son histoire fait briller aujourd’hui les yeux de nos handi-plongeurs de la section Handisub® de l’USSP, l’Union sportive subaquatique pontésienne, club associatif fédéral de plongée et d’activités subaquatiques du Vaucluse.

HANDISUB 263-1Plusieurs plongeurs paraplégiques sont sur le bateau qui a quitté pour une journée de plongée son port d’attache de l’Estaque. Le bateau est bien adapté pour permettre la circulation des fauteuils roulants sur l’arrière et latéralement jusqu’à la cabine avant dont la porte peut s’occlure d’un rideau pour un éventuel moment de soins intimes médicaux. L’arrière du bateau est largement ouvert pour permettre l’accès facile au quai avec une simple plateforme inclinée où passe facilement un fauteuil pour les embarquements. Ces détails pratiques sont fondamentaux. Sur le côté tribord, une potence est installée qui permet de remonter le plongeur avec un filet adapté de la surface de l’eau au sabord ouvert sur le flanc du navire. Thomas et Guillaume plongent avec l’USSP depuis près de 3 ans, après une paraplégie qui les a privés de l’usage fonctionnel de leurs membres inférieurs. Des entraînements à la piscine du Pontet et à la fosse à plonger de Nîmes leur ont permis de progresser depuis plusieurs mois. Ils finalisent aujourd’hui leur PESH 20 en mer et vont pouvoir découvrir à Planier les flancs de ce cargo qui coula avec 600 tonnes d’oranges un jour de beau temps (voir l’histoire du Chaouen dans Subaqua n° 243 de juillet-août 2012). Chaque saison estivale, certains samedis sont ainsi réservés à la section Handisub® du club où plusieurs moniteurs ont passé leur EH1 voire leur EH2 pour encadrer les personnes en situation de handicap modéré ou sévère.

Nous avions dû annuler un rendez-vous en mai, en raison des conditions météo, mistral et eau trop froide. Aujourd’hui, calme plat et mer à 24 °C. Le chef d’orchestre a tout prévu, c’est Didier Duparcq épaulé par Jean Christophe Pinard, très actifs tous deux dans le domaine du Handisub® pour le comité régional Provence. Quand je demande sur le pont du bateau à Thomas comment il est venu à la plongée, ce dernier me répond « J’ai découvert la plongée par hasard suite à une invitation de Didier. Ce dernier avait besoin de volontaires « handicapés » afin de faire passer des diplômes à des plongeurs pour encadrer des personnes en situation de handicap sous l’eau. J’ai accroché tout de suite après ma première respiration dans un détendeur. Donc, tout naturellement, je me suis inscrit au club USSP du Pontet qui venait d’ouvrir une section handi-plongée. Pour faire court, sous l’eau c’est le seul endroit où je peux me déplacer sans mon fauteuil, donc je vous laisse imaginer le plaisir que cela procure… ».

Des solutions adaptatives

HANDISUB 263-3Le cargo du Chaouen fait 90 mètres de long pour 14 mètres de large, sa proue est à moins de dix mètres sous la surface, je l’ai connu il y a bien longtemps elle émergeait encore à la surface. Il est couché oblique sur son bâbord et son hélice repose sur le sable à plus de 30 mètres sur le fond. Nos protagonistes, Thomas et Guillaume, pour contourner leur handicap moteur ont développé des solutions adaptatives pour s’équiper, ils finissent tranquillement de s’habiller de leur combinaison semi-étanche et de leurs bottillons de Néoprène. Chapeau pour leur dextérité pour passer les jambes ! L’un est resté sur son fauteuil et l’autre a préféré s’asseoir sur le pont. En dehors du lestage traditionnel, pour plonger en milieu naturel avec leurs combis, ils mettent des plombs aux chevilles, les jambes ayant une tendance à remonter dans l’eau. Plus profond selon l’écrasement du Néoprène, les pieds à l’inverse peuvent tendre à racler le fond avec les risques que cela comporte. Thomas depuis deux plongées essaie une mono palme non pas pour se propulser bien sûr mais pour un effet de stabilisateur car cela ralentit l’effet de rotation occasionné par le bloc. Et cela lui permet d’expérimenter des prises de vue avec une mini-caméra embarquée.

HANDISUB 263-LARGE

La maîtrise de la flottabilité avec la stab associée au contrôle efficace de la nage sous-marine avec les bras permet une évolution très efficiente dans l’espace subaquatique tridimensionnel pour le handi-plongeur. Impressionnant de voir la facilité et la dextérité pour enfiler le bloc en surface, puis pour se retourner en passant de la position horizontale sur le dos en surface à une position axiale verticalisée. Les images vidéo de mon reportage en mer m’ont permis de mieux analyser au calme leurs mouvements et d’apprécier toute la dextérité de leur tronc supérieur dans la recherche de points d’appui et d’équilibre.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 263 Abonnez-vous

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