L’Asie ou l’incroyable diversité

le 29/08/2019 publié dans le N°286 de Subaqua
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Gerard Soury et Henri Eskenazi
par Gerard Soury et Henri Eskenazi

Après un zoom dans notre numéro d’été sur notre proche Méditerranée, Subaqua vous entraîne en cette rentrée beaucoup plus loin, à la découverte d’un autre continent : l’Asie(1). Là-bas, dans le bassin Indo-Pacifique, les îles se répartissent en vastes archipels et se comptent par milliers. Tout comme le nombre d’espèces, la vie marine est d’une prodigieuse variété et richesse. Tout ce beau monde est brassé par les courants nourriciers en provenance de deux océans, Indien à l’Ouest, Pacifique à l’Est. Au cœur de ce vaste espace, il reste encore des territoires à défricher. Baroudeurs devant l’éternel, Gérard Soury (archipel des Mergui, Birmanie) et Henri Eskenazi (archipel indonésien des Raja Ampat, Papouasie occidentale), vous proposent de découvrir deux de ces destinations préservées et sauvages.
(1)Plus précisément deux puisque bien qu’appartenant à l’Indonésie, les Rajat Ampat se situent en Océanie.

CROISIÈRE Birmanie

Plongée au pays des mille pagodes

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GERARD SOURYSur notre minuscule planète, il est des noms de pays qui résonnent plus que d’autres tant ils sont chargés de mystère voire d’étrangeté pour notre imaginaire d’Occidentaux. Aborder le Myanmar autrement qu’au travers d’un circuit prédigéré nous a semblé séduisant. Et pourquoi pas par la mer, en se glissant sous sa surface le temps d’une croisière dans l’archipel des Mergui ? Un reportage de Gérard Soury.
Myanmar, nous voilà !

Bunmee III - 03Dans la moiteur crépusculaire, le Bunmee 3 quitte le port thaïlandais de Khura Buri. À la proue, l’équipage procède au rituel ancestral en déclenchant un vacarme pyrotechnique censé nous attirer les faveurs du ciel. On n’est jamais trop prudent. Le capitaine met cap au nord pour rejoindre le port birman de Kawthaung où nous devrons le lendemain matin sacrifier à un rituel moins glamour, celui des formalités douanières. Ces dernières expédiées après un troc express de billets verts contre un coup de tampon sur les passeports, cap au nord-ouest. C’est près de l’île d’Hlaing Gu qu’a lieu la première plongée destinée à retrouver les bons réflexes quelque peu émoussés par le long hiver. Deuxième saut de puce pour se rendre sur un site au nom prometteur : The 3 Stooges. Qu’on ne s’y trompe pas : les Stooges en question sont de banals îlots qui n’ont rien de commun avec le célèbre groupe rock, considéré comme l’un des précurseurs du Heavy Metal. Il vaut mieux y voir la traduction quelque peu péjorative de serviteurs, de larbins, voire de bouffons. Qu’importe, c’est au pied de leurs falaises calcaires que nous découvrons pour de bon la faune locale. En premier lieu, d’immenses bancs protéiformes de vivaneaux à bande blanche qui évoluent selon une chorégraphie qu’il serait vain de tenter de définir. Pomme, notre guide préférée à l’humeur aussi égale que joyeuse, a tôt fait de prendre la direction des opérations.

POI.1105C’est évidemment elle qui débusque notre premier hippocampe d’un élégant jaune moutarde, s’il vous plaît, pas assez dissimulé dans un tapis de corail.

POI.1070En revanche, c’est par pur hasard qu’au détour d’un éboulis, je découvre un repaire de murènes à œil blanc. Quatre d’entre elles ont apparemment décidé de squatter la même cavité, ce qui n’est pas pour me déplaire, ni à mon Nikon d’ailleurs. Bref, j’ai connu des entames de croisières moins réussies.

 Black Rock

Black Rock n’est pas plus « black » que les autres émergences calcaires de cette partie de la mer d’Andaman, mais qu’importe, on ne lui en voudra pas. Une énorme murène de Java s’extrait presque entièrement pour nous accueillir. Pas de quoi, pour autant, nous faire oublier la multitude de poissons scorpions qui squattent le récif dans sa quasi-totalité. À croire qu’il s’agit là d’une spécialité locale. Un minimum de prudence s’impose donc et mieux vaut conserver une distance respectable avec ces immobiles prédateurs. D’ailleurs, notre attention est détournée par un groupe d’élégants ptéroïs toutes voiles dehors, eux aussi en position statique. Une belle opportunité photo immédiatement mise à profit. Étonnant d’ailleurs que ces poissons plutôt enclins à préférer la lumière crépusculaire évoluent en pleine eau au beau milieu de la journée. Mais ne boudons pas notre plaisir. Plaisir quelque peu entamé après que mon genou droit ait eu une brève altercation avec un oursin diadème. Mais bon, c’est l’affaire de 24 heures avant que les perfides épines disparaissent d’elles-mêmes. Pour me consoler, l’océan m’offre une belle rencontre avec une élégante méduse à points blancs, qui sert de refuge à une colonie d’alevins, dissimulée dans le fouillis orangé de ses bras urticants.

Notre navire quitte Black Rock au crépuscule. Une fois le soleil disparu, la mer d’un noir profond se couvre progressivement de lucioles vert fluo, chacune dénonçant un bateau de pêche au lamparo. Pas étonnant car dans cette partie du monde, l’océan est la principale source de protéines.

The Twins & Candy Canyon

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C’est l’îlot sud de ces Jumeaux (twins en anglais) qui aura la faveur de nos plongées du jour. Un amoncellement de boulders, blocs de roche gigantesques, offre toutes sortes d’opportunités de vie et de cachettes à une faune disparate………………

CROISIÈRE INDONÉSIE

Papouasie, immersion au cœur de la vie

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Henri ESKENAZI 3S’évader le temps d’une croisière en Papouasie, c’est une opportunité de bouleverser son quotidien, de découvrir des univers différents et de multiplier des rencontres enrichissantes. Un reportage d’Henri Eskenazi (www.henrieskenazi.com).

Loin de la froidure de l’hiver européen, Jakaré, un superbe bateau d’une trentaine de mètres, nous attend, ancré sagement au milieu de la baie juste en face de Sorong. C’est une goélette en tek et bois de fer, construite récemment, aussi confortable qu’agréable à l’œil. Il y a beaucoup d’espace et je m’y sens tout de suite très à l’aise, tout comme mes compagnons de plongée, Benoit, Patrick et Fred. La plupart des hommes d’équipage sont présents depuis la mise à l’eau du bateau. S’ils sont originaires de diverses îles (Java, Sulawesi ou Papouasie), le sourire dans leur regard est commun. Des hommes discrets, disponibles et efficaces, des qualités que les plongeurs croisiéristes que nous sommes apprécient tout particulièrement.

Requin-tapis, sable étincelant et végétation luxuriante

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Notre première nuit à Yanbuba, entourés d’îles verdoyantes et de plages désertes typiques des Raja Ampat (littéralement « les quatre Rois »), s’apprécie particulièrement après le long périple nécessaire pour atteindre cette destination. Le lendemain matin, reposés, nous voilà prêts pour notre première plongée. Devant le village, dans quinze mètres d’eau, la vie est foisonnante avec notamment la rencontre sous une grande table de corail de l’étrange requin-tapis (il porte bien son nom !) ou Wobbegong. Voilà une croisière qui commence bien… Sortis de l’eau, nous nous baladons sur un photogénique banc de sable. Impossible d’être blasé par tant de beauté, celle de ces îles lointaines où la végétation luxuriante trempe littéralement dans les flots. Les nombreux animaux s’expriment par leurs chants ou leurs cris alors qu’heureusement les moustiques, eux, sont absents. Le ciel déjà un peu menaçant, nous offre maintenant un orage particulièrement intense mais qui ne dure que quelques minutes. Juste assez pour nous faire encore plus apprécier la blancheur éblouissante du sable et la transparence de l’eau, avec une visibilité de vingt mètres, laissant apparaître les innombrables coraux. Du regard, j’embrasse tout l’espace et le calme de cet archipel des Raja Ampat dans la mer d’Halmahera, pour me laisser doucement bercer par le soleil, dans un repos presque absolu tout près des flots. Ne plus penser à rien sauf à l’essentiel, car il est des croisières qui nous grandissent l’esprit… Celle sur Jakaré en fait partie. Au fil des jours, je vais photographier les océans, vastes et tranquilles, quelquefois impétueux où palpite, de l’horizon bas au zénith, des fonds jusqu’à la surface, une multitude de tons doux et pastels, nuancés par la houle ou les vagues blanches et tendres.

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Wayag, archipel magique

Cap au Nord-ouest. À la proue, les dauphins nous accompagnent. Sur le site de Cape Kri, nous nous laissons entraîner par un léger courant qui force en fin de plongée près de la surface. En chemin, plusieurs requins gris, pointes noires et pointes blanches accompagnent notre route. Les tortues ne sont pas en reste de nos éclairs de flash qui ne semblent point les importuner, bien au contraire. L’une d’entre elles ne se gêne pas pour littéralement labourer les alcyonaires. Un gros napoléon et une raie manta passent dans le bleu, pendant qu’une loche de presque deux mètres se laisse nettoyer par une dizaine de petits poissons coopérants. Il y a aussi des platax en bancs, trois espèces différentes de poissons-clowns dans la même anémone, sans oublier toute la vie animale de la Papouasie qui s’ébat entre coraux et gorgones.

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Puis, c’est une longue navigation de nuit pour arriver à cent miles au Nord-Ouest de Sorong dans l’archipel magique de Wayag, avec toujours cet immense plaisir de franchir la ligne équatoriale en comptant les étoiles et en suivant des yeux la lune qui s’élève. Réveil à six heures au beau milieu d’immenses rochers volcaniques où mille palmiers surplombent la mer turquoise.

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Un nasi goreng (riz local agrémenté de légumes et autres bonnes choses) comme petit-déjeuner, et nous attaquons l’ascension assez vertigineuse du mont Pindito à travers la forêt luxuriante poussant sur les scories. Là-haut, nous sommes récompensés par la vue sublime sur tout l’archipel caractéristique de cette région de la Papouasie. Benoit s’éclate avec son drone qui nous ramène des images originales. Sourire aux lèvres, nous retournons sur Jakaré pour notre première des quatre plongées quotidiennes. À Pinacle Ridge, à peine mis à l’eau, une raie manta s’enfuit dans le bleu. Sur le sable, une tortue peu farouche et quelques requins batifolent. Parmi les couleurs des coraux, gorgones, éponges et alcyonaires, Mansar, notre guide papou, tape sur sa bouteille tout émoustillé. En effet, il vient de nous dénicher un minuscule hippocampe marron de deux millimètres, posé sur un hydrozoaire. Une découverte qui me remplit de joie (je suis équipé d’un objectif macro), mais qui laisse presque indifférents les autres plongeurs. Certains n’arrivent même pas à voir cette créature posée sur le substrat de la même couleur.

Ceci est un extrait du Dossier paru dans le numéro 286 Abonnez-vous

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