J’observe la vie marine et je m’interroge « Voir, comprendre, aimer, respecter »

le 26/04/2019 publié dans le N° 284 de Subaqua
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Jacques Dumas
par Jacques Dumas

Jacques Dumas s’interroge sur la communication des poissons entre eux, sur la reproduction des oursins, sur les éponges qui… piquent…  Pour mieux comprendre et aimer !
Épisode 4.

>  Mais comment diable font les poissons pour communiquer entre eux ?

Nous savons que la parole est interdite aussi bien aux poissons qu’à nous, plongeurs. Mais, chez les poissons, dont l’eau est l’élément naturel, il doit bien y avoir un moyen…

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Vous avez certainement remarqué que chaque mérou a une livrée avec des taches différentes et qu’on peut reconnaître un individu d’un autre par ses taches particulières sur la tête. Mais savez-vous que les mérous disposent d’une palette de couleurs qu’ils modifient en fonction de l’habitat dans lequel ils vivent. En effet, en fonction des contrastes de l’environnement dans lequel il évolue, le mérou peut changer l’intensité, les tonalités en fonction des contrastes de couleur de son environnement pour se camoufler. Mais ces mêmes variations reflètent des interactions sociales, agressivité, reproduction, soumission… Ainsi chaque mérou peut indiquer à ses congénères ses intentions, belliqueuses, amoureuses, de son statut social dominant/soumis. Un peu comme chaque individu Homo sapiens essaie de se singulariser et d’afficher sa personnalité et son identité grâce à sa tenue vestimentaire. La comparaison peut sembler hasardeuse mais… Certes ils utilisent beaucoup les signaux olfactifs qu’heureusement ou malheureusement nous ne sommes pas capables de détecter. Nombre de poissons utilisent les phéromones, pas uniquement pour la reproduction mais aussi pour délimiter leur territoire de chasse par exemple. Mais leur regard et leur positionnement sont aussi des éléments à prendre en compte. Moralité, observons mieux les mérous que nous avons la chance de croiser et prenons le temps d’observer attentivement leurs stratégies. Nous ne les en comprendrons que mieux.

>  Est-ce gênant d’avoir des piquants partout quand on veut se reproduire : comment font les oursins ? Et comment reconnaître un mâle d’une femelle ?

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Les anciens baroudeurs de Méditerranée colportaient au sujet des oursins que le noir était le mâle et le violet la femelle… erreur ! Il s’agit en fait de deux espèces bien différentes… Le noir (Arbacia lixula) était pris pour le mâle alors que l’oursin pierre (Paracentrotus lividus), de couleur variable (mauve, jaune, vert ou rouge) était pris pour la femelle. Pourtant bien des critères anatomiques visibles les distinguent, comme la forme, la densité des piquants, le nombre de tubes ambulacraires… (Allez voir sur DORIS et vous saurez tout sur ces différences). Nous serons bien en difficulté de distinguer les mâles des femelles de chacune des espèces dans la mesure où rien anatomiquement ne les discerne. Les sexes sont séparés certes, mais la reproduction se fait par émission de gamètes en pleine eau, qui après le hasard de la rencontre permettra l’apparition d’une jeune larve planctonique qui mènera son développement au gré des courants avant de tomber sur le fond pour finir sa métamorphose en oursin. Certaines espèces possèdent en plus la capacité de se reproduire de façon ovipare comme l’oursin granuleux (Sphaerechinus granularis), mais dont les sexes ne sont pas pour autant discernables à l’œil.

> Toutes les éponges ne sont pas aussi « spongieuses » que nos éponges de toilette… d’ailleurs certaines piquent et sont rigides

Certaines sont molles mais d’autres très dures avec, entre les deux, toute une palette de textures. Ce n’est donc pas au toucher qu’il est le plus évident de les reconnaître… Bien sûr, l’éponge de toilette non synthétique est une authentique éponge, terme qui recouvre par extension tous ces organismes. Ces derniers sont des filtreurs soit, en simplifié, un grand réceptacle dans lequel des canaux permettent la circulation d’eau apportant nourriture et oxygène. Ce qui fera la différence entre squelette mou ou dur est la présence ou non de « spicules » qui renforcent le collagène. Celles qui sont dépourvues de spicules se verront alors soutenues structuralement uniquement par ladite spongine, comme l’éponge de toilette. Ces fameux spicules observés en microscopie lors des stages bio sont constitués de carbonate de calcium ou silice. On distinguera les éponges calcaires (calcisponges), les homoscléromorphes peu courantes, les hexactinellides au squelette siliceux que l’on rencontre dans les grandes profondeurs, et les desmosponges que les plongeurs rencontrent la plupart du temps, à squelette fibreux avec ou sans spicules siliceux. Ce sont les spicules qui parfois viennent jusqu’en surface de certaines espèces aiguiser nos sens tactiles…

On parle d’éponges de feu comme Tedania ignis des Caraïbes (vivipare celle-ci…) aux très grosses spicules à la forme de fines aiguilles ou, dans les mêmes mers, Neofibularia nolitangere capable d’infliger au contact des brûlures qui dureront plusieurs jours, des engourdissements et parfois des difficultés respiratoires, car elle sécrète des toxines. Elle porte bien son nom dérivé du latin « noli tangere », « ne touche pas »… Outre les douleurs, démangeaisons et rougissements de la peau, cela peut aller jusqu’à des œdèmes localisés voire plus avec des nausées, et même syncopes.

Parfois elles ne sont pas les vrais responsables, leur toucher déclenche une irritation de la peau chez les pêcheurs d’éponge de Méditerranée à mains nues (maladie des pêcheurs d’éponge), mais c’est lié à un parasite, un petit cnidaire (Sagartia rosea) qui pique avec ses tentacules urticants…

À lire absolument si vous souhaitez en savoir plus : « Spongiaires de France, les carnets du plongeur », par Philippe Le Granché, Frédéric André et Gaël Rochefort., Éditions Neptune Plongée, ouvrage de référence FFESSM, DORIS.

>  Pourquoi certains jeunes poissons sont-ils associés à des méduses ?

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 284 Abonnez-vous

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